(Québec) « Fou braque », « dogmatisme », « antiscientifique » : le ministre de l’Environnement Benoît Charette a reçu une volée de bois vert des partis d’opposition pour avoir affirmé que le projet de tunnel routier entre Québec et Lévis se ferait peu importe les conclusions d’études environnementales.

« L’avis des experts, il faut les entendre, il faut les écouter et il faut que ce soit eux qui élaborent les meilleurs projets possibles, O. K. ? De commencer un projet sans avoir les avis du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, le gouvernement est en train de perdre toute crédibilité », a dénoncé le critique libéral en matière de transport André Fortin mercredi, lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale.

M. Fortin dénonce la volonté du gouvernement de commencer un projet de cette taille « sans même avoir des études environnementales, sans même savoir l’impact que ça va avoir ». « Juste ça, à son fondement, c’est fou braque, puis vous pouvez être sûr qu’on ne ferait pas ça », a-t-il dit.

Il réagissait à la sortie du ministre de l’Environnement Benoît Charette qui a affirmé la veille qu’aucune étude environnementale, qu’elle soit fédérale ou provinciale, ne pourrait empêcher la construction du tunnel autoroutier de 10 milliards. « Lorsqu’il est question d’infrastructures de cette nature, les évaluations environnementales visent davantage à atténuer les impacts environnementaux négatifs et non pas de remettre en question l’infrastructure ou […] d’empêcher sa construction. Ce sont des évaluations qui, au gré des résultats qui nous seront communiqués, nous permettront d’ajuster certaines façons de faire pour s’assurer d’avoir le minimum d’impacts possibles au niveau environnemental », a dit M. Charette.

Obsession électorale

Québec solidaire et le Parti québécois tapent aussi sur le clou. « Ce n’est pas seulement un projet parmi d’autres, c’est une obsession électorale et politique totale », a dénoncé le chef parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois. Il critique particulièrement Benoît Charette, qui renonce selon lui à son rôle de défenseur de l’environnement et qui « manque de respect » envers le BAPE.

« La CAQ a le droit de s’entêter dans son projet de troisième lien, mais le ministre de l’Environnement devrait au moins défendre l’intégrité et l’importance des processus qu’on se donne au Québec pour prendre des décisions », a-t-il dit.

Alors que les scientifiques du monde entier sont réunis à la COP26, dit-il, « une brochette de ministres caquistes multiplient les déclarations antiscientifiques et qui nous disent : peu importe ce que nous disent les experts, peu importe ce que disent les études, on va foncer dans le tas ».

Intérêts politiques

Le chef parlementaire du PQ, Joël Arseneau, souligne pour sa part que le projet de troisième lien se distingue d’autres projets, comme le tramway de Québec, car le gouvernement n’a pas encore démontré qu’il était utile.

« C’est lourd de sens comme déclaration, venant de la part d’un ministre de l’Environnement. En gros, ce qu’il dit, c’est que rien ni personne ne pourra empêcher le projet, même si ça ne répond pas à un besoin avéré, même si ça coûte cher, 10 milliards de dollars ou même davantage, même si la science dit le contraire de ce que dit le gouvernement », a-t-il déploré.

Ce projet « ne repose essentiellement sur rien », ajoute-t-il : « Aucune étude, aucune donnée scientifique, aucune donnée financière ». La déclaration du ministre Charette annonce d’avance « qu’on perd notre temps à espérer que le gouvernement adopte une décision raisonnable basée sur la science ou sur les faits », croit M. Arseneau. « On choisit évidemment les intérêts politiques devant les intérêts généraux de la population. Ça n’a absolument aucun sens », a-t-il déploré.

En chambre, M. Charette a répliqué que le troisième lien est « nécessaire pour la région » de Québec, mais que les évaluations environnementales « vont couvrir tous les aspects » du projet.

M. Charette s’est défendu en expliquant que même s’il est ministre de l’Environnement, il a un « devoir de cohérence au niveau de l’orientation gouvernementale sur un projet ». « C’est une infrastructure qui va se construire, n’en déplaise à certaines personnes, elle va se construire. Mon rôle est que ça se fasse dans le respect de la loi sur la qualité de l’environnement, d’une part, et avec le moins d’impact possible sur l’environnement », a-t-il ajouté.

Le ministre des Transports François Bonnardel a soutenu que « les études et les données » sur le projet d’infrastructure seront « sorties en temps et lieu », c’est-à-dire « lorsque le travail du BAPE se fera ».

Il attaqué le passé du Parti libéral du Québec et du Parti québécois, qui ont voté une loi « pour ne pas assujettir le projet le plus polluant de l’histoire du Québec, la cimenterie McInnis », à une étude du BAPE.