(Québec) Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, se dit « beaucoup touché » que sa réforme du régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) ait été qualifiée de « sans cœur », une étiquette qu’il rejette.

Au premier jour de l’étude détaillée du projet de loi 84, Loi visant à aider les personnes victimes d’infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement, M. Jolin-Barrette a livré un plaidoyer en faveur de sa réforme, pointant du doigt ses prédécesseurs libéraux et péquistes qui n’ont jamais « mis autant d’argent que [ce] que nous proposons ».

« Est-ce qu’il y a des ajustements à faire dans le projet de loi ? Je crois que oui. On va en discuter ensemble pour le faire. Mais il ne faudrait pas oublier qu’à ce jour, il y a des centaines de victimes d’agressions sexuelles ou d’exploitation sexuelle futures qui ne sont pas couvertes [par le régime]. Avec la réforme, elles seront couvertes », a poursuivi le ministre au Salon rouge du Parlement.

Vendredi dernier, l’ensemble des partis d’opposition et des groupes d’aide et de défense des victimes d’actes criminels, d’agressions sexuelles et de violence conjugale ont « supplié » le ministre de la Justice qu’il reporte létude détaillée du projet de loi, qui débute malgré tout mardi. Ces groupes ont déploré avoir manqué de temps pour analyser le projet de loi de 190 articles, déposé à quelques jours du congé des Fêtes en décembre.

« En commission parlementaire, j’ai écouté les différents groupes. […] Je peux vous assurer que je débute l’étude détaillée dans un esprit collaboratif et que je serai ouvert et perméable [aux propositions] des oppositions », a dit le ministre de la Justice mardi.

Questionné par l'opposition libérale lors de la période de questions, le premier ministre François Legault a affirmé à son tour que « ça prend du culot » de reprocher au gouvernement des aspects de sa réforme, « parce que nous, on a eu le courage de faire ce que les libéraux n'ont pas fait pendant 15 ans » au pouvoir.

Le ministre liste les avancées

Dans ses remarques préliminaires, mardi, Simon Jolin-Barrette a fait la liste des « avancées significatives » que constitue selon lui la réforme de l’IVAC, historiquement réclamée. Il a notamment rappelé que le projet de loi 84 abolit le délai de prescription en matière d’agression sexuelle, de violence conjugale et de violences subies pendant l’enfance.

« [Cela] fait en sorte que les victimes d’agression sexuelle, [peu importe la date quand] elles [ont] été agressées, puissent être indemnisées, accompagnées et soutenues », a-t-il dit. Près de 80 % des demandes d’indemnisation à l’IVAC sont en lien avec des agressions à caractère sexuel, a précisé le ministre.

La réforme proposée du régime de l’IVAC prévoit aussi que les victimes de crimes commis hors Québec soient désormais indemnisées. Le projet de loi 84 abolit également la liste des infractions admissibles, jugée désuète, pour admettre à l’IVAC tous ceux qui sont victimes de crimes contre la personne.

La réforme du régime de l’IVAC représente un effort financier « de près de 200 millions supplémentaires » du gouvernement du Québec, a précisé Simon Jolin-Barrette.

Les oppositions sur la ligne de front

Dans leurs remarques d’ouverture, mardi, les partis d’opposition ont à nouveau déploré la vitesse à laquelle la réforme de l’IVAC avance dans le processus législatif. Ils sont également revenus sur le cas de personnes comme Lau Ga (nom fictif), une victime d’exploitation sexuelle qui n’aurait pas accès à l’IVAC si la réforme est adoptée, alors que le crime dont elle a été victime n’était pas reconnu par le régime avant la modernisation proposée.

« Je ne peux pas refaire le passé. Par contre, il y a une chose qu’on peut faire en adoptant le projet de loi, c’est de faire en sorte que les crimes qui n’étaient pas couverts [le soient] désormais, dont celui de l’exploitation sexuelle », avait répondu par le passé Simon Jolin-Barrette.