(Québec) Au Québec, le noble désir de parrainer un réfugié s’est transformé en course à obstacles au cours des derniers jours. La première étape, en principe banale, qui consiste à déposer une demande au ministère de l’Immigration a tourné au cauchemar.

Depuis vendredi, des centaines de personnes ont dû squatter les bureaux du ministère dirigé par Simon Jolin-Barrette, à Montréal, dans l’espoir que leur demande de parrainage se fraye un chemin jusqu’à lui.

Au cœur de l’hiver, pour accommoder les gens qui cherchaient à augmenter leur chance en faisant le pied de grue devant l’édifice, une salle d’attente a dû être aménagée dès vendredi sur les lieux, même si le dépôt des demandes n’était possible que ce lundi.

Prenant acte de la colère et de la frustration des aspirants parrains, le ministre Jolin-Barrette a reconnu les ratés du système, lundi, promettant du même coup de revoir les façons de faire de son ministère.

« Évidemment, des améliorations doivent être apportées pour les prochaines périodes de dépôt. Le processus de dépôt de candidatures présentées par l’entremise de messagers soulève de nombreux questionnements quant à son efficacité. Il doit être revu », a commenté le ministre par voie de communiqué. Il n’a pas donné d’entrevue.

Sous prétexte de ne pas favoriser qui que ce soit, le gouvernement a imposé aux éventuels parrains, souvent des proches des futurs réfugiés, d’avoir recours à un intermédiaire, messager ou coursier, pour déposer la demande en leur nom. Cette formule a compliqué les choses.

Les aspirants parrains ont dû allonger plusieurs centaines de dollars à ces messagers, qui jouaient du coude pour se tailler une bonne place.

Le ministère avait privilégié la formule : « premier arrivé, premier servi ».

Le nombre de dossiers acceptés étant limité à une centaine au total, ce système de messagers a donné lieu à une escalade d’accrochages. Des gens ont rapporté aux médias avoir vu des personnes tenter de monnayer une meilleure place dans la file d’attente.

Au total, cette année, 750 dossiers de réfugiés seront acceptés, dont 100 déposés par des particuliers, qui peuvent former un groupe comptant au maximum cinq personnes. Les autres réfugiés seront parrainés par des organismes.

Deux des trois partis d’opposition ont dénoncé la situation, attribuant le cafouillage dans le dossier du parrainage collectif au manque d’écoute et de rigueur du ministre Jolin-Barrette.

À la suite du cafouillage ayant mené au retrait temporaire du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), l’automne dernier, le ministre s’était engagé à écouter davantage les divers intervenants, a rappelé le porte-parole libéral en cette matière, Moncef Derraji. Or, ce n’est pas ce qui s’est produit, selon lui.

Ce dernier juge incroyable de voir en 2020 un gouvernement obliger les gens à « faire la file pour utiliser un programme gouvernemental ».

Même son de cloche du côté de Québec solidaire, qui estime que quelques mois après le PEQ le scénario se répète avec « une gestion lamentable » en matière d’immigration.

« Comme d’habitude, le ministre Jolin-Barrette n’a écouté personne d’autre que lui ! », a commenté lundi le député porte-parole du dossier, Andrés Fontecilla, contestant au passage la décision du gouvernement Legault d’abaisser les seuils d’immigration de réfugiés.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le député solidaire Andrés Fontecilla

Par son attitude envers les revendicateurs du statut de réfugié, il estime que le ministre Jolin-Barrette fait preuve d’« arrogance ».

L’analyse des dossiers étant longue, cela pourrait prendre au moins un an et demi, voire quelques années, avant de voir les réfugiés visés débarquer au Québec.

En 2020, le Québec devrait accueillir entre 4500 et 5500 réfugiés.