(Ottawa) Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, expulse du caucus national la sénatrice Denise Batters, qui a lancé une pétition exigeant une révision de son leadership. La sénatrice évincée a juré de poursuivre son combat.

« La sénatrice Denise Batters a été expulsée du caucus national conservateur. En tant que chef du Parti conservateur du Canada, je ne vais pas tolérer qu’une personne discrédite clairement et méprise les efforts déployés par tout le caucus conservateur, qui demande des comptes au gouvernement corrompu et catastrophique de Justin Trudeau », a affirmé M. O’Toole dans une déclaration aux médias.

« Il y a seulement huit semaines, les Canadiens ont élu les conservateurs pour qu’ils demandent des comptes à Justin Trudeau pour sa mauvaise gestion économique, et pour qu’ils se battent contre la crise du coût de la vie, la hausse en flèche de l’inflation et les problèmes de la chaîne d’approvisionnement qui nuisent aux entreprises. C’est ce que nous faisons en tant qu’équipe », a-t-il ajouté dans sa déclaration.

La sénatrice a réagi à son évincement avec une colère manifeste.

« Ce soir, Erin O’Toole a essayé de me faire taire pour avoir donné la parole à nos membres du [Parti conservateur]. Je ne serai pas muselée par un leader tellement faible qu’il m’a viré PAR MESSAGERIE VOCALE », a-t-elle pesté sur Twitter, ajoutant que le dirigeant ne peut réprimer « la volonté » les membres, et publiant à nouveau un lien vers le site de la pétition.

Nommée au Sénat par l’ancien premier ministre Stephen Harper, Denis Batters était proche de l’ancien chef Andrew Scheer et avait appuyé Peter MacKay lors de la dernière course à la direction du Parti conservateur, en 2020.

Lundi, Mme Batters a publié une vidéo publiée sur Twitter, dans laquelle elle a invité les membres du Parti conservateur à signer une pétition dont l’objectif est de réclamer une révision du leadership d’Erin O’Toole d’ici six mois, soit en juin 2022 au plus tard, au lieu d’attendre au prochain congrès de 2023, comme prévu. Et pour rallier les membres à sa cause, elle s’est livrée à une attaque en règle contre chef conservateur.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Denise Batters (à droite)

« Sous le leadership d’Erin O’Toole, le fossé au sein de notre parti s’agrandit », peste Mme Batters dans la vidéo d’environ deux minutes, en dénonçant un chef qui s’est présenté comme un « vrai bleu » pendant la course à la direction, mais qui a selon elle ensuite trahi les principes conservateurs en faisant une campagne « pratiquement indiscernable » de celle des libéraux de Justin Trudeau.

« À titre de chef, M. O’Toole a dilué, et même complètement renversé, nos politiques, sans l’avis du parti ou des membres du caucus. Au sujet de la taxe sur le carbone, des armes à feu, des libertés de conscience, il a fait volte-face pendant la même semaine, pendant la même journée, parfois même dans la même phrase », raille-t-elle aussi.

Selon ce qu’a rapporté le réseau anglophone Global News sur la foi de sources anonymes conservatrices, la sortie sénatoriale représenterait la première étape d’une campagne orchestrée visant à pousser le dirigeant vers la sortie. La Presse n’a pas été en mesure de confirmer ces informations voulant qu’un supplice de la goutte attende Erin O’Toole, dont le caucus se réunit mercredi pour sa séance hebdomadaire.

On imagine d’ores et déjà que les échanges derrière des portes closes pourraient être corsés.

Car la fronde de la sénatrice Batters a été descendue en flammes par d’autres députés conservateurs.

La députée de l’Alberta Michelle Rempel Garner a exprimé sa frustration sur les réseaux sociaux. Elle a prestement invité la sénatrice à retirer sa pétition en affirmant que la division qui s’installe dans les rangs conservateurs ne peut que faire sourire les libéraux de Justin Trudeau.

« Je suis tellement frustrée en ce moment. Denise, les libéraux sont en train de sabler le champagne et ils trinquent à ta santé. J’espère que tu es heureuse. Je ne le suis pas », a déclaré Mme Rempel Garner sur son compte Twitter.

Le député Luc Berthold a lancé le même appel. « La sénatrice Batters, que je respecte beaucoup, devrait retirer sa pétition ou se retirer du caucus, si elle n’est pas prête à travailler en équipe contre notre seul adversaire : Justin Trudeau », a déclaré le Québécois sur son compte Twitter.

En plus d’avoir été décriée par plusieurs élus, la démarche a été taxée d’irrecevable par l’état-major du parti.

« La question que vous proposez de poser lors d’un référendum n’est pas conforme à la Constitution du Parti conservateur du Canada. Votre pétition n’est pas recevable, car elle ne respecte pas les articles 7, 10 et 12 de la Constitution », a écrit le président Robert Batherson dans une lettre adressée à Denise Batters.