(Ottawa) La COVID-19 a eu des effets pervers multiples. En plus de mettre à mal l’économie canadienne, de chambouler le quotidien des gens et d’affecter la santé mentale de plusieurs, elle a affaibli la démocratie parlementaire, déplore le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole.

Le gouvernement Trudeau s’est servi de cette pandémie pour éviter de rendre des comptes aux Canadiens sur la gestion des finances publiques, le dossier des allégations d’inconduite sexuelle qui secouent les Forces armées canadiennes, ou encore le mystère entourant le congédiement de deux scientifiques chinois d’un laboratoire national à Winnipeg, a-t-il donné en exemple.

Mais les jours où les libéraux pourront se défiler ainsi tirent à leur fin, a-t-il lancé dans une entrevue accordée à La Presse. La campagne électorale qui se profile à l’horizon sera d’abord et avant tout un référendum sur le bilan d’un premier ministre qui a privilégié les conférences de presse à Rideau Cottage au lieu de répondre sans faux-fuyants aux questions des partis de l’opposition au Parlement, a-t-il avancé.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Il y a eu beaucoup de camouflage sur les enjeux importants. […] Le premier ministre a absolument profité de la pandémie pour éviter de rendre des comptes. Pendant plusieurs jours de séance, à la Chambre des communes, lors de la période de questions, il n’y avait aucun député libéral à la Chambre. Aucun. Et très souvent, il n’y en avait qu’un seul, Mark Gerretsen. Le Bloc québécois était là, le NPD aussi. Notre parti était là aussi. C’était un manque de respect envers les Canadiens, envers nos institutions », a-t-il fait valoir.

La démocratie canadienne a souffert, dit O’Toole

En raison de la pandémie, la Chambre des communes a mené ses travaux d’une manière hybride, en limitant le nombre de députés présents sur les lieux et en offrant la possibilité de participer aux débats par visioconférence. Les votes ont aussi été permis à distance. Mais cette formule a eu un effet sur la qualité des échanges.

« M. Trudeau préfère tenir des conférences de presse en dehors du Parlement. C’est un exemple du manque de respect pour notre démocratie. C’était difficile pour les partis de l’opposition de poser des questions sur les enjeux importants. La démocratie canadienne en a souffert. C’était inacceptable, selon moi. Les travailleurs essentiels travaillent tout le temps, même durant la troisième vague. […] Malheureusement, il a réussi à éviter de répondre aux questions sur les scandales. »

La campagne électorale qui s’en vient mettra tous les partis politiques sur un pied d’égalité. L’avantage qu’avait le gouvernement libéral durant la pandémie, quand tous les projecteurs étaient braqués sur le premier ministre et ses ministres, disparaîtra.

Nous avons besoin de [la campagne électorale] pour notre démocratie. Il y a beaucoup de défis devant nous après la pandémie, une dette énorme, un niveau de chômage élevé, des féminicides au Québec, la santé mentale de nos citoyens, la réconciliation avec les Premières Nations. Il y a une crise et c’est pourquoi nous avons besoin d’un gouvernement qui est prêt à relever ces défis.

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur du Canada

Au sujet du ministre de la Défense, Harjit Sajjan, qui a terminé la session parlementaire comme il l’avait entreprise, soit dans la tourmente provoquée par les allégations d’inconduite sexuelle qui visent les officiers de haut rang des Forces armées canadiennes, M. O’Toole juge impardonnable que le premier ministre ne l’ait pas encore démis de ses fonctions.

« C’est une honte. Les femmes qui portent l’uniforme méritent mieux. Elles méritent un gouvernement qui va corriger cette situation inacceptable dans nos Forces armées », a dit celui qui a déjà porté l’uniforme militaire.

Les conservateurs prêts pour des élections

Le chef conservateur a rejeté les commentaires du premier ministre selon lesquels le climat à la Chambre des communes est devenu « toxique » au printemps et le Parlement est devenu « dysfonctionnel ». Des propos interprétés par plusieurs observateurs comme un autre signe que M. Trudeau souhaite des élections fédérales à l’automne.

« Je ne crois pas que c’est toxique. Il y a de la partisanerie, bien sûr, mais c’est cela, la politique. »

Malheureusement, le gouvernement a été lent à réagir durant la pandémie. Et il a aussi été lent à présenter ses projets de loi importants pour l’économie, pour la réconciliation avec les Premières Nations, pour la protection de la langue française au Québec. Ce sont juste des gestes symboliques dans les derniers jours du Parlement.

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur du Canada

Si Justin Trudeau choisit de convoquer les Canadiens aux urnes en septembre, M. O’Toole affirme que son parti sera prêt. Le recrutement de candidats va bon train. Les coffres du parti sont bien garnis. Et la rédaction du programme électoral est bien avancée.

« Nous allons être prêts s’il y a des élections. Selon moi, nous serons plus prêts que M. Trudeau », a-t-il averti.

M. O’Toole promet d’ailleurs une plateforme politique spécifique pour le Québec qui reprendra certains des engagements qu’il a déjà formulés depuis qu’il est à la barre du Parti conservateur, notamment l’application de la loi 101 aux entreprises de compétence fédérale et la création d’un impôt unique au Québec.

« On va agir pour le Québec sur tous les enjeux. Le Québec est une priorité pour moi et mon équipe », a-t-il insisté.