(Québec) Le Parti libéral du Québec accuse François Legault de « nourrir » les soupçons des complotistes par ses déclarations imprudentes pour expliquer son refus de débattre du passeport vaccinal. Le premier ministre a réaffirmé, jeudi, qu’il ne voulait pas d’un débat public sur la question parce qu’il « n’aurai[t] pas envie d’avoir certaines personnes […] venir expliquer qu’il y a un complot […] ».

Les propos de François Legault ont fait réagir les partis de l’opposition à Québec. « Je l’invite à faire preuve de prudence parce que, justement, les complotistes auxquels il fait référence se nourrissent de telles déclarations », a lancé la députée libérale Marwah Rizqy, en entrevue.

« [Ces propos] peuvent, au contraire, les [conforter] dans leur position lorsqu’ils affirment qu’il n’y a pas de démocratie au Québec », a-t-elle précisé.

Les libéraux, qui réclament l’imposition d’un passeport vaccinal dès maintenant, sans attendre au 1er septembre, proposent maintenant de tenir un débat d’urgence sur les modalités d’un tel laissez-passer en rappelant les parlementaires dès ce vendredi et lundi. « Le plus tôt possible, et je vous le dis, on est capables de faire ce débat en quelques heures », a estimé Mme Rizqy.

Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a, quant à lui, affirmé que « François Legault dit n’importe quoi » lorsque ce dernier prétend qu’une commission parlementaire sur le passeport vaccinal serait « risquée » et « donnerait la parole à des conspirationnistes ».

« En pleine pandémie, c’est dangereux que le premier ministre fasse de la démagogie sur les mesures sanitaires », a-t-il pesté. Québec solidaire a demandé en février dernier la tenue d’une commission parlementaire.

Le Parti québécois réclame également que les élus se prononcent en Chambre sur le passeport vaccinal avant son imposition, le 1er septembre.

La rentrée parlementaire est prévue le 14 septembre. Le premier ministre a le pouvoir de rappeler la Chambre plus tôt pour tenir un débat d’urgence.

Parlant d’une « mesure exceptionnelle qui doit fait l’objet de consultations approfondies », le député péquiste Joël Arseneau affirme que le gouvernement « doit inclure les oppositions et les experts pour éviter les essais et erreurs ». Ultimement, la formation politique propose une loi-cadre votée par les parlementaires afin de « revenir à une certaine normalité démocratique ».

Legault justifie son refus

Mercredi, le premier ministre a justifié son refus de tenir un débat sur le passeport vaccinal en disant qu’il ne fallait pas « donner à des opposants des tribunes qui pourraient influencer la population en utilisant des arguments non fondés ».

Il a réitéré sa position, jeudi. « Je n’aurais pas envie d’avoir certaines personnes que je ne nommerai pas venir expliquer qu’il y a un complot, que ce n’est pas bon de se faire vacciner, que dans le fond, on met une puce dans le bras du monde pour suivre ce qu’ils font, des histoires de même… Je ne pense pas qu’on ait besoin de ça au Québec. »

Dans son plaidoyer, François Legault fait également valoir que « les trois partis d’opposition reconnus officiellement à l’Assemblée nationale sont pour le passeport ».

Il tente de relativiser leur demande de commission parlementaire en disant qu’ils en réclament de toute façon très souvent pour « débattre de ci et de ça ».

Rappelons que les partis s’entendent au préalable sur la liste des personnes qui seront entendues en commission parlementaire lorsque l’Assemblée décide de tenir une consultation dite « particulière », sur un sujet précis.

Dans le cadre d’une consultation dite « générale », qui se veut beaucoup plus large, « les députés membres de la commission sélectionnent parmi les citoyens et les organismes qui ont fait parvenir un mémoire ou une demande d’intervention ceux qui seront entendus en audition publique », comme le veulent les règles de l’Assemblée nationale. La majorité parlementaire du gouvernement permet cependant à celui-ci d’avoir le dernier mot.

Une « forme de ségrégation », dit Duhaime

Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, s’oppose à l’usage du passeport vaccinal ; il a comparé la mesure sanitaire à une « forme de ségrégation ». La ségrégation est un processus de distance sociale imposée à un groupe du fait de sa race, de son sexe, de sa position sociale ou de sa religion.

« Le passeport vaccinal, c’est quelque chose qui divise la population. C’est une forme de ségrégation, c’est une forme de discrimination, c’est une atteinte claire à nos libertés. On n’a jamais fait ça, être obligé de montrer de l’information médicale pour entrer dans un commerce au Québec, et là, à partir du 1er septembre, malheureusement, on va subir ça sans même qu’on puisse en débattre, sans même qu’on puisse comprendre pourquoi », a-t-il indiqué lors d’un point de presse à l’hôtel du Parlement, jeudi. Il était accompagné de la députée Claire Samson, qui a quitté le caucus caquiste en juin pour le Parti conservateur.

Selon Éric Duhaime, le Québec « s’apprête à adopter la mesure possiblement la plus liberticide de notre vivant depuis les mesures de guerre ».

Par le privilège parlementaire de Mme Samson, la formation a déposé jeudi une pétition s’opposant au passeport vaccinal sur le site de l’Assemblée nationale. Une version précédente – jugée non conforme, selon les règles de l’Assemblée nationale – avait permis de recueillir quelque 133 000 signataires, selon le parti.

Avec Henri Ouellette-Vézina, La Presse