(Québec) Québec solidaire (QS) promet de revenir à la charge auprès du ministre du Travail, Jean Boulet, concernant le droit à la déconnexion.

Le mois dernier, M. Boulet a tourné le dos au projet de loi déposé par QS en mars 2018, qui aurait obligé les employeurs à se doter d’une politique détaillant les périodes durant lesquelles un salarié a le droit d’être coupé de toute communication relative à son emploi.

En entrevue à La Presse canadienne, le coporte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, s’est désolé de la décision du ministre. Il a souligné que de nombreux Québécois se sentent obligés de répondre à des appels, courriels et textos en dehors de leurs heures de travail, au risque d’y laisser leur santé.

Un employé qui n’est pas reposé n’est pas productif, a-t-il rappelé. « Il ne fait aucun doute que l’augmentation généralisée des problèmes de santé mentale au travail [est liée à] l’effacement progressif de la frontière entre le travail et la vie personnelle. La notion même de vacances va disparaître », a prévenu le député de Gouin.

« En matière de charge mentale, d’invasion du travail dans la vie quotidienne, c’est vraiment un gros problème, a-t-il martelé. Pour nous, ce dossier-là n’est pas clos. »

QS n’exclut pas de déposer de nouveau son projet de loi, qui est mort au feuilleton en 2018 avec le déclenchement des élections générales. Il veut également interpeller le ministre lors du débat sur la réforme de la santé et sécurité au travail. « Nous, on va prendre toutes les ouvertures qu’on va voir pour en parler. »

Or, le Québécois moyen est à la fois bourreau et victime, selon M. Nadeau-Dubois. « Souvent, les employés disent : “Je sais que je ne suis pas obligé de répondre, mais je sais que mon collègue répond, et je ne veux pas avoir l’air du moins rigoureux de l’équipe, donc moi aussi je vais répondre au courriel”. Pour encadrer ce phénomène-là, il faut des règles claires. »

Une politique de déconnexion pourrait, par exemple, donner droit aux employés de ne pas répondre à leurs messages entre 18 h et 7 h. Pareillement, elle pourrait interdire aux employeurs de communiquer avec leurs employés pendant cette période, à moins d’une urgence. Dans ce cas, on devra préciser ce qui est rémunéré et ce qui ne l’est pas, selon QS.

« C’est l’absence de règles qui crée le problème. Dès qu’on met des règles claires, on s’assure que les gens sont beaucoup plus à l’aise de répondre ou de ne pas répondre à une communication de leur employeur lorsqu’ils sont sur leur temps personnel », a renchéri M. Nadeau-Dubois.

Réunis en congrès à Montréal le week-end dernier, les jeunes péquistes se sont également prononcés en faveur du droit à la déconnexion. Ils ont adopté une résolution selon laquelle le Québec doit « prévoir un droit pour les employés à la déconnexion suivant les heures normales de travail ».

À défaut de légiférer, le ministre Boulet a récemment demandé à son ministère de recenser dans les conventions collectives les clauses où le droit à la déconnexion a été négocié entre syndicats et employeurs « pour pouvoir m’en inspirer et approfondir ma réflexion ».

Cela le mènera à « prononcer des conférences » et à « s’exprimer sur ce droit-là à la déconnexion au Québec », a-t-il dit lors d’un entretien avec La Presse canadienne. « Ça génère énormément d’intérêt avec la multiplication des outils, la complexité des environnements de travail et le foisonnement du télétravail. »

Sans vouloir forcer les entreprises du Québec à adopter une politique de déconnexion, qui limiterait l’utilisation des outils numériques, il leur demande d’amorcer une réflexion sur le sujet, qui fait de plus en plus l’objet de discussions animées, ici comme ailleurs.

En 2017, la France a innové en adoptant une loi sur le droit à la déconnexion, qui inclut la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de la vie familiale.

Selon l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec, le droit à la déconnexion a également été porté à l’attention du législateur en Belgique, en Italie, en Allemagne, en Corée du Sud et aux Philippines.