(Québec) Le projet de loi 66 visant à placer sur la voie rapide 181 projets d’infrastructure n’est rien de moins qu’un cheval de Troie, accuse Québec solidaire (QS).

Le parti de gauche soupçonne le gouvernement Legault de continuer de cacher ses vraies intentions dans cette nouvelle mouture du projet de loi 61.

« Plus on étudie ce projet de loi-là, plus il me semble prendre la forme d’un cheval de Troie, a déclaré le député Vincent Marissal au deuxième jour des consultations publiques. Une bonne vieille ruse mythique pour entrer en grande pompe avec d’autres intentions. »

Il faisait écho aux groupes environnementaux qui soutiennent que contrairement à ce que prétend la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, le projet de loi entraînera l’affaiblissement permanent de la protection environnementale au Québec.

Les mesures contenues dans le projet de loi sont temporaires et s’appliquent uniquement aux 181 projets, a rappelé Mme LeBel, qui a assuré en commission ne pas « chevaucher » de cheval de Troie.

Or, le fait qu’il n’y ait pas de définition dans le projet de loi de ce qu’est un « projet d’infrastructure » laisse croire que d’autres projets pourraient être accélérés, estime Me Anne-Sophie Doré, du Centre québécois du droit de l’environnement.

Elle dénonce un « flou juridique » et s’offusque également du fait que les projets à risque environnemental « modéré » soient traités comme ceux à risque « faible » ou « négligeable ».

En outre, les trois principes en environnement – éviter, minimiser, compenser –, qui sont d’habitude placés dans cet ordre hiérarchique, seraient tous mis au même niveau si le projet de loi 66 était adopté tel quel, souligne-t-on.

Pour relancer l’économie, et vite, le gouvernement propose également de faire des consultations environnementales « ciblées », moins larges que les consultations publiques, et de permettre le début d’un chantier avant la fin des analyses d’impact.

À chacun son expression : le député libéral Gaétan Barrette a dit, lui, craindre que le projet de loi 66 soit en fait un « laboratoire ». « Je pense qu’on fait une expérience pour, plus tard, étendre ça de manière permanente », a-t-il affirmé lors des débats.

Il a relevé le fait que le projet de loi viendrait contredire l’actuel Règlement encadrant les activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE), qui n’a pas encore été « testé », selon lui.

« Le gouvernement n’a toujours pas fait la démonstration qu’une loi spéciale est requise pour modifier la réglementation environnementale pendant une période de cinq ans, a renchéri Marc-André Viau, d’Équiterre. Il est possible pour le gouvernement d’atteindre ses objectifs dans le cadre réglementaire existant. »

Équiterre et la Fondation David Suzuki recommandent, au minimum, de limiter à un an l’application des articles du projet de loi 66 ; la ministre LeBel a déclaré être ouverte à cette proposition.

La vg donne raison aux environnementalistes

Plus tard, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, a fait complètement siennes les craintes des groupes environnementaux, et mis en garde le gouvernement contre la « diminution des exigences environnementales ».

« Le projet de loi vise d’abord la relance économique. Il ne faut pas perdre de vue que les moyens prévus pour atteindre cet objectif pourront avoir des conséquences à long terme », a-t-elle déclaré.

« La diminution des exigences environnementales soulève des questions quant à l’impact qu’aura cette relance économique sur les générations futures, notamment sur leur santé et leur qualité de vie. »

Plus spécifiquement, Mme Leclerc s’inquiète de voir que la séquence privilégiée dans la Loi sur la qualité de l’environnement, soit « éviter, réduire, compenser », ne sera pas « entièrement respectée ».

« Cela est d’autant plus préoccupant que les projets pourront être exclus de l’application de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, qui a été conçue de façon à permettre aux municipalités de protéger des milieux humides et hydriques. »

Actuellement, lorsqu’un projet touche un milieu humide, il faut faire la démonstration qu’il n’y a aucun autre endroit dans la MRC où l’on aurait pu faire ce projet. Le projet de loi 66 change « MRC » pour « municipalité » et rend la démonstration plus facile à faire.

« C’est majeur », a réagi le porte-parole péquiste en environnement, Sylvain Gaudreault.

Par ailleurs, la vérificatrice générale prévient qu’il sera difficile pour les autorités d’avoir l’assurance que les terrains contaminés seront « réhabilités » comme prescrit.

De son côté, le Commissaire au développement durable, Paul Lanoie, a demandé pourquoi le gouvernement ne donnait pas la chance au REAFIE d’être mis en œuvre avant de toucher aux exigences environnementales.

Opérer deux systèmes en parallèle entraînera de la confusion, a-t-il soutenu devant les élus.