(Ottawa) L’affrontement entre le gouvernement fédéral et l’amiral Art McDonald a pris de l’ampleur, jeudi, à quelques jours du déclenchement probable d’élections générales : des ministres lui ont ordonné de ne pas réintégrer ses fonctions de chef d’état-major de la défense.

Les avocats de l’amiral McDonald avaient publié mercredi un communiqué précisant que leur client avait bien l’intention de reprendre son poste, à l’issue de l’enquête de la police militaire sur une allégation d’inconduite. Les autorités ont décidé la semaine dernière de ne porter aucune accusation dans cette affaire, ce qui, selon les avocats de l’amiral, l’exonère de tout blâme et ouvre la voie à son retour en poste.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan

Mais le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, leur a répondu quelques heures plus tard, disant s’attendre à ce que l’amiral reste en congé administratif pendant que le gouvernement étudie la situation. Or, dès jeudi, le ministre Sajjan a indiqué que M. McDonald « sera en congé administratif à compter d’aujourd’hui et jusqu’à nouvel ordre ». Un haut responsable du gouvernement a précisé que cette annonce faisait suite à un décret du cabinet.

Les nominations pour des postes comme celui de chef d’état-major de la Défense doivent répondre aux normes les plus élevées, et notre objectif doit être de créer un meilleur milieu de travail pour les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes. Un milieu de travail où les personnes qui portent plainte et les survivants sont traités avec le plus grand respect, et où chaque allégation est prise au sérieux.

Extrait d'un communiqué de Harjit Sajjan

M. McDonald a « quitté temporairement » son poste de chef d’état-major le 24 février en raison de l’enquête de la police militaire. C’est le lieutenant-général Wayne Eyre qui occupe le poste par intérim. Le ministre Sajjan a indiqué jeudi que le lieutenant-général Eyre continuera à occuper la fonction par intérim.

L’avocat de M. McDonald, Rory Fowler, a refusé jeudi de commenter la situation.

Plus d’autorité morale

La nature de l’allégation contre l’amiral McDonald n’a pas été confirmée publiquement, mais CBC a rapporté qu’elle était liée à une allégation d’inconduite sexuelle remontant à une époque où il commandait un navire militaire canadien en 2010.

Global News a rapporté que c’est la lieutenante de la Marine Heather Macdonald qui avait dénoncé l’amiral McDonald. Citée vendredi par Global, elle se disait bouleversée par la décision de la police militaire de ne pas porter d’accusation.

Plusieurs voix se sont depuis élevées pour demander au gouvernement libéral de ne pas réintégrer M. McDonald. Certains experts et défenseurs des victimes remettaient en question la décision de confier l’enquête à la police militaire plutôt qu’aux autorités civiles. Ils estiment que M. McDonald n’a plus l’autorité morale pour diriger l’armée vers un changement de culture pour éliminer justement les inconduites sexuelles.

Les avocats de M. McDonald ont rappelé mercredi que l’ancien commandant de la Marine royale canadienne, qui a été chef d’état-major seulement cinq semaines, a toujours clamé son innocence. Ils ont ajouté qu’avant d’être nommé chef d’état-major, en janvier, l’amiral avait passé avec succès un test polygraphique sur d’éventuels incidents passés d’inconduite. Ils rappellent aussi qu’il a pleinement coopéré pendant l’enquête de la police militaire.

Les avocats ont également évoqué la nécessité de respecter la règle de droit qui prévaut au Canada, puisque M. McDonald n’a pas été accusé de quoi que ce soit.