(Québec) Force est de constater qu’il règne à Québec et à Ottawa une unanimité presque sans précédent sur l’enjeu de la protection de la langue française.

Jeudi, les partis d’opposition à l’Assemblée nationale ont accueilli avec optimisme et ouverture le projet de loi 96 du gouvernement Legault qui se veut une réforme tentaculaire de la loi 101.

La nouvelle pièce législative vise à encadrer l’usage du français dans plusieurs champs d’activité : les entreprises de 25 à 49 employés, l’accès au cégep anglophone et l’administration publique, notamment.

L’opposition libérale a applaudi l’essentiel des mesures, en particulier la création d’un Commissaire à la langue pour enquêter de façon indépendante sur la situation linguistique et accueillir les plaintes.

« Le Parti libéral souscrit pleinement au consensus voulant que nous ayons une responsabilité historique par rapport à la préservation et la pérennité de la langue française », a réagi sa cheffe Dominique Anglade.

« Cette langue française, qui est notre langue commune, le socle de notre vivre-ensemble, on doit s’assurer de pouvoir l’encadrer, la protéger, faire en sorte qu’elle puisse se déployer, rayonner », a-t-elle ajouté.

Par contre, les libéraux réclament des consultations générales, et non seulement particulières, pour qu’on entende le plus de gens possible sur les changements qui sont proposés.

Faisant valoir l’importance de « se rassembler » autour de la langue, Mme Anglade et la députée Ruba Ghazal, de Québec solidaire (QS), ont par ailleurs dénoncé une mauvaise blague du premier ministre.

En conférence de presse jeudi, François Legault a répondu à un journaliste que des artistes comme Émile Bilodeau pourraient très bien être appelés à sensibiliser les jeunes, pourvu qu’ils « appuient la loi 21 ».

Le premier ministre faisait référence au fait qu’Émile Bilodeau avait porté lors d’un spectacle un macaron « anti loi 21 », cette loi caquiste qui interdit à certains employés de l’État de porter des signes religieux.

Selon Mme Ghazal, M. Legault doit s’excuser. « C’est un message de division que ça envoie, a-t-elle affirmé. Ça ne commence pas bien ce qu’on est en train de faire en ce moment.

« C’est une opportunité, ce projet de loi, pour que la langue française nous unisse. C’est plate que M. Legault gâche cette opportunité-là dès le premier jour », a-t-elle renchéri.

QS a également demandé au gouvernement Legault d’expliquer pourquoi il inclut une clause dérogatoire dans son projet de loi 96, comme c’était le cas avec la loi 21.

À première lecture, rien ne le justifie, affirme Mme Ghazal. « Moi, je vois derrière ça une stratégie de communication pour dire : […] “Moi, je bombe le torse, j’y vais fort pour protéger la langue française”.

« Est-ce que c’est vraiment justifié ? » a-t-elle demandé.

QS a réagi positivement à la création d’un guichet unique pour franciser les immigrants, « Francisation Québec », qui relèvera du ministère de l’Immigration.

Le Parti québécois (PQ) est d’accord pour dire que globalement, le projet de loi 96 recèle de bonnes initiatives, mais son plus gros défaut est qu’il ne va pas assez loin.

« Malheureusement, aujourd’hui, la Coalition avenir Québec nous a servi le strict minimum », a déclaré en point de presse le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon.

Un guichet de francisation, oui, mais « aucune limite au nombre d’immigrants allophones que l’on reçoit annuellement, aucune exigence de maîtrise de la langue française à l’entrée au Québec », s’est-il désolé.

Le PQ aurait aussi voulu que la loi 101 s’applique aux cégeps ; le projet de loi 96 propose plutôt de limiter le nombre d’étudiants admis dans les cégeps anglophones.

Dans l’ensemble, « ce sont de bonnes mesures qui n’auront pas d’impact substantiel sur le déclin de la langue française dans la grande région de Montréal », résume M. St-Pierre Plamondon.

Réaction positive à Ottawa

À Ottawa, la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, a promis d’étudier le projet de loi 96 « avec attention ».

« La protection et la promotion du français est une priorité pour notre gouvernement », a-t-elle déclaré.

« La situation du français au pays est particulière et le gouvernement a la responsabilité de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec.

« Notre gouvernement entend faire sa part, et ce tout en continuant de protéger les droits des minorités linguistiques », a-t-elle ajouté.

Tous les partis représentés aux Communes ont reconnu, jeudi, l’importance de protéger la langue française.