(Ottawa) Plus de 70 parlementaires de tous les partis à Ottawa demandent une enquête criminelle en profondeur sur la société mère de Pornhub, sur la base des témoignages de victimes présumées du géant de la pornographie en ligne.

La demande, énoncée lundi dans une lettre à la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Brenda Lucki, fait suite à une demande similaire de plus de 100 présumées victimes de contenu d’exploitation affiché sur des sites Web appartenant à MindGeek, de Montréal.

La lettre des parlementaires cite des témoignages récents de victimes et d’organisations de protection de l’enfance, qui soutiennent que le géant de la pornographie en ligne héberge régulièrement du matériel présentant de la pornographie juvénile et des agressions sexuelles, en plus de vidéos tournées ou publiées sans le consentement des sujets.

Les signataires se disent aussi préoccupés par les témoignages selon lesquels MindGeek continuerait de mettre à disposition du matériel présentant des agressions sexuelles sur des enfants et des actes non consensuels. Ils citent le témoignage d’une victime devant le Comité d’éthique des Communes, le 19 février dernier, qui soutenait que « grâce à Pornhub », elle avait « passé jusqu’à maintenant exactement 1292 jours entièrement nue dans ces sites pornographiques ».

MindGeek a nié toutes les allégations d’actes répréhensibles, affirmant qu’il était un leader mondial dans la prévention de la distribution de contenu montrant des scènes d’exploitations sexuelles.

« MindGeek a une tolérance zéro pour le contenu non consensuel, le matériel d’agressions sexuelles d’enfants et tout autre contenu qui n’a pas le consentement de toutes les parties représentées », assurait la société plus tôt ce mois-ci dans un courriel. « Les récits déchirants des survivantes de matériel d’agressions sexuelles d’enfants et des images non consensuelles nous ébranlent profondément. »

En décembre dernier, plusieurs grandes sociétés de cartes de crédit ont suspendu leurs services de paiement vers Pornhub, ce qui a incité la plus grande plate-forme de pornographie au monde à « nettoyer » quelque 10 millions de vidéos publiées par des utilisateurs « non vérifiés ».

Aucune enquête de la GRC

Par ailleurs, au moins cinq poursuites ont été intentées contre Mindgeek aux États-Unis et au Canada au cours de l’année écoulée au nom de survivants d’agressions d’enfants, de trafic sexuel et de téléchargements non consensuels d’images intimes.

Les 53 députés fédéraux et 20 sénateurs qui ont signé la lettre accusent MindGeek de ne pas avoir signalé les cas de pornographie juvénile au Centre canadien de protection de l’enfance et au Centre national américain pour les enfants disparus et exploités, entre 2011 et 2020. La société a confirmé dans un courriel qu’elle n’avait « officiellement commencé » qu’au début de l’année dernière à signaler des cas au centre américain.

Les signataires se disent par ailleurs « choqués » d’apprendre de la bouche du sous-commissaire de la GRC, Stephen White, devant le Comité d’éthique le mois dernier, que la police fédérale n’avait « aucune enquête en cours » sur Mindgeek.

Le député conservateur Arnold Viersen, qui copréside le Groupe parlementaire multipartite pour combattre l’esclavage moderne et la traite des personnes, affirme que les obstacles que les survivantes doivent franchir pour faire supprimer les contenus illégaux sont « flagrants » et que les lois existantes au Canada doivent être appliquées plus rigoureusement.

« Les lois sont bonnes : elles ne sont tout simplement pas appliquées », a-t-il déclaré lundi en entrevue, ajoutant quand même qu’il était prêt à étendre les dispositions de la loi contre l’exploitation sexuelle.

En décembre, le Comité d’éthique des Communes avait amorcé une étude sur la manière de protéger la vie privée et la réputation des personnes qui apparaissent sur des sites pornographiques, après un article d’opinion explosif du New York Times, qui alléguait que Pornhub partageait en ligne de la pornographie juvénile.