(Trois-Rivières) Le député et ex-ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a confirmé dimanche qu’il ne sollicitera pas un nouveau mandat en 2022. L’élu de La Pinière qui se dit « serein et satisfait » de son parcours politique en a profité pour exprimer certains « regrets » en admettant d’avoir « coupé trop de cadres intermédiaires et supérieurs » lors de la mise en œuvre de sa controversée réforme de la santé.

Gaétan Barrette s’est présenté dimanche devant les médias en compagnie de la cheffe libérale, Dominique Anglade, pour confirmer qu’il ne sera pas de la course électorale d’octobre 2022. Il conservera son siège jusqu’au déclenchement des prochaines élections. « Je suis serein, je suis satisfait et je m’assume », a déclaré M. Barrette lors d’une longue conférence de presse.

M. Barrette laissait depuis l’automne planer le suspense sur sa décision alors qu’il se disait toujours en réflexion.

Il a expliqué dimanche que la récente controverse l’impliquant lui et son ex-collègue Marie Montpetit n’ont pas influencé sa décision qu’il prévoyait annoncer avant Noël, mais a eu comme effet de devancer l’annonce de son départ. Il ne voulait notamment pas porter ombrage au congrès des membres libéraux, à la fin novembre, alors que les questions sur son sort au sein du caucus devenaient persistantes.

Dominique Anglade avait dépouillé Gaétan Barrette de ses responsabilités lorsqu’il s’est retrouvé au centre de la controverse avec l’ex-libérale Marie Montpetit. La députée de Maurice-Richard – qui a été depuis exclue du caucus libéral – avait critiqué son collègue sur Twitter, l’invitant à changer de ton dans le dossier des médecins de famille alors que ce dernier n’était pas responsable de la santé.

PHOTO PASCAL RATTHE, COLLABORATION SPÉCIALE

Dominique Anglade

La cheffe n’avait guère aimé que M. Barrette commente ce dossier relatif à la santé alors que la position de la formation politique sur le sujet n’avait pas encore été définie. Dimanche, elle a refusé de confirmer si M. Barrette allait ravoir de nouvelles responsabilités d’ici la fin de son mandat. Le principal intéressé a indiqué pour sa part qu’il en allait de la décision de la cheffe.

Dominique Anglade avait aussi reproché à Gaétan Barrette de ne pas l’avoir informée qu’il avait rencontré le directeur de cabinet du premier ministre Legault, Martin Koskinen, au cours de la pandémie. Membre de la première équipe de candidats de la CAQ en 2012, Gaétan Barrette s’est invité au conseil général du parti de François Legault dimanche avec son annonce.

« Je veux le remercier […] pour ce qu’il a amené à la vie politique que ce soit au début avec la CAQ et après avec le Parti libéral, mais il n’y a pas d’intention de l’embaucher », a réagi François Legault à la clôture du conseil général. « Ce n’est pas dans mon plan, point », a-t-il ajouté.

« Oui, j’ai certains regrets »

Le député libéral n’a pas attendu la période des questions pour admettre qu’il ressent évidemment « certains regrets » au sujet de Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales – son imposante réforme du réseau.

« Quand j’ai fait la loi 10, c’est clair que ç’a bousculé un paquet de monde. La loi 10 a été faite dans un contexte de retour à l’équilibre budgétaire et dans ce contexte, il y a une chose que je constate aujourd’hui, c’est qu’on a sans aucun doute coupé trop de cadres intermédiaires et de cadres supérieurs », a-t-il expliqué.

Je suis allé vite, ç’a bousculé, mais je maintiens que cette réforme-là elle était et elle est encore bonne. Il y a des ajustements nécessaires à faire particulièrement sur l’enjeu de cadres intermédiaires.

Gaétan Barrette, ex-ministre de la Santé

L’ex-ministre de la Santé a aussi révélé que l’abolition du poste de commissaire à la santé et au bien-être, en 2017, « était une commande ». Il a dit « n’avoir jamais compris pourquoi on lui a demandé de l’abolir » ni obtenu de réponses à ses questions. « Il y a manifestement quelqu’un au-dessus de moi qui avait une crotte sur le cœur », a-t-il lancé dimanche.

