(Ottawa) La ministre fédérale de l’Infrastructure et des Collectivités, Catherine McKenna, a promis lundi que même une fois sortie de la politique fédérale, elle utilisera toute plate-forme dont elle disposera pour agir à la fois sur l’action climatique, mais aussi sur la lutte contre les commentaires haineux et les attaques personnelles visant des personnalités publiques.

Mme McKenna a annoncé au premier ministre Justin Trudeau en fin de semaine qu’elle ne briguerait pas un troisième mandat de députée libérale d’Ottawa-Centre, citant le désir de passer plus de temps avec ses trois enfants et de poursuivre l’action climatique à l’extérieur du gouvernement. Elle a toutefois insisté lundi sur le fait qu’elle ne quittait pas la politique « classique » parce qu’elle était frustrée : elle se dit au contraire fière des réalisations de son gouvernement, notamment le plan climatique national et la redevance sur le carbone.

« Je vous dis la stricte vérité : je veux passer plus de temps avec mes enfants — et il existe d’autres moyens de lutter contre le changement climatique », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse lundi matin à Ottawa, sur les bords du célèbre canal Rideau.

Son départ a surpris sur la Colline parlementaire et n’a fait qu’intensifier les spéculations, déjà intenses, selon lesquelles M. Trudeau s’apprête à déclencher des élections plus tard cet été. Mme McKenna, âgée de 49 ans, avait été élue pour la première fois il y a à peine six ans, en ravissant le comté aux néo-démocrates ; elle avait ensuite quadruplé sa majorité en 2019.

En tant que ministre de l’Environnement, responsable de l’engagement du gouvernement libéral à revoir toute la politique climatique du Canada, elle était l’une des ministres les plus importantes du premier cabinet Trudeau. Mais elle a également été la cible privilégiée de torrents d’insultes en ligne, qui ont finalement débordé de la sphère virtuelle. En 2017, elle a attiré l’attention de la communauté internationale lorsqu’elle a dénoncé l’ancien député conservateur Gerry Ritz, qui l’avait qualifiée sur Twitter de « Climate Barbie », une insulte sexiste née d’abord sur le site d’extrême droite « The Rebel ».

À l’aube des élections de 2019, elle avait confié à La Presse Canadienne qu’elle avait parfois besoin de sécurité rapprochée en raison des menaces croissantes qui visaient dorénavant sa personne. Il n’était pas rare, disait-elle, que des hommes lui crient des injures lorsqu’elle sortait avec ses enfants à Ottawa.

Quelques jours après ce scrutin d’octobre 2019, son bureau de campagne a été vandalisé avec un graffiti sexiste dégradant. Après les élections, lorsque M. Trudeau l’a fait passer de l’Environnement aux Infrastructures, plusieurs ont cru que le premier ministre voulait lui donner un peu d’air face à l’intensité des attaques qu’elle subissait.

Protection rapprochée

Bien que son rôle ait été moins important aux Infrastructures, en particulier pendant la pandémie, l’intimidation n’a pas cessé. Un policier de la Gendarmerie royale du Canada montait la garde près d’elle, lundi, lors de sa conférence de presse en plein air à Ottawa. Le premier ministre bénéficie depuis longtemps de la protection constante d’agents de la GRC, mais il est beaucoup plus rare que des ministres aient besoin d’une telle protection rapprochée.

Mme McKenna a indiqué lundi qu’elle avait proposé à M. Trudeau de rester aux Infrastructures jusqu’aux élections, s’il le souhaitait. En attendant, elle a l’intention d’être une voix pour défendre tous ceux — et celles — qui sont confrontés à de telles attaques. « J’y ai beaucoup réfléchi : j’ai eu ma part d’attaques, mais je me rends compte que ce n’est que du bruit, que les gens veulent que vous arrêtiez de faire ce que vous faites, ils veulent que vous reculiez. Mais devinez quoi ? Nous n’avons pas reculé sur la taxe carbone ! »

Mme McKenna estime qu’elle a attendu trop longtemps avant de dénoncer ces attaques, mais elle en a tiré une leçon et elle a finalement décidé qu’elle ne pouvait plus se taire. Et le tsunami de soutien qu’elle a reçu l’a encouragée : c’est ce qu’elle souhaite aux jeunes femmes ou à toute personne se sentant marginalisée ou intimidée par l’environnement parfois toxique de la vie publique.

« Je ferai tout pour lutter contre cela », a-t-elle déclaré. « Pourquoi ? Je pars, mais je veux des filles, je veux des membres de la communauté autochtone, des peuples autochtones, des Noirs canadiens, je veux de nouveaux immigrants. Je veux que les membres de la communauté LGBTQ2+ se sentent en sécurité en politique. Et nous avons constaté que ce n’est pas toujours le cas.

« Donc, je pense que ça incombe à quelqu’un comme moi, parce que ça ne me dérange plus maintenant, je vais me battre contre ça. Parce que nous avons besoin de bonnes personnes en politique. »