(Washington) Les Américains qui se préparent à deux autres mois de turbulence attisée par Donald Trump espéreraient peut-être que leur pays ait des dispositions pour encadrer les dirigeants qui perdent des élections.

Le Canada a peut-être la solution.

Le « principe de modération », aussi appelé la « convention de transition », applique la norme constitutionnelle du gouvernement responsable au pays et régit le comportement des élus sortants depuis près de 150 ans.

Il entre en vigueur une fois que les élections sont déclenchées, ce qui dissout le Parlement et supprime le mécanisme selon lequel les députés fédéraux au Canada sont tenus de rendre des comptes au Parlement, jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement.

Pendant cette période, il oblige le gouvernement au pouvoir à faire preuve de retenue quant aux nouvelles politiques, aux mesures de dépenses et aux nominations, « car il ne peut présumer qu’il obtiendra la confiance de la Chambre des communes au cours de la prochaine législature ».

La convention n’est pas une loi, mais elle a été un principe directeur important pour les gouvernements sortants pendant si longtemps qu’elle passerait probablement le test des tribunaux, a avancé Errol Mendes, professeur à l’Université d’Ottawa spécialisé en droit constitutionnel.

C’est la reconnaissance « qu’un gouvernement qui a été vaincu ne devrait en aucun cas être en mesure d’affecter les tentatives en cours du nouveau gouvernement de mettre en œuvre ses nouvelles politiques », a-t-il expliqué.

« Ce serait scandaleux dans n’importe quelle période électorale au Canada, et après les élections, de voir le genre de choses qui se passent aux États-Unis. »

Une « tempête parfaite »

Plusieurs personnes sont en colère aux États-Unis dans la foulée de l’annonce du congédiement du secrétaire de la Défense et du refus de l’administration Trump de reconnaître l’élection de Joe Biden.

« Vous déstabilisez la chaîne de commandement tout en remettant en question la partie la plus fondamentale de notre démocratie », a souligné Brett Bruen, consultant et ancien diplomate américain qui a travaillé comme conseiller pour l’administration de Barack Obama.

« C’est une tempête parfaite quant à ce qui pourrait mal tourner. »

Lundi, M. Trump a limogé le secrétaire de la Défense Mark Esper sur Twitter — une décision si longtemps attendue que M. Esper avait apparemment déjà rédigé une lettre de démission.

Mais le jour suivant, la purge s’est poursuivie : trois autres conseillers civils, dont le chef de cabinet de M. Esper et les hauts responsables du Pentagone chargés de la politique, du renseignement et de la sécurité, étaient congédiés pour être remplacés par des individus restés loyaux envers le président Trump.

L’un des remplaçants, le brigadier général de l’armée à la retraite et collaborateur de Fox News Anthony Tata, a autrefois qualifié Barack Obama de « chef terroriste » et est connu pour avoir fait la promotion de théories du complot. Il était le choix initial de Donald Trump pour le poste, mais le Sénat a refusé de le confirmer.

Christopher Miller, ancien chef du Centre national de lutte contre le terrorisme, a remplacé M. Esper. Son chef de cabinet est Kash Patel, un partisan de Donald Trump mieux connu pour être l’auteur d’une note controversée en 2018 qui accusait les responsables du FBI et du département de la Justice de travailler pour saboter le président.

Certaines informations suggèrent que ces mesures pourraient venir de la volonté du président d’accélérer le retrait des troupes américaines du Moyen-Orient, en particulier de l’Afghanistan — une promesse de longue date à laquelle M. Esper et d’autres se sont fermement opposés.

Des réformes à l’avenir ?

Selon M. Bruen, une fois que la poussière sera retombée, des appels pourraient être lancés pour que les futurs présidents ne puissent pas accomplir autant en chemin vers leur sortie de la Maison-Blanche.

« Nous verrons certainement une réforme des lois et des lignes directrices sur le fonctionnement des nominations et des opérations du gouvernement », a-t-il prédit.

« Cela va être similaire à l’ère post-Watergate, où il devait y avoir un examen approfondi de ce qui étaient des normes et des traditions, et ce qui devait être codifié dans la loi. »

Le sénateur canadien Murray Sinclair a suggéré mercredi que Donald Trump pourrait élaborer des plans pour conserver le pouvoir et que le Canada devrait se préparer à la possibilité d’une escalade des perturbations au sud de la frontière.

« Si une action militaire ou une guerre civile est déclenchée par la personne qui occupe le poste de président, les implications pour le Canada doivent être prises en compte », a déclaré le sénateur Sinclair, un ancien juge du Manitoba, sur Facebook.

En tant que commandant en chef, Donald Trump a de grands pouvoirs sur l’armée, a noté M. Mendes.

« Il a la capacité constitutionnelle d’ordonner n’importe quel type d’action militaire, tant qu’elle est légale — en d’autres termes, tant qu’il ne demande pas que (les militaires) commettent des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité », a-t-il indiqué.

Toute action militaire tardive, telle qu’une attaque contre l’Iran, pourrait alors laisser le président élu Joe Biden avec une grave crise entre les mains.

« Je pense que c’est tout à fait possible, et je pense que les États-Unis devraient se demander si cela équivaut ou non à une forme de tentative de coup d’État. »