(Ottawa) Des militants bloquistes mécontents de voir le député sortant de Terrebonne ainsi que d’autres ex-candidats écartés d’un processus d’investiture ont décidé de sortir publiquement pour dénoncer la situation, et ce, même si des élections sont imminentes.

Dans une lettre ouverte envoyée aux médias vendredi, une trentaine de signataires ont accusé le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, de se « débarrasser d’un membre de son caucus », le député Michel Boudrias, en poste depuis 2015, afin de favoriser la candidature de l’économiste Nathalie Sinclair-Desgagné dans la couronne nord de Montréal.

Le Bureau national du Bloc québécois a décidé, plus tôt cette semaine, de suspendre ses assemblées d’investiture jusqu’au 23 août et de désigner lui-même les candidatures qui représenteront le parti sans consulter les membres. Si des élections sont déclenchées avant le 23 août, Mme Sinclair-Desgagné sera donc automatiquement confirmée candidate dans Terrebonne.

« Dans notre mouvement, pour ce qu’il en reste, le choix des candidats aux élections a toujours été l’affaire des membres et non du chef », rétorquent les signataires de la lettre ouverte intitulée « Le Bloc québécois trahit l’héritage de René Lévesque ».

Ils vont même jusqu’à appeler les membres à s’abstenir de voter aux prochaines élections fédérales, « un vote pour le Bloc n’étant, au final, qu’un vote de plus pour le bon fonctionnement du Canada » selon eux. « En excluant encore une fois un indépendantiste de ses rangs, le Bloc continue lentement, mais sûrement, à devenir le meilleur allié des fédéralistes », écrivent-ils dans leur missive.

La situation n’est pas unique à Terrebonne ; dans les derniers jours, deux autres ex-candidats bloquistes – Claude André, candidat en 2015 et en 2019 dans Rosemont—La-Petite-Patrie et André Parizeau, candidat en 2019 dans Ahuntsic-Cartierville – ont déploré avoir été écartés d’un processus d’investiture en bonne et due forme, et ce, malgré leurs demandes répétées en ce sens au parti depuis des mois.

Sur Facebook, M. André a déclaré que son exécutif demandait une investiture depuis novembre 2020. « Après plusieurs tentatives, il est devenu très clair pour nous que le national souhaitait désigner quelqu’un, et cela en dépit des règles démocratiques du parti », a-t-il écrit, en y ajoutant que tous les membres de l’exécutif, sauf une personne, ont démissionné « en bloc » le 24 juin dernier.

Mercredi, Shophika Vaithyanathasarma a été présentée comme la candidate bloquiste dans Rosemont—La-Petite-Patrie.

M. Parizeau a pour sa part déclaré que cela fait « au moins huit mois » que son exécutif réclame une assemblée d’investiture dans Ahuntsic-Cartierville et dit ne jamais avoir reçu de réponse officielle de la part du parti. En 2019, il avait été obligé de se dissocier du Parti communiste du Québec, dont il était le chef, pour être candidat bloquiste. Il espérait se présenter de nouveau en 2021.

Le Bloc n’a toujours pas annoncé de candidature officielle dans Ahuntsic-Cartierville.

« Honnêtement, le chef, depuis un certain temps, cherche surtout à s’entourer de gens qu’il peut plus facilement contrôler et, bien malheureusement, la vie interne du parti en a pris un coup. […] Tout est centré autour du chef et il n’y a presque plus de véhicule ni de place pour les militants et les gens qui ne sont pas dans l’entourage immédiat du chef », a déploré M. Parizeau en entrevue.

Lors d’un récent entretien avec La Presse Canadienne, M. Blanchet a rejeté les critiques voulant que le parti impose ses candidats.

« Il n’y a jamais d’élections dans lesquelles il n’y a pas de circonscriptions où il y a du monde moins content que d’autres. C’est toujours le cas », a-t-il lancé.

« Si le gouvernement ou si Justin Trudeau n’imposait pas des élections précipitées, on n’aurait pas à se poser cette question-là. Mais dans la mesure où on ne pourra probablement pas tenir des assemblées d’investiture, le Bureau national doit faire des choix », a-t-il ajouté.

Concernant le cas de M. Boudrias dans Terrebonne, M. Blanchet a réitéré que le député sortant n’avait pas rempli les conditions voulues. Le Bureau national du parti exige que chaque exécutif de circonscription ait amassé 19 000 $, qu’il ait remboursé ses dettes et qu’il compte au moins 350 membres en règle. Selon le chef, « les conditions sont loin, loin d’avoir été rencontrées ».

« C’est le seul cas où ça mettait en cause un député élu, donc on avait tous un malaise, moi le premier. Mais il faut quand même appliquer les mêmes règles », a soutenu M. Blanchet.

M. Boudrias, de son côté, n’a pas pris part à la lettre ouverte à son sujet et s’est dit attristé par ces évènements le concernant. « La situation me dépasse. Je ne veux pas alimenter un conflit interne qui ne m’appartient pas. C’est aux instances impliquées à y voir », a-t-il réagi dans une déclaration écrite envoyée à La Presse Canadienne.

Le député dit ne pas avoir pris de décision concernant son avenir politique si des élections devaient être déclenchées. « Je prends un moment pour réfléchir à comment ce travail se poursuivra, pour mon équipe et pour les citoyens de Terrebonne », a-t-il simplement dit.