(Ottawa) Ça y est, c’est reparti. Plus de deux mois après les élections, le coup d’envoi des travaux parlementaires a été donné par la gouverneure générale du Canada, Mary Simon, qui a prononcé un discours du Trône s’articulant principalement autour de la lutte sans merci contre la COVID-19. Elle l’a fait en disant environ un mot sur cinq en français.

« Le début de la décennie a été extrêmement difficile, mais le temps de rebâtir est arrivé », a affirmé d’un ton placide la première représentante de la reine au Canada d’origine autochtone, mardi après-midi, installée sur son trône du Sénat.

Ses premiers mots ont été en inuktitut, sa langue maternelle. Ils ont été consacrés au rappel des récentes découvertes de centaines de sépultures anonymes d’enfants qui ont péri sous le système des pensionnats pour Autochtones et au thème de la réconciliation.

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Le discours du Trône a eu lieu dans le nouvel édifice du Sénat.

Mais la « priorité absolue », a assuré Mary Simon, demeure le contrôle de la pandémie, et « pour cela, la vaccination est le meilleur outil », a-t-elle indiqué, alors que la campagne d’immunisation pour les enfants de 5 à 11 ans est sur le point de se mettre en branle.

Car « mettre fin à la pandémie » est la « meilleure chose à faire pour l’économie », a-t-elle exposé dans ce discours qu’elle a lu en trois langues – oui, la gouverneure générale, qui ne parle pas le français, mais qui a promis de l’apprendre, a parlé dans la langue de Molière. Précautionneusement et lentement.

L’économie a certes repris du poil de la bête dans les derniers mois. Mais avec elle est arrivé un autre écueil : la hausse du coût de la vie. Un phénomène dont le Parti conservateur a fait un cheval de bataille – le porte-parole en matière de Finances, Pierre Poilievre, y a consacré un point de presse avant le discours du Trône.

La réponse du gouvernement libéral, de la bouche de Mary Simon : « L’inflation est un défi mondial. Et […] nous devons continuer à lutter contre l’augmentation du coût de la vie. Le plan du gouvernement à cet égard inclut deux priorités : le logement et le service de garde d’enfants. »

Lutte contre les changements climatiques

Un autre combat, celui contre les changements climatiques, a aussi eu la part belle dans le discours prononcé devant une assistance clairsemée, dont faisaient notamment partie le premier ministre Justin Trudeau et le juge en chef de la Cour suprême du Canada, Richard Wagner, dans le nouvel édifice du Sénat du Canada.

Notre planète est en danger. Qu’il s’agisse des effets du réchauffement de l’Arctique ou des ravages toujours plus importants des catastrophes naturelles, notre terre et nos populations ont besoin d’aide.

Extrait du discours du Trône prononcé par la gouverneure générale Mary Simon

Mais « en mettant l’accent sur l’innovation, les bons emplois verts et la collaboration avec les pays aux vues similaires, nous bâtirons une économie plus résiliente, plus durable et plus concurrentielle », a-t-elle avancé sous le regard de son mari, Whit Fraser.

Et alors que plane sur l’industrie automobile canadienne le spectre du protectionnisme américain, elle a tenu à signaler que la prospérité du Canada était grandement tributaire « de la solidité et de la résilience de nos chaînes d’approvisionnement », et des « échanges commerciaux ouverts ».

Chantiers connus

Le gouvernement Trudeau avait déjà affiché ses couleurs en vue de la rentrée parlementaire – il a eu, après tout, plus de deux mois pour le faire depuis les élections du 20 septembre dernier.

De nombreux éléments de cette allocution n’avaient donc rien de bien surprenant.

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Justin Trudeau, premier ministre du Canada, lors d’une allocution en Chambre après le discours du Trône, mardi

En rafale, on promet d’aider les secteurs encore mis à mal par la pandémie, de présenter un projet de loi pour offrir 10 jours de congé de maladie aux employés fédéraux, un autre pour protéger les travailleurs de la santé des manifestants antivaccins qui s’approchent de leur lieu de travail, et de déposer de nouveau le projet de loi visant à bannir les thérapies de conversion.

Cette liste de priorités, aussi cruciales soient-elles, ne doivent pas éclipser les autres enjeux, a souligné la gouverneure générale dans son discours.

Des enjeux comme la prolifération des crimes commis avec des armes à feu.

« La violence par arme à feu est en hausse dans plusieurs grandes villes », a regretté Mme Simon, réitérant l’intention libérale d’instaurer un programme de rachat obligatoire des armes d’assaut déjà interdites et d’aller de l’avant « avec les provinces et les territoires qui veulent interdire les armes de poing ».

Et la santé ?

La question précise des transferts en santé ne figurait pas dans le discours.

Tout au plus se contente-t-on de s’engager à « travailler avec les provinces et les territoires pour obtenir des résultats qui répondent aux besoins des Canadiens », en matière d’accessibilité, de reports d’interventions chirurgicales ou encore de santé mentale et de dépendance.

Des transferts ciblés qui font grincer des dents à Québec.

En matinée, le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, est demeuré muet lorsqu’on lui a demandé à quel moment commenceront les pourparlers avec les provinces et les territoires. « Pour l’instant, on établit le plan de match », s’est-il contenté de dire en mêlée de presse.

Vote de confiance sans suspense

Les débats en réaction au discours du Trône ont débuté mardi en Chambre. Un vote de confiance suivra. Le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau a besoin de l’appui d’un parti pour survivre, et il est d’ores et déjà garanti qu’il ne tombera pas, grâce à l’appui annoncé du Bloc québécois.

Un autre dossier, d’ordre procédural, demeure à régler à l’ordre du jour : décider si les députés siègeront en mode hybride, comme le souhaitent les libéraux et les néo-démocrates. De plus, le président des Communes fraîchement réélu, Anthony Rota, doit trancher la question de l’obligation vaccinale pour les élus.

Mardi, comme promis, les conservateurs ont contesté cette décision du Bureau de régie interne.