(Ottawa) Les routes de Justin Trudeau, Erin O’Toole et Jagmeet Singh se sont presque croisées dans l’Ouest, jeudi, alors que les trois chefs affichaient tous l’allure de politiciens en campagne électorale. Pendant ce temps, au Parti vert, la déroute se poursuit – si bien qu’on se demande si Annamie Paul survivra à l’été.

À Port Coquitlam, le chef libéral était entouré d’enfants et de députés. Tout sourire, il a annoncé la signature d’un accord entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique, qui est devenue la première province à adhérer à son projet de réseau de garderies pancanadien.

Dans un cadre champêtre, il a vanté les ambitions de relance féministe de ses troupes. Il n’a toutefois pas mordu à l’hameçon lorsqu’un journaliste lui a demandé s’il présenterait un plan de réouverture des frontières avant de demander à la gouverneure générale fraîchement nommée mardi dernier, Mary Simon, de dissoudre le Parlement (voir capsule à la fin de ce texte).

« Ma priorité est d’aider les Canadiens à continuer de passer à travers la pandémie, et à continuer à remettre notre économie sur les rails », a déclaré Justin Trudeau. Il a vanté le boulot abattu par le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, John Horgan, qui le lui a bien rendu. « J’ai hâte d’encaisser mon chèque », a badiné celui-ci en faisant référence au financement fédéral du programme de garderies.

Au même moment, à Duncan, sur l’île de Vancouver, Jagmeet Singh faisait un point de presse. Il a juré qu’il n’était « pas du tout » contrarié que son allié du NPD au provincial ait préféré se montrer en compagnie de Justin Trudeau, mettant celui-ci au défi de tenir ses promesses plutôt que d’assouvir ses envies de se faire reporter au pouvoir. « Il reste deux ans au mandat », a argué le leader néo-démocrate, affirmant qu’il serait ravi de travailler avec le gouvernement minoritaire libéral pour que le réseau voie le jour.

S’il déclenche des élections dans les prochains mois, on saura que c’était de la poudre aux yeux, que ce n’était pas vraiment quelque chose qu’il voulait réaliser et qu’il voulait juste faire une conférence de presse tape-à-l’œil.

Jagmeet Singh, chef néo-démocrate

À Calgary, le chef conservateur Erin O’Toole a prévenu que le Canada faisait face à une « crise d’unité nationale » alimentée par les politiques « anti-Alberta » de Justin Trudeau. Il a annoncé que s’il était élu, il créerait un rabais sur la péréquation de 5 milliards, dont 4 milliards iraient aux Albertains. « Il est temps que cette injustice cesse », a-t-il tranché dans la salle d’un hôtel décorée de drapeaux du Canada et de l’Alberta.

« Nous savons que le gouvernement Trudeau et les autres partis de gauche n’ont pas de respect pour l’Ouest. Nous le voyons jour après jour », a soutenu le dirigeant, qui devra convaincre les électeurs de cette région de lui faire confiance malgré sa volte-face sur la taxe carbone et ses positions plus progressistes sur des enjeux comme l’avortement ou encore l’interdiction des thérapies de conversion.

Turbulences vertes et tournée bloquiste

Ces ennuis peuvent apparaître banals si on les compare à ceux qui assaillent la dirigeante verte Annamie Paul. Car une fois encore, cette semaine, des officiels de son propre parti ont continué à lui mettre des bâtons dans les roues, cette fois en mettant à pied deux membres du personnel du bureau de la cheffe – un affront qui survient alors que des membres du conseil fédéral du parti tentent de lui faire perdre son poste.

La crise interne dans le camp vert a éclaté au grand jour lorsque l’une des trois députées de la formation, Jenica Atwin, est passée chez les libéraux. Le fait que le bras droit de la cheffe l’a accusée – elle et un autre député vert, Paul Manly – d’avoir formulé des propos antisémites a été un facteur dans cette décision, a indiqué l’élue du Nouveau-Brunswick.

À cela s’ajoute le fait que plusieurs, au sein de l’aile verte québécoise, ne sont pas sur la même longueur d’onde qu’Annamie Paul sur plusieurs enjeux touchant le Québec. Il n’y a d’ailleurs qu’un seul Québécois sur 14 personnes dans le cabinet fantôme dévoilé par la dirigeante, jeudi. Invité à commenter cet état de fait, le directeur des communications du parti, John Chenery, a noté que « le groupe final [en] comprendra[it] deux ».

Autre fait à noter, les deux seuls députés verts, Elizabeth May et Paul Manly, ne font pas partie du cabinet fantôme.

« Ils sont responsables de plusieurs portefeuilles en tant que porte-parole du caucus du parti », a argué John Chenery. Il n’a pas été possible de parler à la cheffe ni aux deux députés, jeudi, aucun n’étant disponible pour une entrevue avec La Presse.

De son côté, le chef bloquiste Yves-François Blanchet poursuit sa tournée du Québec. La cote de popularité de sa formation dans les plus récents sondages est de bon augure en vue d’un possible scrutin automnal. Le plus récent coup de sonde de la firme Léger et de l’Association d’études canadiennes les place au coude-à-coude avec les libéraux, avec 32 % pour le Bloc contre 31 % pour le Parti libéral.

Pas de touristes non vaccinés de sitôt

Le Canada est loin d’être sur le point de rouvrir ses frontières aux touristes qui ne sont pas vaccinés contre la COVID-19, a signalé jeudi le premier ministre Justin Trudeau. « Je peux vous dire tout de suite que ça n’arrivera pas avant un bon moment », a-t-il laissé tomber jeudi. « Nous devons continuer à nous assurer […] que tous les sacrifices que tant de gens ont faits au cours des derniers mois n’ont pas été vains », a-t-il ajouté. Le premier ministre n’a pas non plus semblé pressé de procéder à la réouverture de la frontière entre le Canada et les États-Unis, qui restera fermée aux déplacements non essentiels au moins jusqu’au 21 juillet prochain. « Nous allons continuer à travailler avec les provinces, nous allons continuer à discuter d’un plan sur le quand et le comment se fera la réouverture, et nous allons continuer à travailler avec la Maison-Blanche et nos partenaires aux États-Unis », a-t-il dit.