(Ottawa) Le chef conservateur Erin O’Toole exhorte le premier ministre Justin Trudeau à expulser l’ambassadeur de la Chine au Canada si celui-ci ne s’excuse pas pour la « menace à peine voilée » qu’il a formulée à l’endroit des personnes qui résident à Hong Kong, et qui voudraient demander l’asile politique au Canada. Le gouvernement, pour sa part, a convoqué le chef de mission de Pékin – un geste lourd de sens en diplomatie.

« L’ambassadeur de Chine a décidé d’employer une rhétorique belligérante et indigne de ses fonctions. De toute évidence, il s’agissait d’une menace, à peine voilée, envers les 300 000 Canadiens à Hong Kong », a déclaré le chef de l’opposition officielle par voie de communiqué, vendredi.

« Les conservateurs demandent donc à l’ambassadeur de se rétracter complètement et de présenter des excuses publiques. Si l’ambassadeur ne le fait pas rapidement, nous nous attendons à ce que le gouvernement lui retire ses titres », a poursuivi M. O’Toole.

Le chef de mission de Pékin à Ottawa, Cong Peiwu, a sommé jeudi le gouvernement Trudeau de ne pas accorder l’asile aux résidants de Hong Kong qui tenteraient d’échapper à la loi de sécurité nationale controversée qui a été imposée par le régime chinois.

« Nous exhortons vivement la partie canadienne à ne pas accorder le prétendu asile politique à ces criminels violents à Hong Kong », a déclaré l’ambassadeur lors d’une vidéoconférence organisée par l’ambassade de Chine à Ottawa, plaidant que cela représenterait « une ingérence dans les affaires intérieures de la Chine » et que « certainement, cela enhardirait ces criminels violents ».

En vertu d’un accord international intervenu en 1997 lors de la rétrocession, par la Grande-Bretagne, de son ancienne colonie, Hong Kong opère selon le principe « un pays, deux systèmes ». Mais la loi sur la sécurité nationale adoptée à toute vapeur par Pékin en juin dernier fait craindre un recul des droits et libertés sur le territoire.

« Si la partie canadienne se soucie vraiment de la stabilité et de la prospérité à Hong Kong, et se soucie vraiment de la bonne santé et de la sécurité de ces 300 000 détenteurs de passeports canadiens à Hong Kong, et du grand nombre d’entreprises canadiennes opérant à Hong Kong, vous devez soutenir ces efforts pour lutter contre les crimes violents », a déclaré M. Cong.

Erin O’Toole a fait des relations sino-canadiennes l’un de ses principaux chevaux de bataille en matière de politique étrangère. Sa formation demande au gouvernement Trudeau d’imposer des sanctions économiques de type Magnitsky aux responsables de l’imposition de la loi sur la sécurité nationale, et de « mettre en place une voie claire et rapide pour les manifestants prodémocratie et les réfugiés politiques fuyant Hong Kong ».

L’ambassadeur convoqué par le gouvernement

Le gouvernement Trudeau ne semble pas prendre la chose à la légère.

« À la demande du ministre des Affaires étrangères, Francois-Philippe Champagne, Affaires mondiales Canada a convoqué l’ambassadeur afin de lui faire comprendre que le Canada défendra toujours les droits de la personne et les droits des Canadiens dans le monde entier », a déclaré l’attachée de presse du diplomate en chef du pays, Syrine Khoury, vendredi.

Le gouvernement canadien est engagé dans un bras de fer diplomatique avec le gouvernement chinois depuis l’arrestation, à la demande des États-Unis, de Meng Wanzhou, la numéro deux du géant chinois des télécoms Huawei. Quelques jours plus tard, les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor étaient arrêtés en Chine. Ils croupissent derrière les barreaux depuis.

De son côté, Justin Trudeau a pour sa part évité de répliquer directement à l’ambassadeur, vendredi. « En tant que gouvernement, nous avons toujours été très clairs sur le fait que nous défendrons les intérêts canadiens », a-t-il offert, disant ne pas souhaiter « une escalade » des tensions, et réitérant son appel à la libération des deux Michael, qui sont en détention depuis maintenant près de deux ans en Chine.

L’Empire du Milieu dément avoir arrêté les deux ressortissants canadiens en guise de représailles et réclame du gouvernement qu’il laisse aller Meng Wanzhou. La femme d’affaires vit en résidence surveillée dans un quartier cossu de Vancouver pendant que sa cause d’extradition vers les États-Unis est entendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique.

— Avec La Presse Canadienne