(Ottawa) Le ministre des Services autochtones, Marc Miller, a vertement critiqué le travail de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) lundi dans la foulée d’une flambée de violence dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, qui a comme toile de fond les droits ancestraux des pêcheurs des nations micmaque et malécite.

Les tensions ont dégénéré à un point tel entre les pêcheurs autochtones, qui invoquent leurs droits ancestraux pour pêcher le homard depuis la mi-septembre, et les pêcheurs commerciaux, qui disent craindre pour l’avenir des stocks, que le gouvernement Trudeau et le Nouveau Parti démocratique ont réclamé et obtenu la tenue d’un débat d’urgence sur cette situation lundi soir à la Chambre des communes.

Les affrontements ont culminé en fin de semaine par l’incendie d’un bâtiment où des Micmacs entreposaient le fruit de leurs prises de homard. Le bâtiment a été complètement réduit en cendres tôt samedi.

La GRC a procédé à deux arrestations, l’une pour voie de fait contre le chef autochtone Mike Sack, de la première nation de Sipekne’katik, et l’autre pour l’incendie criminel d’un véhicule.

Un homme qui lutte toujours pour sa vie à l’hôpital est considéré comme une personne d’intérêt dans le cadre de l’enquête qui porte sur l’incendie qui a ravagé l’entrepôt de homard.

Selon le ministre Marc Miller, les policiers de la GRC « ont laissé tomber » les communautés autochtones en n’intervenant pas plus rapidement. En conférence de presse, lundi matin, le ministre a rappelé que les peuples autochtones ont obtenu la reconnaissance par la Cour suprême en 1999 qu’ils possèdent des droits ancestraux de pratiquer une pêche de subsistance dans le jugement Marshall.

« Les évènements disgracieux et alarmants qui sont survenus au cours de la dernière semaine en Nouvelle-Écosse et les actes de violence perpétrés contre la nation micmaque » démontrent qu’il existe une forme de racisme systémique envers les peuples autochtones, a fait valoir le ministre.

DROIT « CONSTITUTIONNEL »

Pesant chacun de ses mots, M. Miller a affirmé que la nation micmaque a le droit « constitutionnel » de pratiquer la pêche dans cette région et que le gouvernement Trudeau a la ferme intention « de protéger ce droit », bien que les tribunaux n’aient jamais défini les limites d’une « pêche de subsistance » — une omission qui constitue encore aujourd’hui l’une des sources des conflits avec les pêcheurs non autochtones.

« Aucun acte de violence ne va empêcher le gouvernement de faire respecter ce droit », a-t-il martelé.

« Les gestes de violence que nous avons vus au cours des derniers jours sont dégoûtants, inacceptables et de nature raciste. C’est une disgrâce de voir ces gestes de violence et d’intimidation », a affirmé le ministre Miller.

Nous devons aussi reconnaître, en voyant ces scènes de violence, que les peuples autochtones ont encore une fois été laissés tomber par les policiers, ceux qui prêtent un serment pour les protéger.

Marc Miller, ministre des Services autochtones

M. Miller a tenu ces propos alors qu’il a fait le point sur la situation en Nouvelle-Écosse en compagnie du ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, de la ministre des Pêches, Bernadette Jordan, et de la ministre des relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett.

Les ministres ont tour à tour lancé un appel au calme et à une reprise des pourparlers entre le gouvernement fédéral, les nations autochtones et les pêcheurs commerciaux.

« La violence est inacceptable et elle doit cesser », a lancé le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, qui n’a toutefois pas voulu reprendre à son compte les critiques de son collègue Marc Miller au sujet du travail des policiers.

LA FÉDÉRATION DE LA POLICE NATIONALE SE DÉFEND

Les critiques du ministre Miller ont été dénoncées par le président de la Fédération de la police nationale (FPN), qui représente quelque 20 000 agents de la GRC. Le président de la FPN, Brian Sauvé, a affirmé que la GRC souffre depuis des années de sous-financement chronique qui a entraîné une réduction des effectifs.

« En dépit de leur service courageux et désintéressé […], nos 1060 membres de la GRC en Nouvelle-Écosse sont publiquement pointés du doigt par les élus pour ne pas en faire assez face à la situation tendue qui se déroule actuellement », a affirmé M. Sauvé dans une déclaration.

Les différends liés aux lois sur la pêche ne sont malheureusement pas nouveaux. Mais ils ne sont pas non plus des problèmes de police. Ce sont des problèmes intrinsèquement politiques que nous demandons aux gouvernements fédéral et provinciaux de régler en partenariat avec les peuples autochtones et toutes les parties concernées.

Brian Sauvé, président de la Fédération de la police nationale, dans une déclaration

Les affrontements et les actes de vandalisme se multiplient depuis que des pêcheurs autochtones ont lancé leur saison de pêche au homard dans la baie Sainte-Marie, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, le 17 septembre.

Les pêcheurs commerciaux se disent inquiets d’une réduction importante des prises depuis 2016. Selon eux, les pêches autochtones constitueraient une menace pour l’avenir de la ressource, qu’il faut protéger. Les pêcheurs réclament que les autochtones respectent les mêmes règles qu’eux, c’est-à-dire qu’ils pêchent au moment prévu par la réglementation fédérale, soit en novembre. Ils invoquent aussi le fait qu’ils doivent, eux, payer leurs permis de pêche et qu’ils sont soumis à des quotas. Bref, ils accusent les pêcheurs autochtones de pratiquer une pêche commerciale et non de subsistance.

– Avec La Presse Canadienne