(Edmonton) Les résultats définitifs du référendum sur la péréquation en Alberta montrent que près de 62 % des personnes qui ont voté souhaitent que le principe de la péréquation ne soit plus enchâssé dans la Constitution canadienne.

Pour le premier ministre Jason Kenney, sa province vient d’envoyer un puissant message sur ce qu’il décrit comme une injustice fiscale.

« Les Albertains ont toujours été fiers de partager une bonne partie de leur richesse avec le reste du pays, a-t-il commenté à la suite du dévoilement des résultats officiels. Tout ce qu’on demande et tout ce qu’on dit avec ce référendum, c’est qu’on doit avoir une entente équitable. »

Une deuxième question référendaire, qui demandait aux Albertains s’ils voulaient maintenir l’« heure d’été » toute l’année, a été battue sur le fil du rasoir, à 50,1 %.

Ces référendums ont été tenus il y a une semaine, en même temps que les élections municipales et scolaires en Alberta.

La péréquation consiste à redistribuer la richesse de manière équitable entre les provinces en prenant une partie des taxes et impôts perçus dans les provinces plus riches pour les donner aux gouvernements des provinces moins nanties. L’objectif vise à ce que les Canadiens bénéficient tous du même niveau de services de base d’un océan à l’autre.

L’Alberta estime avoir payé 20 milliards par année en péréquation.

Une très forte majorité de districts ont voté en faveur de l’abolition du système de péréquation alors qu’une mince fraction de districts s’est exprimée en faveur du statu quo.

La population de Calgary a voté à 58 % pour le retrait de la péréquation, mais celle d’Edmonton a voté à 52 % pour qu’elle reste en place.

En conférence de presse mardi après-midi, le premier ministre Jason Kenney a allégué que le premier ministre fédéral Justin Trudeau avait une responsabilité légale d’agir en réponse au référendum. Il dit s’appuyer sur la décision de la Cour suprême de 1998 au sujet du processus référendaire sur l’indépendance du Québec.

Des experts universitaires spécialisés en droit constitutionnel ne s’entendent pas sur le fait que cette décision s’applique au cas actuel, mais la Cour suprême a effectivement tranché que le processus doit mener à une « majorité claire » s’étant prononcée sur une « question claire ».

Aux yeux de Jason Kenney, un résultat de 62 % de « oui » sur un taux de participation de 39 % répond au standard de majorité claire.

« Au-dessus d’un million d’Albertains ont voté. Ce n’est pas une mince portion. On a eu des élections provinciales dans le passé où le taux de participation était de 42 %, alors on est dans les mêmes eaux », a-t-il analysé.

La suite des choses demeure plutôt floue.

Au niveau fédéral, le premier ministre Justin Trudeau a rappelé la semaine dernière que son gouvernement n’a pas le pouvoir de modifier unilatéralement la Constitution canadienne.

M. Trudeau a réitéré que le document ne peut être modifié qu’avec « un important consensus » impliquant un minimum de sept provinces ou territoires représentant plus de 50 % de la population du pays.

Le premier ministre libéral a également dit ne pas trop comprendre pourquoi M. Kenney mène cette campagne contre la péréquation alors qu’il était lui-même ministre du gouvernement fédéral conservateur qui a procédé aux plus récentes modifications du système.

Jason Kenney a déjà déclaré que même si le référendum portait sur la péréquation, son intention était d’utiliser les résultats comme rapport de force pour hausser les transferts fédéraux versés à l’Alberta, car il estime que sa province est lésée.

« Si le gouvernement fédéral revient en disant qu’il n’est pas disposé à présenter des amendements constitutionnels au parlement, alors on ira de l’avant avec des demandes de changements plus larges », a laissé tomber M. Kenney.

La cheffe de l’opposition en Alberta, la néo-démocrate Rachel Notley, a appuyé la prémisse selon laquelle la province a besoin d’une meilleure entente avec Ottawa, mais elle ne croit pas que le message confus de Jason Kenney soit la solution.

« Un Albertain sur quatre a voté “oui” à une question référendaire dont même le premier ministre albertain a dit d’ignorer le fond. Ça vient plutôt affaiblir l’argument de l’Alberta », a-t-elle déduit.

« Jason Kenney lui-même est le mauvais messager pour défendre ce genre d’argument. Il est l’une des personnalités publiques à laquelle les gens font le moins confiance dans tout le pays », a-t-elle renchéri.

Pour le politologue Duane Bratt de l’Université Mount Royal, à Calgary, la valeur du résultat est un peu affaiblie par le faible taux de participation.

Selon M. Bratt, Jason Kenney continue d’éprouver des problèmes à bien transmettre son message alors qu’il confond les résultats d’un référendum sur un enjeu précis avec un mandat de négocier sur de nombreuses insatisfactions liées aux transferts fédéraux et aux politiques fédérales.