(Washington) La Maison-Blanche ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre au premier ministre Justin Trudeau pour échapper aux mesures protectionnistes « Buy American » de Joe Biden.

Les deux dirigeants doivent se rencontrer virtuellement plus tard mardi pour ce qui sera la première réunion bilatérale de Joe Biden en tant que président.

M. Biden dans le bureau Ovale et M. Trudeau dans le bureau du premier ministre commenceront par s’adresser aux médias.

M. Biden, le secrétaire d’État Anthony Blinken et le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan s’entretiendront ensuite pendant 45 minutes avec M. Trudeau, la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland, le ministre des Affaires étrangères Marc Garneau et l’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman.

Cette rencontre sera suivie d’une session prolongée à laquelle se joindront la vice-présidente Kamala Harris et plusieurs conseillers de MM. Biden et Trudeau.

On s’attend à ce que Justin Trudeau demande de l’aide à Joe Biden pour que le Canada obtienne des vaccins contre la COVID-19, étant donné que le Canada est affecté par les problèmes de production en Europe.

Le Canada, qui reçoit actuellement ses vaccins Pfizer de la Belgique, souhaiterait pouvoir plutôt les obtenir d’une usine du Michigan, mais la priorité de M. Biden est bien évidemment la vaccination des Américains.

MM. Trudeau et Biden devraient aussi discuter de la Chine, où les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor sont détenus depuis plus de deux ans.

Des experts demandent à Ottawa de faire pression pour que le Canada échappe aux mesures protectionnistes qui visent à garantir que les entrepreneurs et les fournisseurs nationaux soient les principaux bénéficiaires des dollars américains dépensés dans les projets d’infrastructure.

Mais la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a dit qu’aucun changement n’était prévu à l’horizon.

« Il a signé un décret présidentiel ; nous en évaluons bien sûr les composantes d’approvisionnement, mais aucun changement n’est prévu », a soutenu Mme Psaki.

« Bien sûr, le premier ministre évoquera tout ce qu’il souhaitera, comme c’est le cas pour toute réunion bilatérale. »

Eric Miller, expert des relations entre les deux pays au Rideau Potomac Strategy Group, établi à Washington, dit qu’il existe une synchronicité entre les deux dirigeants — et qu’il est maintenant temps d’en profiter.

« Pour moi, c’est exactement le moment pour le Canada de passer à l’attaque », a déclaré M. Miller.

L’administration Biden et le gouvernement Trudeau ont aligné leurs intérêts sur le changement climatique, une politique étrangère multilatérale et une nouvelle approche sur la Chine, a-t-il indiqué.

Et M. Biden, un fervent défenseur des syndicats, doit faire attention à ne pas se heurter à des groupes de travailleurs organisés avec de nombreux membres de part et d’autre de la frontière.

Les cols bleus au Canada « sont à peu près exactement les mêmes que leurs homologues américains. Pourquoi allez-vous leur imposer des restrictions alors que c’est comme frapper votre cousin ? », a-t-il ajouté.

Mme Psaki a évité de dire si Joe Biden s’engagerait davantage pour aider à obtenir la libération des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor.

Les deux hommes ont été emprisonnés après que le Canada eut arrêté la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, qui fait face à l’extradition vers les États-Unis, où elle a été accusée d’avoir violé les sanctions contre l’Iran.

« Nous nous attendons à ce que le président, lors de la réunion, souligne le partenariat solide et profond entre les États-Unis et le Canada en tant que voisins, amis et alliés de l’OTAN », s’est contentée de dire la porte-parole de la Maison-Blanche.

« Ils discuteront de questions d’intérêt mutuel, de la COVID-19 au changement climatique et des liens économiques qui unissent nos pays, ainsi que des liens profonds entre les peuples que nous partageons. »

Maryscott Greenwood, chef de la direction du Conseil canado-américain des affaires, croit que le bureau du premier ministre ferait peut-être bien de prétendre que Donald Trump est toujours président.

« Le Canada s’est lancé dans un programme d’activisme très, très avant-gardiste concernant l’engagement aux États-Unis, à l’intérieur et à l’extérieur de Washington » quand Trump était au pouvoir, a-t-elle fait remarquer.

« Il va être important d’avoir ce niveau d’urgence et ce niveau d’effort, et pas seulement de supposer que tout va bien maintenant que Biden est là. »

Les deux dirigeants discuteront probablement également de l’annulation de l’expansion de l’oléoduc transfrontalier Keystone XL.

Personne ne s’attend à ce que quelque chose change sur ce front ; M. Biden l’a clairement indiqué en signant l’arrêt de mort du projet au premier jour de son administration, et Ottawa a montré peu d’appétit pour un combat.

Mais il pourrait y avoir plus de combats à l’avenir, à condition que les États-Unis soient sérieux dans la réalisation de leurs objectifs en matière de changement climatique, a déclaré Bill Reilly, qui a dirigé l’Agence de protection de l’environnement de 1989 à 1993 sous l’ancien président George Bush.

Le Canada est « très susceptible de soulever des questions qui vont à l’encontre de certaines des aspirations environnementales qui animent l’administration Biden », a souligné M. Reilly lors d’une table ronde organisée lundi par l’American Council for Capital Formation.

« Je ne pense pas que certains de ces problèmes se prêtent à une résolution facile. »