(Québec) Pourquoi légiférer pour accélérer la construction au Québec quand elle roule déjà à plein régime, s’est interrogé mardi le député libéral Gaétan Barrette, à l’ouverture des consultations publiques sur le projet de loi 66.

Cette pièce législative, déposée le 23 septembre par la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, vise à accélérer 181 projets d’infrastructure, tels que des maisons des aînés, des écoles et des routes.

« La démonstration n’est pas faite que la construction est ralentie », a déclaré M. Barrette, mettant en doute l’affirmation de Mme LeBel selon laquelle le projet de loi 66 est essentiel pour « remettre les Québécois et les chantiers au travail le plus vite possible ».

Selon lui, rien n’indique que les choses tournent au ralenti, au contraire. Il a raconté avoir voulu la semaine dernière embaucher un électricien, en vain, car tous les électriciens à qui il avait parlé étaient « submergés de contrats ».

« Ça, ça s’appelle de la construction qui marche à plein régime, M. le Président », a affirmé le député de La Pinière et porte-parole libéral en matière d’infrastructures.

Plus vite, dit la Fédération des chambres de commerce

Le projet de loi 66 remplace le défunt projet de loi 61. S’il est adopté, il refusera notamment aux propriétaires le droit de contester leur expropriation, et permettra par exemple le début d’un chantier avant la fin des analyses d’impact environnemental.

L’environnement sera d’ailleurs la « question centrale » des quatre jours de consultations publiques, a prédit mardi le libéral Pierre Arcand, au moment où une coalition dit s’inquiéter d’un « affaiblissement permanent » des exigences en matière de protection de l’environnement, de consultation et d’aménagement du territoire.

Mardi, la Fédération des chambres de commerce du Québec s’est réjouie de l’accélération de plusieurs projets d’infrastructure. Elle estime que la qualité du processus d’évaluation environnementale sera préservée, puisque le ministre de l’Environnement conserve tous ses pouvoirs et qu’au final, tous les mêmes documents seront exigés.

« Si on se compare aux États autour de nous, […] les délais (ailleurs) sont courts », a signalé le directeur Philippe Noël, qui demande à ce que l’on puisse éventuellement étendre les mesures du projet de loi 66 aux projets privés et municipaux.

Pour sa part, la ministre LeBel a reconnu mardi que l’industrie de la construction n’était pas « nécessairement en péril », mais qu’elle devait recevoir l’attention du gouvernement, puisqu’elle génère « beaucoup de retombées économiques ».

« Un dollar investi dans la construction a beaucoup de retombées périphériques. C’est un peu ce qui motive le choix dans le projet de loi 66 », a-t-elle affirmé.

L’AMP rassurée

Selon Mme LeBel, le gouvernement a trouvé un « juste équilibre entre accélération et contrôle rigoureux » ; le projet de loi 66 étend aussi les pouvoirs de surveillance de l’Autorité des marchés publics (AMP).

Lors de sa présentation devant les élus mardi, l’AMP a accueilli favorablement la nouvelle mouture du projet de loi 61 et demandé à ce que les nouveaux pouvoirs (résilier un contrat, contraindre une entreprise à transmettre de l’information) deviennent permanents.

Pour l’heure, les mesures contenues dans le projet de loi 66 sont temporaires, d’une durée de cinq ans, et s’appliquent uniquement aux 181 projets choisis par le gouvernement.

« Par souci de cohérence, […] il ne devrait pas y avoir deux types d’examens effectués en matière de contrats publics », a déclaré le président-directeur général de l’AMP, Yves Trudel.

Cela éviterait aussi de conférer un « rôle politique » à l’AMP, « c’est-à-dire quand on en a besoin, on va les chercher de façon temporaire, on leur donne des pouvoirs, ou on ne leur en donne pas », a souligné le député indépendant Guy Ouellette.

« Ce n’est pas vrai que juste pour les projets électoraux, on va faire jouer un rôle politique à l’AMP », s’est-il indigné.

Les consultations publiques se poursuivront mercredi, avec le Centre québécois du droit de l’environnement, Équiterre, la Fondation David Suzuki, le Vérificateur général du Québec et le Bureau de l’inspecteur général de la Ville de Montréal.