(Toronto) Des masques, des gants de latex et beaucoup de gel désinfectant : c’est l’une des choses qu’on retiendra de la double élection partielle qui avait lieu lundi soir à Toronto.

Pour les résultats du vote, pas de surprise. Les libéraux l’ont de nouveau emporté dans les circonscriptions de Toronto-Centre et de York-Centre, malgré une opposition (beaucoup) plus coriace que prévu.

C’était la première fois, en revanche, qu’un scrutin fédéral avait lieu sous le signe de la COVID-19. Un avant-goût de ce qui nous attend si des élections anticipées venaient à être déclarées en pleine pandémie.

De ce côté, Élections Canada n’avait rien laissé au hasard.

C’est du moins ce qu’on a constaté à l’église St. Peter and St. Simon-the-Apostle, gros bureau de vote de la rue Bloor au centre-ville, où les mesures sanitaires étaient appliquées à la lettre.

Des flèches au sol indiquaient le chemin à suivre pour aller voter.

Un nombre maximum de personnes étaient autorisées à l’intérieur.

Des crayons de bois jetables étaient remis aux électeurs, qui devaient au préalable s’inscrire à une liste de « traçage de contacts », au cas où.

Les isoloirs, les tables et les poignées de porte étaient régulièrement désinfectés.

Les employés d’Élections Canada portaient non seulement le masque, mais aussi la visière pour la majorité d’entre eux, avec gants de latex facultatifs.

Et il fallait se désinfecter les mains pendant le processus.

Patients, les Torontois ont joué le jeu. L’ambiance était calme, même si certains devaient attendre leur tour à l’extérieur.

« Je craignais plus de frustration, mais dans l’ensemble, c’est positif, nous a confié Sileen Phillips, superviseure du scrutin. Pourquoi s’énerver ? Après tout, il n’y a pas tellement de différence quand on va à l’épicerie… »

Un test pour les libéraux

À l’extérieur du bureau de vote, rien à redire. Les électeurs semblaient satisfaits de ces nouvelles contraintes. « Ils sont super bien organisés ! Ils ont même stérilisé mon crayon et ma fiche d’électeur, c’est intense ! » nous a dit Elizabeth.

« Aucune crainte, a ajouté Stan, 90 ans, résidant de Toronto-Centre depuis les années 1930. Et en plus, on a le droit de garder le crayon ! »

Visiblement, la question politique les préoccupait davantage. Même si elles étaient considérées comme une formalité, ces élections partielles faisaient figure de test pour les libéraux.

Certains ont ainsi exprimé leur désir d’envoyer un « signal clair » au parti de Justin Trudeau, durement éprouvé par la crise sanitaire et l’affaire WE Charity.

« Ils vont devoir travailler plus fort. Ils n’ont rien fait de bon pour Toronto-Centre ces dernières années », a lancé Morris en sortant de l’église St. Peter.

Il y a de gros problèmes d’itinérance, de drogue, de pauvreté absolue. Il y a quelque chose dans leur système qui ne fonctionne pas.

Morris

Il y avait nettement plus d’enthousiasme à l’endroit d’Annamie Paul, la nouvelle cheffe du Parti vert. Pour plusieurs électeurs, cette avocate torontoise, première femme noire élue à la tête d’un parti fédéral, incarne non seulement le changement, mais une sérieuse solution de rechange aux néo-démocrates à la gauche du spectre politique.

PHOTO CHRIS YOUNG, THE CANADIAN PRESS

Annamie Paul, chef du Parti vert, en discussion avec un électeur

C’est le cas de Kiona et d'Ayan, qui venaient de voter vert pour la première fois.

« Je suis techniquement pour le NPD, mais il y en a marre de voir toujours les mêmes trois partis, a lancé Kiona. Les prochains défis seront sociaux et environnementaux, et en tant que leader écologiste, Mme Paul est mieux positionnée que tous les autres sur ces questions. »

« Elle est la leader de sa formation et c’est la première femme noire élue à la tête d’un parti fédéral. Ce serait important qu’elle ait son siège au Parlement, tout simplement », a résumé Ayan, en espérant que la « crise de la COVID joue en faveur » d’Annamie Paul.

La libérale Marci Ien, une animatrice de télévision bien connue, l’a finalement emporté. Mais Annamie Paul a créé la surprise en terminant deuxième. Une performance de loin supérieure au score de 2019, alors qu’elle n’avait remporté que 7 % des voix en tant que simple candidate pour les verts.

De nouvelles mesures

Mme Paul avait réclamé, il y a deux semaines, que l’élection partielle soit repoussée en raison de la deuxième vague de COVID-19. Mais Élections Canada a jugé que la situation sanitaire ne commandait pas de report du scrutin.

« Il faut vraiment que l’élection soit impraticable. Ce n’était pas le cas », nous a expliqué la porte-parole d’Élections Canada.

De nouvelles règles pourraient toutefois s’appliquer lors du prochain scrutin fédéral, si celui-ci a lieu en période de pandémie. Le Parlement doit en effet valider les dernières propositions du Directeur général des élections.

Le jour du scrutin, qui se tient traditionnellement le lundi, serait notamment étalé sur deux journées et déplacé les samedi et dimanche, ce qui permettrait d’avoir accès à un plus grand éventail de lieux.

Les directeurs de scrutin auraient par ailleurs plus de flexibilité dans des lieux plus sensibles, comme les hôpitaux et les centres de soins de longue durée. Les travailleurs de la santé pourraient être mis en charge du scrutin.

L’échéance du vote par la poste serait enfin fixée à 18 h le jour de l’élection.

Ces changements, qui doivent être temporaires, ont été soumis le 5 octobre, mais n’ont pu être votés avant la tenue des élections partielles.