(Washington) Le Canada n’hésitera pas à défendre ses intérêts nationaux lorsque les trois dirigeants nord-américains se réuniront la semaine prochaine, a déclaré vendredi Mélanie Joly tandis qu’elle concluait sa première visite aux États-Unis en tant que nouvelle ministre des Affaires étrangères.

Mme Joly a déclaré que cela faisait partie du message qu’elle a livré plus tôt dans la journée lorsqu’elle s’est assise avec son homologue américain, le secrétaire d’État Antony Blinken.

La réunion a eu lieu une semaine avant que le premier ministre Justin Trudeau ne rencontre le président Joe Biden et le président mexicain Andrés Manuel López Obrador à la Maison-Blanche, apparemment pour discuter de la manière de renforcer les chaînes d’approvisionnement continentales.

Cependant, le Canada et le Mexique sont tous deux profondément préoccupés par le crédit d’impôt proposé par l’administration Biden pour les véhicules électriques, qui, selon des constructeurs automobiles étrangers, des fournisseurs et des dirigeants de l’industrie, offre un soutien trop important aux entreprises américaines comptant des travailleurs syndiqués aux dépens des autres joueurs.

« Nous savons que nous avons une économie forte grâce à cette chaîne d’approvisionnement intégrée et à cette amitié, mais en même temps, les Canadiens savent que nous devons défendre nos intérêts et que nous ne pouvons jamais rien tenir pour acquis », a déclaré Mme Joly après la réunion.

« C’est mon travail – défendre les intérêts des Canadiens, tout en veillant à ce que nous ayons une très forte amitié », a-t-elle ajouté.

La stratégie, comme c’est souvent le cas pour les émissaires canadiens dans les milieux politiques américains, sera de souligner qu’étant donné la nature intégrée de l’industrie automobile nord-américaine, toute politique qui est mauvaise pour le Canada sera également mauvaise pour les Américains.

« Le Canada est le plus grand exportateur de voitures fabriquées aux États-Unis, et aussi le plus grand exportateur de pièces automobiles fabriquées aux États-Unis », a déclaré Mme Joly.

« En ce sens, des milliers d’emplois des deux côtés de la frontière dépendent de l’intégration de cette chaîne d’approvisionnement. Nous continuerons à faire en sorte que cela soit bien connu dans toute l’administration, mais également dans tout le Congrès », a fait valoir la ministre.

Le crédit d’impôt, qui s’il était adopté, atteindrait une valeur maximale de 12 500 $ sur certains véhicules électriques, fait partie du projet de loi du président Joe Biden « Reconstruire en mieux » (« Build Back Better ») de 1750 milliards US, qui comprend une série de dépenses sociales et d’initiatives contre le changement climatique.

Le crédit d’impôt a de puissants opposants dans les deux camps politiques, notamment le sénateur de Virginie-Occidentale Joe Manchin, un démocrate modéré dont le vote est crucial pour la Maison-Blanche pour faire adopter le projet de loi dans un Sénat également divisé.

Plus tôt cette semaine, M. Manchin aurait dénoncé l’idée d’encourager l’achat de véhicules fabriqués avec des travailleurs syndiqués comme « mauvaise » et contraire aux valeurs américaines, car cela implique d’utiliser l’argent des contribuables pour choisir les gagnants et les perdants.

La proposition n’est que le dernier exemple de mesures politiques américaines dans le programme national de Joe Biden qui ont pris une tournure résolument protectionniste, alarmant les observateurs politiques et économiques au nord de la frontière.

M. Biden a imposé de nouvelles normes rigides pour l’utilisation de composants et de matériaux fabriqués aux États-Unis et favorables aux syndicats dans les projets d’infrastructure américains, et les entrepreneurs et fournisseurs canadiens craignent un ruissellement de son approche.

Sa décision du jour 1 d’annuler un permis présidentiel pour l’expansion de l’oléoduc Keystone XL inquiète le secteur énergétique de l’Alberta au sujet de deux pipelines transfrontaliers existants : les canalisations 3 et 5 appartenant à Enbridge, qui sont toutes deux la cible de manifestants et de contestations judiciaires.

Et le déséquilibre de plusieurs mois à la frontière terrestre – le Canada a commencé à accueillir les visiteurs américains entièrement vaccinés en août, tandis que les États-Unis ont attendu jusqu’à cette semaine pour faire de même – a également contribué aux rancunes.

Mme Joly a détourné les questions sur le fait que le Canada continue d’exiger que toute personne entrant dans le pays soumette les résultats d’un test PCR pour la COVID-19, une exigence coûteuse qui peut aller de 150 $ à 300 $ par test.

Elle a souligné que la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, a déjà indiqué que la politique est en cours de révision.

« Nous suivrons toujours les conseils de nos experts en santé », a affirmé Mme Joly.

Mme Tam a déclaré vendredi que la mesure était toujours « activement examinée », mais n’a pas indiqué quand une décision sera prise.