La réélection de Valérie Plante à la mairie de Montréal et l’élection in extremis de Bruno Marchand à celle de Québec, ont beaucoup attiré l’attention cette semaine. Or, des votes ont eu lieu dans quelque 1000 municipalités dimanche dernier. Et certains ont réservé des surprises. En voici trois.

Bergeronnes

Une maire innue pour un village non autochtone

Aussi fière soit-elle d’être innue, Nathalie Ross insiste : dans sa campagne électorale à la mairie des Bergeronnes, un village de la Côte-Nord de 641 personnes, il n’a pas été question de ses origines. « Je viens d’une lignée de chefs et par mon nom de famille, les gens savent sans doute que je suis une Innue. Mais ça n’est pas entré en ligne de compte. Si j’ai été élue, c’est probablement en raison de mon engagement communautaire de longue date, de ma personnalité et parce que je suis connue comme la notaire du village. »

En l’emportant, Mme Ross a délogé le maire qui était en place depuis 2003. Elle a obtenu les deux tiers des votes (avec un taux de participation hors du commun de 67 %) dans un village où résident quelques Innus issus de la communauté voisine d’Essipit, mais essentiellement des non-Autochtones.

Le parcours de Mme Ross est pour le moins atypique. Diplômée du conservatoire de musique de Chicoutimi en orgue et clavecin, elle a ensuite étudié pour devenir enseignante au primaire. Elle a finalement choisi d’aller faire son droit à Québec, alors qu’elle était mère de deux jeunes enfants qu’elle élevait seule.

Une surdouée, alors ?

Mon conjoint me dit que je suis une femme d’exception, mais ça, c’est ce que devraient dire tous les conjoints !

Nathalie Ross

Passionnée de chant choral, elle estime que c’est un bel exemple de ce que doit être une communauté. Un chœur, ça sonne bien, dit-elle, quand chacun occupe la place qui doit être la sienne. En évitant de chanter trop fort ou pas assez fort. « Quand on y arrive, rien n’est plus beau que cette harmonie. »

Rêveuse, elle l’est, avoue-t-elle, mais tout autant déterminée à prendre de front les problèmes concrets du village. La gestion des eaux usées, par exemple, mais aussi la pénurie criante de logements. « Beaucoup de jeunes veulent s’établir dans notre magnifique village, qui a le fleuve d’un côté et la forêt de l’autre. Il n’y a aucune maison à vendre, jamais. Ni d’appartement à louer. On va donc faire un inventaire de notre territoire pour voir si des propriétaires voudraient vendre des terrains. Il y en a qui ont peut-être des idées de développement. »

Il n’est pas question de développer à gogo – ce village est et restera « nature » –, « mais il faut qu’on ait un peu de maisons pour que des gens puissent s’installer chez nous. »

Enfin, si on parle ici de Mme Ross comme d’une maire – et non d’une mairesse –, c’est que c’est là sa préférence (les deux formulations sont acceptées au Québec, alors qu’en France, une mairesse est l’épouse du maire). « Je me dis maire, comme je dis que je suis notaire. Parce que pour moi, la fonction n’a ni sexe ni genre. »

Chambly

La mairesse post-UPAC

PHOTO FOURNIE PAR BENOIT THÉRIAULT

Alexandra Labbé

« En me rendant aux conseils municipaux, je me suis rendu compte qu’ils ne répondaient à rien. Que les citoyens qui osaient poser des questions étaient considérés comme nuisibles ! »

Outrée par les accrocs à la démocratie à Chambly qu’elle observait, Alexandra Labbé, titulaire d’un DEC en arts visuels et gérante de commerces dans une autre vie, a donc décidé de se présenter pour être conseillère en 2017.

Visé par une enquête criminelle de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), le maire, Denis Lavoie, démissionne deux ans plus tard. L’enquête est toujours en cours.

La Ville a été mise en tutelle. Alexandra Labbé a décidé de se porter candidate à la mairie en 2019.

Comme je le fais toujours quand je constate que je peux faire mieux que quelqu’un, je me lance !

Alexandra Labbé

Parmi les employés d’une municipalité, il y a tout ce qu’il faut d’experts, de diplômés très compétents, dit-elle. Comme politicien, « il faut juste avoir l’envie de représenter son monde. Le reste, ça s’apprend. »

Elle l’emporte, d’abord sous la bannière d’un parti, qu’elle quittera en 2020. « Je me suis rendu compte que je n’étais pas à l’aise avec la politique partisane. »

En 2021, c’est comme mairesse indépendante qu’elle s’est donc représentée, cette fois, pour un mandat complet. Une troisième campagne en quatre ans, elle dit ne le recommander à personne.

