La nomination de l’ex-environnementaliste Steven Guilbeault au poste de ministre de l’Environnement est généralement très bien accueillie au sein des groupes qui militent dans le domaine, bien que certaines réserves existent.

Deux des organismes dont il a dirigé les destinées durant plusieurs années, Équiterre et Greenpeace Québec, y voient une excellente nouvelle. Colleen Thorpe, directrice générale d’Équiterre, souligne qu’il possède « l’expérience et la connaissance des dossiers » qui lui seront fort utiles. Elle ajoute qu’il s’agit d’un « homme de conviction qui a de l’écoute et qui est capable de rallier des gens d’horizons différents ».

Patrick Bonin, responsable du dossier climat-énergie chez Greenpeace, l’a aussi côtoyé durant plusieurs années. « Steven Guilbeault connaît le dossier climatique, connaît les acteurs-clés également et l’importance des enjeux. Son approche est quand même pragmatique, en plus de connaître les fins détails et les règles pour s’assurer de mettre en œuvre entre autres les engagements climatiques des libéraux et surtout aller encore plus loin parce qu’il manque encore encore d’ambition chez les libéraux. »

Du côté de la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), son directeur général Alain Branchaud qualifie cette nomination de « geste audacieux ». Il fait valoir que le nouveau ministre est « une personne calme, posée et stratégique et c’est un excellent communicateur ». Il note également que celui-ci s’est également prononcé pour une meilleure protection de la biodiversité, un élément-clé de la protection de l’environnement.

Sous haute surveillance

Malgré son pedigree en matière d’environnement, Steven Guilbeault sera tout de même sous haute surveillance. « C’est l’avenir qui va nous dire si c’était bien de nommer M. Guilbeault ou pas ou s’il est capable de rallier le cabinet et, plus largement, l’opposition sur l’ambition climatique et sur des actions assez musclées », avertit Mme Thorpe.

Patrick Bonin fait écho à ce sentiment. « M. Guilbeault est un très bon communicateur, mais il faudra voir les lignes directrices qu’il défendra parce qu’on l’a vu dans le passé, il y a eu beaucoup de “greenwashing” de la part du gouvernement Trudeau qui promettait beaucoup, mais qui a quand même acheté un pipeline alors que nous sommes en crise climatique », dit-il.

Du côté de la Fondation David Suzuki, sa directrice générale pour le Québec et l’Atlantique, Sabaa Khan, souligne que « peu importe la personne nommée au poste de ministre de l’Environnement, le gouvernement canadien a un immense et urgent travail à accomplir pour décarboniser l’économie et faire du changement climatique une priorité dans tous ses ministères. Le ministre de l’Environnement va devoir jouer un rôle clé pour rassembler le reste du gouvernement canadien. »

« Pas de sauveur »

Quant au président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), André Bélisle, il estime que cette nomination ne règle absolument rien aux vrais problèmes et représente davantage un geste symbolique. « Il n’y a pas de sauveur pour le climat et c’est la carte que joue le gouvernement Trudeau, c’est évident. Le Canada n’a jamais respecté aucun de ses engagements depuis 30 ans et on continue à nous dire qu’il faut vendre du pétrole pour avoir l’argent pour lutter contre la crise climatique et ça, il n’y a pas un écolo qui se respecte qui va accepter ça. »

M. Bélisle ne cache d’ailleurs pas qu’il a de fortes réserves à l’endroit du nouveau ministre, à qui il reproche des positions vacillantes dans certains dossiers à l’époque où il était encore un militant environnementaliste bien en vue.

M. Bonin s’attend lui aussi à ce que son ancien collègue se heurte au défi de l’écart entre la réalité et le discours gouvernemental. « Nous ne sommes pas en voie de respecter, par exemple, notre cible de réduction de gaz à effet de serre pour 2030 et en plus, cette cible n’est pas assez ambitieuse. Avec l’ampleur de la menace climatique actuelle, il va devoir convaincre le gouvernement qu’il doit être beaucoup plus ambitieux et qu’il s’assure aussi de protéger les travailleurs et les communautés dans la transition et cette sortie du pétrole qu’il faut accélérer. »

Guilbeault : « L’histoire nous le dira »

Interrogé à l’issue de la cérémonie d’assermentation, Steven Guilbeault s’est dit fort conscient des attentes et du scepticisme à son endroit. Lorsqu’on lui a demandé s’il était condamné à décevoir les attentes, il a d’abord répondu : « l’histoire nous le dira ».

Puis, il a assuré que son rôle et celui de son gouvernement était « de faire tout ce qu’on peut pour accélérer la lutte aux changements climatiques, pour freiner la disparition des espaces verts et les menaces qui pèsent sur nos espaces naturels et sur les espèces menacées ».

Il a fait valoir que le gouvernement Trudeau avait déjà fait beaucoup, notamment avec le système canadien de tarification du carbone et qu’il a pris « des engagements ambitieux » durant la campagne électorale.

« Je ne suis pas en mesure de vous dire quel sera le bilan, mais je pense que nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour accélérer la mise en place de ces mesures pour faire du Canada un des meilleurs pays au monde dans le cadre de la lutte aux changements climatiques et de la protection de biodiversité. »