Aucun Québécois francophone n’a occupé le siège du président de la Chambre des communes depuis Jeanne Sauvé, au début des années 1980. Cette fois, deux sont en lice : le conservateur Joël Godin et la libérale Alexandra Mendès, qui pourrait bien devenir la deuxième femme à y prendre place.

« J’aime beaucoup la procédure », confie la députée en entrevue, loin d’être intimidée par l’épais volume de plus de 300 pages qui contient tous les règlements de la Chambre des communes. « Je pense que c’est essentiel qu’on aime ça et qu’on l’applique comme il faut. »

Tous les députés devront voter ce lundi pour élire leur prochain arbitre. Les débats sont parfois musclés et la personne chargée de les présider a pour mission de maintenir l’ordre, ce qui demande une grande maîtrise de soi.

La députée de Brossard–Saint-Lambert, sur la Rive-Sud de Montréal, y a déjà goûté au cours des deux dernières années comme vice-présidente adjointe.

PHOTO JOE ALVOEIRO, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK D’ALEXANDRA MENDÈS

Alexandra Mendès, députée libérale de Brossard–Saint-Lambert

J’ai été très surprise de combien j’ai aimé ça. J’ai trouvé que c’était une excellente façon d’apprendre à connaître le pays. On entend des points de vue de partout.

Alexandra Mendès, députée libérale de Brossard–Saint-Lambert

La Québécoise d’origine portugaise a été élue pour la première fois en 2008. Remerciée par les électeurs au profit de son rival néo-démocrate lors de la vague orange de 2011, elle a refait son entrée au Parlement en 2015.

Si elle est élue par ses pairs, Mme Mendès deviendrait la première femme depuis Jeanne Sauvé à présider les débats. L’ancienne gouverneure générale avait alors été nommée par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau en 1980 et avait occupé ce siège jusqu’en 1984.

« Je pense qu’il est temps qu’on ait une femme élue à la présidence de la Chambre », affirme Mme Mendès, qui veut créer une chorale pour que les parlementaires puissent chanter à l’unisson en dehors des débats partisans.

Au moins cinq candidats, dont une autre femme, se disputeront ce poste à l’ouverture des travaux parlementaires, lundi. Il s’agit de la néo-démocrate Carol Hughes. Le choix se fait désormais par l’entremise d’un scrutin préférentiel. La rumeur veut que l’ex-cheffe du Parti vert Elizabeth May soit également intéressée par la présidence.

Campagne en coulisse

Le député conservateur Joël Godin ne ménage pas ses efforts pour convaincre les autres élus, tous partis confondus, de l’inscrire comme premier choix. Il dit avoir rencontré le caucus du Nouveau Parti démocratique, téléphoné à tous les députés bloquistes, parlé à ses collègues conservateurs et à quelques libéraux.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE JOËL GODIN

Joël Godin, député conservateur de Portneuf–Jacques-Cartier

C’est important, en ce moment historique, de mettre un président issu de l’opposition à la suite de [l’élection] de ce deuxième gouvernement minoritaire.

Joël Godin, député conservateur de Portneuf–Jacques-Cartier

L’élection d’un président québécois francophone enverrait un message bienvenu après les récentes controverses sur la langue, selon lui. « C’est une tribune pour démontrer l’importance d’une des deux langues officielles », fait-il remarquer.

La nomination en juillet de la gouverneure générale Mary Simon, qui ne maîtrise pas le français, avait soulevé un tollé, tout comme le récent discours presque exclusivement en anglais du président-directeur général d’Air Canada, Michael Rousseau.

Certains de ses adversaires ont reproché à M. Godin son côté partisan, ce qu’il reconnaît.

Lorsque je serai président, je serai partisan de défendre les droits et les privilèges parlementaires de tous les députés.

Joël Godin, député conservateur de Portneuf–Jacques-Cartier

Sur l’épineuse question de la vaccination des élus, il admet qu’il aurait fait les choses autrement en invitant tous les parlementaires à se prononcer sur la question, quitte à permettre le vote virtuel. Son parti voulait contester la décision prise par le Bureau de la régie interne d’exiger que tous les élus soient vaccinés contre la COVID-19 pour siéger en personne à la Chambre des communes.

Le député, élu pour la première fois dans Portneuf–Jacques-Cartier en 2015, ne manque pas d’idées pour moderniser les travaux parlementaires. Comme à l’Assemblée nationale, il aimerait qu’un cadran numérique remplace les signes de doigts du président pour que les députés sachent combien de temps il leur reste lorsqu’ils livrent un discours.

Il voudrait également instaurer le vote électronique de façon permanente, ce qui permettrait de gagner du temps. « Ça prend 45 à 50 minutes en moyenne, un vote en personne », souligne-t-il. Les 338 députés doivent se lever à tour de rôle pour indiquer s’ils sont pour ou contre.

L’élection du président de la Chambre des communes sera le premier point à l’ordre du jour lundi. La tradition veut que ce soit le doyen qui s’en charge. C’est donc le député bloquiste Louis Plamondon qui supervisera ce vote secret pour la cinquième fois, un record.