Elle l’emporte haut la main, avec 71 % des votes, mais avec un taux de participation famélique de 33 %.

Ses priorités comme mairesse, maintenant ? « Le centre-ville de Chambly est à repenser. C’est une ville très touristique, mais qui ne compte à peu près pas de chambres d’hôtel ou de motels pour loger les visiteurs. La marina est figée dans le temps. On ne peut plus dézoner en territoire agricole et notre territoire actuel est développé à 95 %. »

Salaberry-de-Valleyfield

Des conjoints élus tous les deux

PHOTO FOURNIE PAR ALAIN GAUDREAU

Stéphane Leduc et France Chenail

« Si je n’ai pas le choix de voter contre Mme Chenail, je vais voter contre elle », lance Stéphane Leduc, élu conseiller municipal à Salaberry-de-Valleyfield.

« Mme Chenail », c’est sa conjointe, elle aussi élue conseillère municipale dans un autre quartier de la même ville. Mari et femme siégeront donc côte à côte au conseil, du jamais vu dans les 150 ans d’histoire de la ville.

Mais il n’est pas impossible que les intérêts du quartier de « Mme Chenail » divergent de ceux de ses commettants à lui et ça ne lui cause aucun problème.

De toute façon, note France Chenail de son côté, « ça fait 28 ans qu’on est mariés, on ne se chicane plus trop. »

On a un grand respect l’un pour l’autre. Les citoyens n’ont pas à craindre de scènes de ménage à l’hôtel de ville.

France Chenail

Chacun a mené sa campagne de son côté, avec deux équipes distinctes. Lui a eu fort à faire dans une lutte à quatre (les autres candidats étaient très connus) dans son quartier. Dans le cas de Mme Chenail, qui était déjà conseillère municipale depuis quatre ans, elle n’avait qu’un adversaire.

Pendant son premier mandat, Mme Chenail a notamment participé à la sauvegarde de l’Hôpital du Suroît, dont le sort suscite de l’inquiétude en raison de la construction d’un gros centre hospitalier moderne à Vaudreuil.

Cette fois, elle dit que l’une de ses priorités sera de chercher à développer du logement social et abordable. Pour M. Leduc, les enjeux tournent surtout autour de la sécurité routière et de la circulation.

« Il faut désengorger le bord de l’eau, il y a trop de trafic par là, relève-t-il. Beaucoup de familles se sont installées dans le secteur et on m’a beaucoup parlé de sécurité routière. On veut aussi joindre les pistes cyclables. »

Portrait québécois

PHOTO ARCHIVES LE SOLEIL

Le taux de participation aux élections municipales pour l’ensemble du Québec a été de 38,7 % en 2021.

Taux de participation

Le taux de participation aux élections municipales pour l’ensemble du Québec a été de 38,7 % (comparativement à 44,8 % en 2017). Vendredi, le directeur général des élections du Québec, Pierre Reid, s’est dit déçu de cette faible participation. « Notre société doit continuer à s’interroger sur les moyens à prendre pour intéresser les électrices et les électeurs », a-t-il fait savoir par communiqué. Comme en 2017, c’est dans la région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine que les électeurs ont été le plus au rendez-vous, avec un taux de 51,5 %, suivie ex æquo du Bas-Saint-Laurent et du Saguenay–Lac-Saint-Jean (47,3 %). À l’inverse, le taux de participation a été particulièrement bas à Laval (28,8 %).

Rapport hommes/femmes des élus

En tout, 23,6 % de femmes sont devenues mairesses dimanche (alors qu’elles étaient 18,9 %) en 2017. Au poste de conseiller, 38,5 % des personnes élues sont des femmes. Des femmes ont été élues maires dans 5 des 10 plus grandes villes du Québec. C’est dire que malgré des progrès, à l’extérieur des grands centres, on est encore loin de la parité.

L’âge des élus

La jeunesse de certains candidats devenus maires dimanche a été soulignée à grands traits, si bien qu’on pourrait croire à une révolution. En fait, la proportion d’élus de 18 à 34 ans est passée de 8,3 % à 8,8 % en 2021. On compte par ailleurs 19,5 % d’élus qui ont entre 35 et 44 ans, alors qu’ils étaient 17,7 % en 2017. Il y a donc eu rajeunissement, mais pas une cure de jouvence généralisée. L’âge moyen des maires élus, toutes régions confondues, est de 57,8 ans.