(Québec) Le gouvernement Legault néglige toujours l’environnement dans sa nouvelle mouture du projet de loi visant à accélérer certains projets d’infrastructure, estime l’opposition.

Les consultations publiques sur le projet de loi 66 débuteront mardi. Des 20 groupes qui sont invités à présenter un mémoire devant les élus, cinq sont des groupes environnementaux.

Présenté le 23 septembre par la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, le projet de loi 66 remplace le défunt projet de loi 61. Il vise à accélérer 181 projets d’infrastructure, en réduisant notamment les délais des évaluations environnementales.

En vertu de cette pièce législative, des analyses d’impact pourraient se faire en cours de projet, alors que normalement, toutes les autorisations doivent être émises avant le début d’un chantier.

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Sonia LeBel

Un non-sens, selon l’opposition officielle. « Quand la pelle mécanique sera passée sur la grenouille, il n’y aura plus d’évaluation environnementale à faire », illustre en entrevue le porte-parole libéral en matière d’infrastructures, Gaétan Barrette.

Il impute les délais au manque de personnel. « Le problème numéro un, c’est qu’on n’a pas assez de personnel à l’étage gouvernemental pour les faire, les analyses », insiste-t-il.

« Si, pour des raisons politiques, on est capable d’embaucher 50 personnes à l’Office de la langue française, pourquoi on n’est pas capable d’embaucher 50, 100 personnes au ministère de l’Environnement pour accélérer les travaux d’analyse ? »

Oui, il faut plus de ressources, acquiesce le directeur des relations gouvernementales chez Équiterre, Marc-André Viau, pour qui cette solution n’est toutefois pas la « panacée ».

« Encore une fois, ce projet de loi-là, tout comme le projet de loi 61, place l’environnement comme étant un obstacle à la relance, alors que l’environnement devrait être le moteur de la relance », déplore M. Viau en entrevue.

Le gouvernement Legault, qui s’apprête à « systématiser » pendant cinq ans les consultations ciblées, moins larges que les consultations publiques, viendrait créer un précédent qui « va devenir une norme », s’inquiète M. Viau.

Tout indique que le gouvernement va affaiblir le processus d’évaluation environnementale, avec les conséquences que cela aura sur la faune et la flore, prévient à son tour le député Vincent Marissal, de Québec solidaire.

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Vincent Marissal

« On met vraiment la pépine devant l’environnement, martèle-t-il au bout du fil. Une fois qu’on aura fait la démonstration que ça va plus vite, […] pourquoi s’embarrasser à ce moment-là de mesures fâcheuses comme la protection de l’environnement ? »

Mme LeBel aurait pu profiter de l’occasion pour accélérer davantage de projets « verts », estime pour sa part le péquiste Sylvain Gaudreault, qui propose de lancer un grand chantier d’assainissement des eaux.

« Il y a des urgences dans les grandes villes […] pour la gestion de eaux usées, fait-il remarquer. Ça permettrait de faire travailler du monde, et en même temps, on viendrait protéger […] la principale ressource reliée à la vie et à la santé, qui est l’eau potable. »

Le projet de loi 66 n’est pas tant un projet de relance économique qu’une « carte routière vers les prochaines élections » pour la Coalition avenir Québec, selon M. Marissal, dont l’analyse est partagée par les autres partis d’opposition.

Des éléments controversés abandonnés

Lorsqu’elle a déposé le projet de loi 66, Mme LeBel a abandonné plusieurs éléments controversés du projet de loi 61, mais a maintenu l’objectif du gouvernement d’accélérer la construction de maisons des aînés et de routes, par exemple.

Devant le tollé général, le gouvernement a renoncé à l’idée de contourner la Loi sur les contrats publics et de prolonger l’état d’urgence sanitaire indéfiniment.

Il veut dorénavant étendre les pouvoirs de surveillance de l’Autorité des marchés publics, et s’engage à une reddition de comptes semestrielle sur l’avancement des projets.

Mais il refuse toujours aux propriétaires le droit de contester leur expropriation. Ceux-ci conservent toutefois le pouvoir de contester l’indemnité proposée.