Il en va de même pour la fin à la gratuité du programme de procréation assistée, en 2015. Il a salué la décision du gouvernement Legault de rétablir un programme public. « C’était une économie littéralement modeste par rapport à l’enjeu général », a-t-il précisé.

Gaétan Barrette y est allé d’une pointe à la Fédération des médecins spécialistes du Québec à la fin de son allocution : « Les médecins spécialistes, faites-vous-en pas, c’est bien clair qu’ils gagnent un peu plus que ce qu’ils devraient gagner », a-t-il asséné. M. Barrette avait été écarté de la négociation avec la FMSQ – de laquelle il avait été président avant la politique – par Philippe Couillard en 2017.

Pour la suite, M. Barrette ne ferme la porte à rien, mais souligne qu’il n’a jamais sollicité les rôles qu’il a occupés. « On est toujours venu me chercher », a-t-il dit. « Si le téléphone sonne dans le futur, on verra. »

À Trois-Rivières, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a eu de bons mots pour M. Barrette. « Ce n’est sûrement pas facile de faire ce qu’il a fait dans le premier mandat parce qu’on vit des moments toujours difficiles quand on essaie de changer les choses », a-t-il commenté.

Il a toujours eu à cœur quand même la santé des Québécois. On ne s’est peut-être pas toujours entendu sur la façon de faire les choses, mais je ne connais pas de ministre de la Santé qui n’a pas voulu faire la bonne chose pour les Québécois.

Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

M. Dubé dit avoir « hâte de lui parler pour pouvoir échanger avec lui », car il a « toujours eu une bonne relation » avec M. Barrette.

Député « polarisant », adversaire « coriace »

Plusieurs ténors de la Coalition avenir Québec ont aussi souligné le passage de M. Barrette en politique provinciale. « J’ai eu plusieurs prises de bec avec M. Barrette pendant son séjour à l’Assemblée nationale, mais je respecte l’homme comme tel qui a voulu changer des choses en santé. Maintenant, est-ce que ç’a été tout bon ? Assurément non », a souligné François Bonnardel.

Selon le ministre des Transports, Gaétan Barrette a été un député « qui dans une certaine mesure a été polarisant », notamment avec son imposante réforme du réseau de la santé. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, n’est pas prêt à utiliser le même qualificatif que son collègue.

« Je ne sais pas si je ne dirais pas polarisant, mais c’est quelqu’un qui avait une opinion forte et qui a voulu brasser les choses », a-t-il indiqué à son arrivée au conseil général.

M. Carmant a fait valoir que la réforme Barrette « qui a ratissé beaucoup trop large » a laissé des traces dans le réseau de la santé et des services sociaux. « Surtout au niveau des ressources humaines ça été difficile […] je pense qu’il y a [eu] un impact sur les centres jeunesse, le fait de les avoir mis dans le CISSS et le CIUSSS sans valoriser le travail des personnes en centres jeunesse, ça été difficile », a-t-il ajouté.

L’ex-ministre de la Santé, Danielle McCann, n’a pas voulu commenter directement le départ de M. Barrette, mais elle a souligné que « la tâche de la ministre de la Santé et des Services sociaux […] est vraiment une des plus grosses tâches au gouvernement ».

D’autres caquistes, comme les ministres Ian Lafrenière et Andrée Laforest, ont souligné le départ prochain d’un « adversaire redoutable » et « très coriace » en la personne de Gaétan Barrette.

« C’est quelqu’un qui avait ses positions, ses idées, c’est quelqu’un qui était persévérant et travaillant », a commenté de son côté le ministre et leader parlementaire Simon Jolin-Barrette. « Nonobstant le bilan de M. Barrette à titre de ministre de la Santé, c’est quelqu’un qui s’est engagé pour le Québec et lorsqu’on travaille aussi fort pour le Québec, je crois qu’on doit souligner [son] engagement public », a-t-il dit.