(Ottawa) Le ministère du Patrimoine se fait taper sur les doigts par le commissaire aux langues officielles pour avoir offert une séance d’information majoritairement en anglais et sans traduction aux sénateurs et aux membres de leur personnel en février 2020.

La séance d’information portait sur les recommandations contenues dans le rapport sur l’avenir des communications au Canada, également connu comme le rapport Yale. Le sénateur conservateur Claude Carignan avait décidé de déposer une plainte auprès du commissaire aux langues officielles Raymond Théberge après avoir constaté que la traduction simultanée n’était pas offerte aux personnes qui assistaient à la séance d’information, laquelle s’était déroulée essentiellement en anglais.

Le sénateur Carignan jugeait cette situation d’autant plus inacceptable que la séance a eu lieu dans l’édifice Wellington, qui fait partie de la colline du Parlement et où il est possible de faire appel à un service d’interprétation.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le sénateur Claude Carignan

« Étant donné que la séance d’information n’a pas été offerte de façon égale dans les deux langues officielles, la plainte s’avère fondée », conclut le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge dans un rapport préliminaire.

Durant l’enquête menée par le commissaire, le ministère du Patrimoine a reconnu que la rencontre aurait pu être mieux planifiée de sorte que les parlementaires, leur personnel et les membres du public puissent communiquer et comprendre l’information transmise dans la langue officielle de leur choix.

À son avis, il est évident que les langues officielles « n’ont pas été prises suffisamment en considération » par le ministère du Patrimoine quand il a organisé la rencontre.

« Les présentateurs n’étaient pas bien préparés afin de bien jouer leur rôle en matière de langues officielles. Aussi, rien n’a été prévu pour tenir compte des services de traduction simultanée à l’édifice Wellington. L’enquête a révélé l’absence, au bureau du cabinet, de procédure formelle permettant de bien planifier des présentations dans les deux langues officielles. Cette lacune a contribué à ce que la présentation se soit déroulée principalement en anglais ».

Le commissaire a obtenu l’engagement du ministère que les mesures qui s’imposent seront prises afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise.

Nous tenons à souligner que le ministre (Steven Guilbeault) a personnellement reconnu ce manquement et s’est engagé à ce que son bureau prenne différentes mesures pour que cela ne se reproduise pas. Ainsi, des procédures sont maintenant en place pour s’assurer que les documents soient rendus disponibles systématiquement dans les deux langues officielles et que l’interprétation simultanée soit disponible lors de rencontres, comme celle qui est à l’origine de cette plainte.

Extrait du rapport

Joint par La Presse, le sénateur Claude Carignan s’est dit « estomaqué » d’apprendre en lisant le rapport que le ministère n’avait pas de protocole clair sur le respect des deux langues officielles lorsqu’il organise des évènements, plus de 50 ans après l’adoption de la Loi sur les langes officielles.

D’autant plus que le ministère du Patrimoine joue un rôle dans la promotion des deux langues au pays.

« Sans un tel protocole, cela me fait dire que la séance en anglais seulement qui a eu lieu n’est probablement pas un évènement isolé et que c’est plutôt systémique. Cela s’est probablement produit à plusieurs reprises avant », a commenté M. Carignan.

Le sénateur a aussi affirmé qu’il est malheureusement fréquent de voir la langue française ainsi bafouée. « C’est fréquent que lors de rencontres le service de traduction n’est pas offert, que cela se déroule en anglais seulement. On nous dit que si on a la traduction, ça va ralentir les réunions, ça va prendre plus de temps. Donc, on nous demande de faire faire des compromis sur notre langue. À chaque fois que cela arrive, cela me choque ».

Le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice, partage la frustration du sénateur Claude Carignan. « Ce genre de situations est monnaie courante. C’est un manque de respect flagrant pour tous les francophones à travers le pays. Le gouvernement Trudeau fait une nouvelle preuve d’un manque de sensibilité éhonté envers la protection de la langue française et des droits des francophones. À chaque occasion, il bafoue ces droits ; on nous traite comme des citoyens de seconde zone. Si le Canada est officiellement bilingue sur papier, la réalité est tout autre. Il est grand temps qu’on commence à agir comme tel » «, a-t-il commenté.