(Québec) Pendant que l’opposition réclame son départ, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, maintient qu’il ne s’est pas placé dans une situation de conflit d’intérêts malgré de nouvelles révélations.

Le Journal de Montréal a révélé mercredi qu’en janvier 2019, pendant une mission à Paris, le ministre de l’Économie a présenté au premier ministre Legault le cofondateur de White Star Capital, Eric Martineau-Fortin. Or, M. Fitzgibbon est lui-même investisseur dans ce fonds. Le quotidien de Québecor a publié une photo relayée sur le compte Twitter de M. Legault à l’époque, le montrant notamment en compagnie de M. Martineau-Fortin et son ministre. On ignorait à ce moment que Pierre Fitzgibbon avait des intérêts dans ce fonds, a indiqué au Journal de Montréal le cabinet du premier ministre. Toujours selon les informations par le Journal, ce fonds est géré par une entité basée dans le paradis fiscal de Guernesey.

« Il n’y a aucun enjeu de conflit d’intérêts », s’est défendu le ministre Fitzgibbon en mêlée de presse, mercredi. « Pour moi, c’est du bruit sur la ligne et je focalise sur ce que j’ai à faire », a-t-il lancé. Il n’a pas l’intention de se retirer de ses fonctions. Il estime que « si le gouvernement pense que je nuis, je vais quitter. […] Le premier ministre décidera ce qu’il veut, mais je pense que ce n’est pas approprié », dit-il.

M. Fitzgibbon a assuré que ses liens dans le fonds White Star sont connus de la commissaire à l’éthique. « Depuis que je suis en poste, mes investissements sont connus », a-t-il ajouté. Il indique que la photo a été prise en marge d’une rencontre avec la présidente de Temaris, Patricia Barbizet (qui est aussi sur la photo). « Tout l’évènement cité par la photo était [dans le cadre] de la rencontre avec Mme Barbizet », a-t-il dit.

M. Fitzgibbon a précisé avoir investi dans White Star en 2014. « C’est un fonds mutuel qui a des investissements dans lequel je n’ai aucun droit de regard. Ce fonds-là est maintenant en liquidation. Quand j’ai joint le gouvernement, c’était un fonds qui était expiré. Il y a eu trois fonds depuis. Moi, j’étais dans le premier. Ce fonds-là est en train de se liquider », a-t-il expliqué.

Il y a deux semaines, la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, a annoncé qu’elle revenait à la charge pour déterminer si la situation financière actuelle du ministre Fitzgibbon respecte le code d’éthique et de déontologie des parlementaires. Ce rapport fera suite à ceux produits par la commissaire en juin 2019, octobre 2020 et décembre 2020.

À deux reprises cet automne, le ministre Pierre Fitzgibbon a été blâmé par Mme Mignolet. En décembre, lors du deuxième blâme, François Legault s’est porté à la défense de son ministre et a indiqué vouloir changer le code de déontologie des députés. La commissaire Mignolet a accusé Pierre Fitzgibbon d’avoir enfreint le code parce qu’il détient des intérêts dans des entreprises qui transigent avec le gouvernement.

Le ministre a vendu ses parts dans 11 des 13 entreprises dans lesquelles il était investisseur au moment de son arrivée au gouvernement. Il n’a toutefois pas vendu sa participation dans deux entreprises hors Bourse, parce qu’il n’y « pas de marché pour les vendre », selon ses explications fournies en décembre.

C’est maintenant la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, qui s’occupe des liens entre l’État et les sociétés dans lesquelles le ministre Fitzgibbon détient encore des intérêts.

L’opposition réclame son départ

Le Parti libéral et Québec solidaire ont réclamé à l’unisson que le ministre Fitzgibbon soit exclu immédiatement de la table du conseil des ministres. Le Parti québécois a, pour sa part, demandé à François Legault de « prendre la décision qui s’impose » sans délai.

« Je vais le demander au premier ministre parce que de toute évidence, M. Fitzgibbon, ça lui passe six pieds par-dessus la tête — de retirer les fonctions de ministre à M. Fitzgibbon le temps qu’il se conforme aux directives très claires de la Commissaire à la déontologie et du Code de déontologie des membres de l’Assemblée nationale », a lancé le député solidaire, Vincent Marissal.

« Ce qui est relaté ce matin n’est pas acceptable et la situation est telle qu’à un moment donné, une décision doit être prise. Si le premier ministre n’est pas capable de la prendre, le ministre de l’Économie devrait la prendre et si personne ne la prend, bien à un moment donné, il y a un enjeu de confiance envers l’institution qu’est le gouvernement du Québec », a critiqué le député libéral Gaétan Barrette.

« Il doit quitter ses fonctions de ministre le temps de mettre ses affaires en ordre, le temps de recevoir une carte blanche. Parce que là, ça fait combien de cartons rouges qu’il reçoit ? Encore une autre enquête en cours. Visiblement, il n’a pas compris qu’il est passé de l’autre côté, c’est-à-dire du côté de la politique et qu’il y a des règles en politique », a ajouté le porte-parole en matière d’économie.

Pour le ministre Fitzgibbon, « il y a toujours zéro conflit d’intérêts. Il ne faut pas être dupe, là, le ministre de l’Économie s’en va à Paris avec le premier ministre, et un des cofondateurs du fonds de White Star déroule le tapis rouge afin de permettre à notre premier ministre d’avoir des relations d’affaires et de tisser des liens économiques à Paris », a illustré le député du Parti québécois, Martin Ouellet. Il n’a pas voulu réclamer officiellement la démission de M. Fitzgibbon, expliquant que la décision revenait au premier ministre.

Selon M. Ouellet, il s’agit d’un « test de leadership » pour M. Legault lui qui a fait de l’éthique une priorité absolue en campagne électorale.