François Legault quitte Glasgow avec deux mots en tête : hydrogène vert. Le Québec, annonce-t-il, va investir pour en produire, mais il n’est pas le seul à voir le potentiel de cette nouvelle filière. Après un marathon de rencontres à la COP26, le premier ministre rentre au pays en sentant une forte pression pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et les entreprises, constate-t-il, auront besoin de l’aide du gouvernement.

(Glasgow, Royaume-Uni ) François Legault se décrit comme un « gars de résultats ». Critiqué pour le peu de place que la Coalition avenir Québec a fait à l’environnement lors de la dernière campagne électorale, il jure avoir depuis « évolué ». Il fait le pari que le gouvernement accélérera la transition verte en aidant les entreprises à fournir leur part d’efforts, tout en créant de la richesse.

Dans une salle bruyante située au cœur du grand hall accueillant les pavillons des pays, où des milliers de personnes courent entre les expositions des nations qui s’affichent au sommet des Nations unies sur le climat, la COP26, le premier ministre n’a qu’un slogan en tête : plus de richesse, moins de GES. Et ça commence, selon lui, par une prise de conscience : celle de l’importance de l’hydrogène vert.

« Préparez-vous, vous allez beaucoup en entendre parler dans les prochains mois et les prochaines années », dit-il les yeux pétillants.

L’hydrogène, qui est nécessaire dans de nombreuses industries comme les aciéries et les cimenteries, est jugé vert lorsqu’il est produit à partir d’électricité renouvelable. Des pays comme la France ont établi ces dernières années des stratégies de développement de cet hydrogène décarboné, sans émissions de CO2. En janvier dernier, le Québec a investi 15 millions pour soutenir des projets dans cette filière.

« Certaines entreprises industrielles qui utilisent du gaz ou du mazout, il faut remplacer ça par l’hydrogène vert. […] Ce sont les entreprises qui veulent [ça]. Je n’aurais pas dit ça il y a un an ou deux. C’est vraiment nouveau de voir ça. […] Nous, on est capables de le faire à cause de nos surplus d’électricité propre », déclare François Legault.

« On va annoncer des investissements importants dans le secteur des hydrogènes verts. Beaucoup d’entreprises souhaitent venir investir au Québec pour développer ce secteur-là, et le gouvernement du Québec souhaite investir pour développer cette nouvelle filière qui va être très importante pour la suite des choses », annonce-t-il.

Rester compétitif

Pendant deux jours à la COP26, M. Legault a multiplié les rencontres et les annonces économiques. Le premier ministre a fait aussi le pari de convaincre des entreprises d’investir dans la transition verte du Québec. Il annonçait jeudi des contributions financières communes de son gouvernement et d’Ottawa totalisant 45,8 millions pour soutenir la distillerie Diageo (qui produit entre autres le whisky canadien Crown Royal), qui a l’intention de rendre son usine de Salaberry-de-Valleyfield carboneutre d’ici 2025.

Les entreprises ont encore besoin de l’aide du gouvernement pour être capables de réduire leurs émissions de GES tout en restant compétitives. […] Si on veut que nos entreprises soient compétitives avec celles des États-Unis, on n’a pas le choix. Il faudra aussi que les [Américains] livrent des résultats et mettent un prix sur le carbone.

François Legault, premier ministre du Québec

« Il y a une pression de plus en plus grande. On l’a vu avec le plus récent rapport du GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat], certains États n’ont pas livré la marchandise. […] On ne va pas dans la bonne direction », dit M. Legault.

« Cette pression-là, on la sent même chez les entreprises qui se disent qu’éventuellement, le consommateur va exiger un produit vert et va même être prêt à payer pour, ou n’achètera plus un produit s’il n’est pas un produit vert. On sent cette pression-là plus que jamais », ajoute-t-il.

Transition et transports

Le premier ministre quitte la COP26 en annonçant l’adhésion du Québec, avec une dizaine d’autres États qui ont déclaré leur intérêt, à la Beyond Oil and Gas Coalition (BOGA). Cette initiative du Danemark et du Costa Rica a pour objectif d’accélérer l’abandon de la production de combustibles fossiles. M. Legault affirme qu’il incitera ses homologues provinciaux à s’y joindre, de même qu’Ottawa.

« C’est sûr que le Québec est prêt à ce que le fédéral aide des provinces comme l’Alberta durant la transition [post-pétrole], parce qu’il y aura une période de transition pour une nouvelle économie », dit-il afin de préparer les prochaines discussions au Conseil de la fédération.

Le Québec peut aussi en faire plus dans la lutte contre les changements climatiques, reconnaît le premier ministre. Notamment dans le secteur des transports, dont les émissions ont augmenté.

« [Avec les] trains et tramways, on a 55 milliards de projets et on espère les fabriquer au Québec. Avec les autobus électriques [qu’on commande], on devient vraiment le leader. Il reste les autos. Ce n’est pas réaliste que le Québec fabrique des autos électriques, mais on peut participer à la fabrication des batteries », dit-il, sans jamais remettre en question son mégaprojet de troisième lien routier entre Québec et Lévis, qui pourrait coûter jusqu’à 10 milliards.

De passage à la COP26, le député péquiste Sylvain Gaudreault juge qu’il s’agit pour le gouvernement du « mammouth dans la pièce ».

« C’est correct, les annonces, et je salue ça. Mais il y a le troisième lien qui vient faire de l’ombre sur un leadership plus grand que pourrait exercer le gouvernement du Québec », dit-il dans les corridors de ce rendez-vous international, où il n’est pas rare de voir marcher, parler ou négocier (parfois les trois en même temps) des représentants de nombreux pays.

Pour François Legault, cette première présence à une COP en tant que premier ministre aura servi à ce qu’on associe « Québec et environnement, Québec et leader ». Et en cette année préélectorale, comme il l’a dit pour l’hydrogène vert : « Préparez-vous, vous allez beaucoup en entendre parler. »