(Ottawa) Les instances du Parti vert ont confirmé lundi qu’un vote de défiance contre la cheffe Annamie Paul n’était plus sur la table pour le moment, neutralisant ainsi une menace imminente sur son sort à l’approche d’un scrutin probable cette année.

Dans une brève déclaration publiée lundi sur son site internet, le Parti vert indique que les motions de censure en cours déposées contre Mme Paul « ne seront plus examinées pendant le mandat du Conseil fédéral actuel » — le principal organe directeur du parti —, « ni avant la prochaine assemblée générale ».

« Cette expérience a été incroyablement douloureuse pour moi et pour ma famille », a déclaré Mme Paul en conférence de presse lundi après-midi dans la circonscription de Toronto-Centre, qu’elle espère gagner après deux tentatives infructueuses qui l’ont tenue à l’écart de la Chambre des communes. 

Il est extrêmement difficile de voir son intégrité remise en question lorsqu’on la considère si précieuse.

Annamie Paul, cheffe du Parti vert

Mme Paul a admis qu’elle avait songé à démissionner au milieu de ce qu’elle a qualifié de « campagne unilatérale » menée contre sa direction par les dirigeants du parti ces derniers mois. Mais elle a estimé qu’elle devait rester en poste pour les membres qui l’avaient élue l’année dernière. « La diversité en politique, ça compte », a-t-elle déclaré lundi.

Le Conseil fédéral a aussi suspendu le processus de révision de l’adhésion d’Annamie Paul au parti, lancé la semaine dernière par la directrice par intérim des verts, Dana Taylor. Si Mme Paul n’avait plus été membre du parti, elle n’aurait pas pu en être la cheffe.

Le Conseil renouvelé dans un mois

Ce revirement semble protéger la cheffe d’une éviction immédiate, jusqu’aux élections prévues dans les prochains mois, car le Conseil fédéral du parti sera renouvelé le 20 août, bien qu’une assemblée générale des membres soit prévue le lendemain.

Cette décision signifie aussi que pour la première fois dans l’histoire du pays, une Canadienne noire dirigera un parti national traditionnel en campagne électorale. Mais des tensions subsistent au sein de ce parti, alors que les verts peinent à faire connaître leur programme, éclipsé dans les médias par des mois de luttes intestines. « C’est un parti blessé », estime Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes à McGill.

Un sondage Angus Reid publié vendredi dernier a montré que seulement 3 % des répondants avaient l’intention de voter pour les verts — bien en deçà des 6,55 % de voix recueillis en 2019. Pourtant, selon ce sondage, le changement climatique constituerait désormais l’enjeu le plus important dans l’esprit des électeurs canadiens.

Un vote de défiance du Conseil fédéral aurait nécessité le soutien des trois quarts de ses 13 membres, ce qui aurait mené à un vote des membres à l’échelle du parti le mois suivant en assemblée générale.

D’autres problèmes ont entravé la marche des verts, notamment des mises à pied temporaires ce mois-ci, malgré les objections de Mme Paul. Les dirigeants ont également décidé de suspendre le financement de sa campagne dans Toronto-Centre, l’ancienne circonscription de Bill Morneau.

Mme Paul était arrivée deuxième, derrière le libéral Marci Ien, lors d’une élection partielle l’automne dernier — ils ont obtenu respectivement 33 % et 42 % des voix. Ce bastion libéral, resté rouge depuis 1993, a été représenté par d’autres députés éminents, dont Bill Graham et Bob Rae. Aux élections générales de 2019, Mme Paul, qui n’était pas cheffe des verts alors, était arrivée en quatrième place.

Il y a maintenant deux députés verts au Parlement, dont l’ancienne cheffe Elizabeth May.

Antisémitisme, racisme, sexisme

Le parti est déchiré par des luttes intestines et des factions depuis des mois alors que Mme Paul, qui a été élue cheffe en octobre 2020, tente d’orienter les verts dans une nouvelle direction.

Les membres du Conseil fédéral ont adopté une motion en juin exigeant qu’elle tienne une conférence de presse avec le député vert Paul Manly et qu’elle dénonce les commentaires de Noah Zatzman, l’un de ses principaux conseillers. Dans les médias sociaux, M. Zatzman avait accusé des députés verts, non précisés, d’antisémitisme.

Mme Paul a riposté contre les dirigeants du parti, le 16 juin, en dénonçant des accusations « racistes » et « sexistes », selon la motion écrite obtenue par La Presse Canadienne.

Puis, le 30 juin, la présidente du parti, Liana Canton Cusmano, a déclaré aux membres lors d’une assemblée publique virtuelle que Mme Paul n’avait pas respecté l’ultimatum du conseil ni « répondu à ses obligations de cheffe », citant la défection de la députée verte Jenica Atwin vers les libéraux plus tôt en juin.