(Ottawa ) Le premier ministre Justin Trudeau continue d’essuyer les critiques acerbes de la part de groupes autochtones pour s’être rendu à Tofino, en Colombie-Britannique, le jour même où les Canadiens marquaient la première Journée nationale pour la vérité et la réconciliation.

« Stupéfaction et consternation. » L’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) a joint sa voix au concert de dénonciation au cours des derniers jours après que Global News eut rapporté que M. Trudeau s’est rendu dans ce lieu de villégiature pour quelques jours de vacances alors les Canadiens commémoraient partout au pays les victimes des pensionnats.

« Voilà un premier ministre qui est arrivé au pouvoir en disant qu’aucune relation n’est plus importante pour son gouvernement que sa relation avec les Autochtones de ce pays », a soutenu vendredi Lynne Groulx, directrice générale de l’AFA.

« Ces paroles sonnent incroyablement creux du fait que M. Trudeau n’a pas pris le temps que son propre gouvernement avait mis de côté pour réfléchir à la tragédie des pensionnats indiens et qu’il a choisi plutôt de filer vers Tofino pour des vacances », a-t-elle ajouté.

Le Parti conservateur et le NPD ont vertement critiqué le premier ministre pour s’être envolé vers cette destination prisée de la Colombie-Britannique le jour même de ce nouveau jour férié instauré par le gouvernement Trudeau en juin.

Mais son bureau a nié que le premier ministre prenait des vacances.

Le porte-parole du premier ministre Alex Wellstead a déclaré que Justin Trudeau avait passé « des heures » au téléphone jeudi à parler aux survivants des pensionnats, « pour entendre leurs histoires de traumatisme et de guérison, pour entendre leurs conseils sur la voie à suivre ». Il a aussi affirmé qu’il n’était pas sur la plage, même si le réseau Global News a diffusé des images du premier ministre en train de marcher sur la plage en compagnie de son épouse Sophie Grégoire.

Alex Wellstead a aussi précisé que Justin Trudeau allait continuer à travailler durant son séjour à Tofino pour mettre sur pied son nouveau cabinet et pour s’occuper d’autres affaires gouvernementales.

Mais ces explications n’ont pas suffi pour calmer la tempête politique qui sévit depuis 24 heures.

« Tandis que des millions de personnes à travers le Canada revêtaient des chandails orange, prenaient la parole dans les médias sociaux, participaient à des cérémonies spéciales et réfléchissaient à la sombre histoire du traitement infligé aux Autochtones et à ce qu’il faut améliorer à l’avenir, le premier ministre a refusé de se présenter en public », a dit Mme Groulx. « C’est presque comme s’il avait coché un des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation en proclamant un jour férié et qu’il s’en était lavé les mains ensuite, en disant "travail accompli, au suivant" », a-t-elle ajouté.

Interrogée au sujet de la justesse de la décision du premier ministre de se rendre à Tofino, la ministre de la Santé, Patty Hajdu, a refusé de se prononcer. Elle n’a pas voulu dire si cela aura un impact sur les efforts que mène le gouvernement en faveur de la réconciliation avec les Premières Nations. En conférence de presse pour faire le point sur la situation de COVID-19 au pays, Mme Hajdu s’en est tenue à raconter le déroulement de sa journée jeudi et des témoignages émouvants qu’elle a entendus de la part de survivants des pensionnats autochtones.

« Ce que j’ai vu dans ma communauté, c’était un engagement envers la réconciliation. […] C’est notre toute première journée nationale de vérité et de réconciliation et c’est un héritage. C’est un héritage pour ce pays », a dit la ministre, visiblement mal à l’aise de répondre aux nombreuses questions des journalistes à ce sujet.

Jeudi, l’itinéraire de Justin Trudeau pour la journée indiquait initialement qu’il était en « réunions privées » à Ottawa. Il y a ensuite eu une mise à jour sur le site web du bureau du premier ministre pour indiquer qu’il était en réunion privée à Tofino. Son bureau a confirmé que Justin Trudeau s’était rendu à Tofino pour passer quelques jours avec sa famille.

Une porte-parole du chef conservateur Erin O’Toole a critiqué Justin Trudeau pour avoir utilisé la journée pour se rendre en Colombie-Britannique.

« La Journée vérité et réconciliation ne devrait pas être considérée comme un congé, mais c’est ce que Justin Trudeau a fait », a déclaré Chelsea Tucker.

« C’est le modèle que les Canadiens ont appris à connaître avec Justin Trudeau. Il dit de belles choses sur la réconciliation, mais ne donne jamais suite. Comme premier ministre, Erin O’Toole soulignerait toujours cette journée avec le respect et la dignité qu’elle mérite. »

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a assisté jeudi à une marche et à une cérémonie de la « journée du chandail orange » devant le Centre d’amitié autochtone de Vancouver, selon une porte-parole.

Le Parlement a adopté un projet de loi en juin dernier pour créer une Journée nationale annuelle pour la vérité et la réconciliation chaque 30 septembre. C’est un jour férié pour les travailleurs fédéraux, mais le gouvernement Trudeau a déclaré qu’il s’agissait d’une journée de réflexion, semblable au jour du Souvenir, et pas seulement un jour de congé.

Avec La Presse Canadienne