(Québec) Le gouvernement Legault révisera à la baisse le déficit anticipé pour l’année en cours, en raison d’une relance économique plus forte que prévu.

En entrevue à La Presse mardi, le ministre des Finances, Eric Girard, a affirmé qu’il va « réviser le solde » budgétaire de 12,3 milliards de dollars inscrit à son budget du mois de mars. Il le fera à l’occasion de sa mise à jour économique attendue plus tard cet automne.

Il n’a pas voulu s’avancer sur un chiffre précis. Il a néanmoins observé que « d’autres provinces ont révisé leur solde budgétaire » pour 2021-2022, certaines « significativement ». Il a donné un exemple, celui de la Colombie-Britannique, qui a réduit de moitié son déficit anticipé. La province l’a fait passer de 10 à 5 milliards de dollars.

Selon le plus récent rapport mensuel des opérations financières du ministère des Finances du Québec, le déficit après trois mois d’exercice, d’avril à juin, s’élève à 359 millions seulement. « Ne faites pas » un calcul rapide pour déduire que le déficit pour l’ensemble de l’année, sur 12 mois, pourrait atteindre à peine 1,5 milliards de dollars, a insisté le ministre. « Parce qu’il y a des dépenses annoncées dans le budget qui prennent du temps à se mettre en marche. »

« C’est à la mise à jour que je vais donner un nouveau statut sur le cadre financer. L’économie va mieux, et ça, ça aide le solde budgétaire », a-t-il ajouté.

Dans son budget, Eric Girard a prévu une hausse du produit intérieur brut réel de 4,2 % pour 2021. Or, la croissance économique est plus importante qu’anticipé. « Tout indique qu’elle sera supérieure à 5 % », a-t-il indiqué. Un point de pourcentage supplémentaire représente environ 1 milliard de dollars de plus dans les coffres de l’État.

Le grand argentier du gouvernement a fait valoir que son budget contenait « des hypothèses prudentes » non seulement au chapitre de la croissance économique, mais aussi de la progression de l’emploi. Les nouvelles sont également bonnes de ce côté. Le taux de chômage vient de reculer à 5,8 %, un seuil que le gouvernement ne pensait pas atteindre avant l’an prochain.

La performance du Québec est mieux que ce que nous avions dans le budget et mieux que la moyenne canadienne. Et lorsque l’économie va bien, c’est un facteur positif sur les finances publiques.

Éric Girard, ministre des Finances

Comme en témoigne le rapport mensuel sur les opérations financières, « la relance économique des derniers mois, après le ralentissement temporaire de l’activité économique au Québec en 2020-2021 dû à la pandémie de COVID-19, a un effet à la hausse sur la croissance des revenus autonomes ». Tous les indicateurs sont au vert dans la colonne des revenus, aussi bien les impôts des particuliers et des sociétés que les taxes à la consommation et les revenus provenant des entreprises du gouvernement.

Eric Girard note que les dépenses sont elles aussi plus élevées que prévu. Le gouvernement vient d’ailleurs d’ajouter dans cette colonne 1 milliard de dollars avec son plan pour le retour d’infirmières dans le réseau public. « Mais au net », en comptabilisant revenus et dépenses, « si on annualisait ce rythme, ce serait meilleur » au chapitre du solde budgétaire, a-t-il affirmé.

Un impact « moins fort »

Selon son budget de mars, le « déficit structurel », celui qui restera après la crise, s’élèvera à 6,5 milliards annuellement. « On va réviser ça à la mise à jour » économique, a indiqué M. Girard, sans donner de précisions. Moins le déficit structurel est lourd, moins les efforts en vue de retrouver l’équilibre budgétaire sont exigeants. Québec prévoit un retour au déficit zéro d’ici 2027-2028.

L’an dernier, le déficit s’est également avéré moins élevé que prévu, passant de 15 à 10 milliards de dollars. Le gouvernement a enregistré des recettes plus importantes et n’a pas eu à utiliser la provision de 4 milliards pour les risques économiques liés à la pandémie.

« L’économie a fait mieux à la deuxième vague qu’à la première. Elle a fait mieux à la troisième qu’à la deuxième. Et présentement, il y a une quatrième vague, et on voit beaucoup de résilience dans l’économie. Les entreprises, les individus et les institutions d’enseignement se sont adaptés, et l’impact économique est moins fort pour chaque vague », a observé le ministre.

Girard demande à Freeland une entente « asymétrique » en santé

Eric Girard salue le maintien de Chrystia Freeland au poste de ministre fédérale des Finances, avec qui il a été « ravi » de travailler jusqu’ici. Ils ont conclu ensemble l’entente sur les services de garde qui prévoit un transfert sans condition de 6 milliards en cinq ans pour le Québec. « Cette structure d’entente asymétrique fonctionne pour les services de garde et elle pourrait être utilisée pour les transferts en santé. Parce qu’on veut que ce soit sans condition », a-t-il plaidé. S’il s’est contenté d’évoquer de futures discussions au sujet des transferts en santé, Justin Trudeau a promis en campagne électorale plus de 20 milliards de dollars en nouveaux investissements de toutes sortes dans ce secteur pour l’ensemble du pays, empiétant ainsi sur un champ de compétence des provinces : 6 milliards pour accélérer l’élimination des listes d’attente dans les réseaux de la santé, 6 milliards pour les soins de longue durée, 3 milliards pour embaucher 7500 médecins de famille et infirmières praticiennes… Les provinces réclament plutôt une hausse des transferts en santé de 28 milliards de dollars.