Il était temps que la session parlementaire finisse. Le gouvernement caquiste vient de franchir la ligne d’arrivée sur les coudes.

La deuxième vague s’intensifie et le DHoracio Arruda trébuche sur ses mots, sans oublier le cafouillage éthique du ministre Pierre Fitzgibbon, dont François Legault se serait bien passé…

Quand le directeur national de santé publique commence une phrase, il ne semble pas trop savoir jusqu’où elle le mènera. C’est arrivé encore mercredi en commission parlementaire.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le Salon rouge de l’Assemblée nationale, lors du passage du Dr Arruda en commission parlementaire mercredi

Le péquiste Pascal Bérubé lui a demandé si certains avis avaient été ignorés. Spontanément, le DArruda a mentionné les restaurants et les musées. La Santé publique avait « recommandé que ça pouvait potentiellement rester ouvert », a-t-il reconnu.

Peu après, le DRichard Massé – son prédécesseur et mentor, devenu son adjoint – a désamorcé la petite bombe. En fait, la Santé publique aurait seulement permis aux membres d’une même cellule familiale de souper ensemble.

Le gouvernement jugeait la consigne difficile à faire appliquer, alors il a préféré l’interdiction. Depuis, le DArruda n’a pas recommandé de rouvrir les restaurants.

Mais il n’en fallait pas plus pour attiser la colère des restaurateurs.

Pire, les petits établissements ont dû attendre jusqu’à vendredi pour enfin obtenir le droit de livrer de l’alcool avec leurs plats.

À la décharge du DArruda, il paraissait nerveux en commission parlementaire. Il voulait aussi montrer qu’il n’était pas inféodé au premier ministre.

Preuve de son indépendance, il n’avait prévenu personne la semaine précédente avant de faire le trajet Québec-Montréal pour participer à l’émission Dans les médias de Télé-Québec. Le gouvernement fut abasourdi. On répétait que le DArruda était trop débordé pour comparaître en commission parlementaire. Puis, soudainement, il apparaissait à la télé…

M. Legault a dû le relâcher dans l’arène du Salon rouge.

Le DArruda ne donnera toutefois pas de conférences de presse distinctes, même si plusieurs de ses homologues le font, comme la Dre Theresa Tam. Dommage. Cela aurait permis de mieux distinguer les recommandations scientifiques des décisions politiques.

Bien sûr, ce n’est pas à la Santé publique – non élue et n'ayant pas de comptes à rendre à la population – de prendre le contrôle de l’État. C’est au gouvernement de décider. Mais pourquoi ne pas le dire quand celui-ci déroge des avis des médecins ?

M. Legault peut se consoler en se comparant. En Alberta, la Santé publique a fait fuiter auprès des médias un enregistrement audio démontrant que le premier ministre Jason Kenney avait ignoré ses conseils pour protéger l’économie. Et en Ontario, la Dre Shelley Deeks a révélé que le premier ministre Doug Ford n’avait même pas prévenu la Santé publique quand il a annoncé son code de couleurs.

L’idée lui avait d’ailleurs été suggérée par M. Legault…

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À l’Assemblée nationale, les questions des libéraux sont devenues plus pointues et incisives.

L’opposition joue un rôle nécessaire et ingrat en forçant le gouvernement à expliquer ses choix. Mais en semant trop de doutes, elle fragilise le respect des consignes. Une ligne rouge a été franchie quand la cheffe Dominique Anglade a dit à la fin octobre que le manque de transparence menaçait la « paix sociale ».

Cela ressemblait à une dangereuse prophétie qui s’autoréalise.

M. Legault ne se plaindra pas de la relâche parlementaire. Ses contacts avec l’opposition se limiteront à un appel téléphonique hebdomadaire.

Mais les semaines prochaines s’annoncent éprouvantes. Le nombre de cas atteint un sommet et avec le taux de reproduction actuel du virus, la courbe continuera à monter.

Le premier ministre doit communiquer deux messages contradictoires. D’un côté, il veut montrer que tout est prêt pour la campagne de vaccination. De l’autre, il doit préparer les esprits au resserrement des consignes.

Ça ira mieux à long terme, mais moins bien à court terme. Pas facile à faire comprendre à une population à bout de nerfs qu’il faut être optimiste tout en ayant peur.

En début de semaine, M. Legault devrait annoncer un durcissement des mesures. Puisqu’elles risquent d’être ciblées, les contradictions seront inévitables. La complainte est donc prévisible : pourquoi nous et pas eux ?

Gérer le passé ne sera pas plus facile. De troublantes questions commencent à se poser sur les débuts de la crise.

Le 12 janvier, le DArruda affirmait que « si le virus quitte la Chine, on est dans le trouble ». Cela est arrivé le lendemain. Pourtant, il a fallu attendre le 27 février pour que Québec commande de l’équipement de protection individuel.

Pourquoi ? Parce que le DArruda n’a pas prévenu le gouvernement assez tôt, ou parce qu’il n’a pas été écouté ? En commission parlementaire, il avait un soudain trou de mémoire…

Selon ce que la protectrice du citoyen rapportait jeudi, on manquait d’équipement de protection au début de la pandémie. Son rapport d’étape contredit la version officielle du gouvernement. Ce n’est pas un détail : des gens en sont morts.

Une enquête publique est plus que jamais nécessaire, tonne l’opposition. Mais Québec n’a pas l’intention de céder. Il y a déjà quatre enquêtes en cours (protectrice du citoyen, commissaire à la santé, coroner et enquête policière sur des résidences privées). Il faut plutôt s’attendre à la création d’un comité de suivi sur ces rapports.

D’ici là, d’autres écueils guettent le gouvernement.

La semaine prochaine, le plan d’action sur le racisme sera dévoilé. M. Legault ne veut pas débattre du « racisme systémique », préférant parler des solutions. Il devra enfin passer de la parole aux actes.

Autres dossiers à suivre d’ici le printemps : le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, le jugement de la Cour supérieure sur l’interdiction du port de signes religieux, le renforcement de la loi 101 et le début de l’étude de la réforme du mode de scrutin.

Et surtout, le budget qui précisera la périlleuse route devant mener au retour au déficit zéro en 2025-2026, prétendument sans austérité. Le plan de Québec dépend d’une improbable hausse des transferts prévus en santé.

Justin Trudeau s’y refuse, mais une campagne électorale l’attend. Pour protéger le système de santé du Québec, ce sera un combat crucial.

Sur celui-là, M. Legault n’a pas le contrôle. Hélas, l’avenir de notre système de santé en dépend.