(Ottawa) Le ministre de la Justice David Lametti a de nouveau été contraint de défendre le processus de nomination des juges édicté par le gouvernement Trudeau après que Radio-Canada a rapporté qu’il avait nommé à la magistrature un avocat qui a contribué 2900 $ à l’association libérale de sa circonscription et à sa campagne pour obtenir l’investiture libérale en 2015.

M. Lametti a en outre été obligé d’expliquer pourquoi il a nommé cet avocat, Philippe Bélanger, une personne avec qui il a fait un stage à la Cour suprême du Canada il y a quelques années

Aux Communes, jeudi, le Parti conservateur, le Bloc québécois et le NPD ont tour à tour interpellé le ministre Lametti en affirmant que les informations rapportées par Radio-Canada confirment que le gouvernement Trudeau tient compte de critères partisans avant de faire ses choix pour des postes à la magistrature.

« C’est bien connu, les libéraux filtrent les nominations de juges en utilisant leur outil partisan fétiche, la “Libéraliste”. Ils y vérifient les affiliations politiques pour trouver des bons libéraux. On apprend aujourd’hui qu’un autre bon et généreux libéral s’est fait offrir un poste de juge. On parle d’une connaissance de longue date du ministre de la Justice, une vieille connaissance qui a donné 2900 $ en contributions politiques au même ministre », a lancé le député bloquiste Rhéal Fortin.

Le ministre Lametti a répliqué avoir agi d’une manière irréprochable dans ce dossier, allant jusqu’à consulter le commissaire à l’éthique et aux conflits d’intérêts Mario Dion avant de procéder à cette nomination..

« Notre gouvernement a mis en place un processus ouvert, transparent et responsable afin d’identifier et de sélectionner des juristes hautement qualifiés. Concernant cet individu, le Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique a considéré la situation et déterminé qu’il ne présentait pas de conflit d’intérêts et qu’une récusation n’était pas nécessaire. J’ai agi d’une façon proactive. Nous sommes fiers d’avoir nommé plus de 400 juristes, des hommes et des femmes, à la magistrature. Ce sont des juristes de haute qualité », a-t-il plaidé aux Communes.

Selon les informations de Radio-Canada, cette nomination a toutefois fait l’objet de longues discussions entre son bureau et celui du premier ministre Justin Trudeau en raison des liens financiers et personnels entre M. Lametti et M. Bélanger.

Personne ne remettait en cause la compétence de Philippe Bélanger pour occuper un poste de juge d’autant que ce dernier, un associé chez McCarthy Tétrault à Montréal, jouit d’une réputation enviable dans le milieu juridique. On redoutait que sa nomination alimente les critiques des partis de l’opposition qui accusent le gouvernement se livrer à du favoritisme et du copinage. La nomination de Philippe Bélanger a été approuvée par le cabinet lundi.

Selon Radio-Canada, M. Bélanger habite dans la circonscription de Mont-Royal, selon son code postal fourni à Élections Canada, mais il a fait trois dons dans la circonscription de LaSalle-Émard-Verdun.

Il a aussi fait d’autres dons totalisant plus de 10 000 $ au Parti libéral entre 2006 et 2019, selon les données publiées par Élections Canada.

Les trois partis de l’opposition s’apprêtent à unir leurs forces pour demander au comité de la justice de la Chambre des communes d’examiner la méthode de nomination des juges et l’utilisation par le gouvernement Trudeau des informations sur les activités politiques dans l’évaluation des candidats en lice pour obtenir un poste à la magistrature.

Le Bloc québécois entend déposer une motion visant à faire la lumière sur les récentes révélations au sujet des critères qu’utilise le gouvernement Trudeau afin de pourvoir les postes à la magistrature.

Des documents obtenus récemment par La Presse ont démontré que des ministres et des députés libéraux, de proches collaborateurs du premier ministre Justin Trudeau, des membres influents du Parti libéral du Canada, ou de simples adjoints de comtés, entre autres, sont couramment mis à contribution pour influencer la nomination de juges au pays.

Pour sa part, Radio-Canada a rapporté le mois dernier que le bureau du premier ministre exerce un contrôle très serré sur les nominations à la magistrature depuis l’arrivée des libéraux au pouvoir en 2015. En outre, on tiendrait compte de l’avis « de nombreux membres de l’establishment libéral » avant que ces nominations ne soient soumises au cabinet par le ministre de la Justice.