Le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, dit miser sur la bonne foi et la bonne volonté des provinces et des ordres professionnels médicaux pour enrayer durablement le racisme systémique dans les soins de santé fournis aux Autochtones au Canada.

Vendredi, le ministre avait convoqué quelque 200 personnes pour une réunion virtuelle visant à identifier des actions pour combattre le racisme dans les soins de santé et ce sont finalement plus de 400 intervenants qui ont participé à l’exercice, a-t-il affirmé en conférence de presse.

Les discussions ont notamment porté sur la responsabilité des ordres professionnels du milieu de la santé ainsi que sur les changements à apporter en matière de formation du personnel.

« Ce que tout le monde a retenu, c’est qu’il y a du travail à faire. Le racisme systémique ne va pas être éliminé du jour au lendemain, mais ce n’est pas une excuse », a déclaré Marc Miller.

Le ministre a parlé du « principe de Joyce », comme d’une nouvelle approche visant à permettre aux peuples autochtones de recevoir « des soins de santé de première classe auxquels ils ont droit ».

Le « principe de Joyce » fait référence à Joyce Echaquan, cette femme morte à l’Hôpital de Joliette le 28 septembre. Mme Echaquan avait diffusé, en direct, les insultes que deux employées de l’hôpital lui avaient lancées alors qu’elle avait besoin de soins médicaux.

« On sait que Joyce est morte. Elle devrait être en vie aujourd’hui, mais elle n’est pas morte pour rien. Le devoir de toute personne au Canada est de s’assurer que sa mort signifie quelque chose », a soutenu le ministre et député de Ville-Marie—Le Sud-Ouest—Île-des-Sœurs, à Montréal.

Le Conseil de la Nation Atikamekw a d’ailleurs réagi par communiqué en fin de journée pour confirmer son intention de déposer l’énoncé du « principe de Joyce » aux gouvernements du Québec et du Canada. Un principe visant à éliminer la discrimination en matière de santé et de services sociaux.

Toutefois, pour y parvenir, il faut non seulement la contribution des provinces, mais aussi celle des ordres professionnels qui doivent modifier leurs pratiques afin de punir sévèrement tout acte raciste posé par un travailleur de la santé.

À ce sujet, Marc Miller affirme avoir eu « la parole d’honneur » du nouveau ministre responsable des Affaires autochtones du Québec, Ian Lafrenière, qu’il passerait rapidement à l’action.

Dans une déclaration transmise par courriel à La Presse Canadienne, le Collège des médecins du Québec dit prendre cet enjeu « très au sérieux » en tant qu’ordre professionnel ayant la « mission première de protéger le public ».

« Le Collège entend prendre les actions qui s’imposent afin d’assurer des soins de qualité, exempts de biais et de discrimination pour tous », peut-on lire dans la réaction écrite.

L’enjeu doit également être pris au sérieux en amont, soit dès la formation des futurs professionnels de la santé. Il semble que le racisme se perpétue même à l’intérieur des universités à l’endroit des étudiants autochtones.

« On a eu des témoignages d’étudiants en médecine qui subissent aujourd’hui le même genre de racisme systémique que les médecins autochtones qui ont été formés dans les années 1980. Alors, ça doit cesser », a insisté le ministre Miller. Il a cité en exemple le témoignage d’une médecin, Dre Marlyn Cook, qui a raconté avoir subi les mêmes injustices lors de ses études que sa fille qui suit ses traces aujourd’hui.

Toutes les personnes impliquées dans la démarche se sont donné rendez-vous en janvier pour un suivi de l’évolution du dossier et l’adoption de pistes de solution.

« Plus de carottes que de bâton »

La ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, a semblé fermer la porte à la menace de retenir une partie des transferts en santé aux provinces afin de punir celles qui n’agiraient pas assez promptement ou efficacement pour combattre le racisme systémique.

« Je suis moins intéressée par les punitions que par l’implantation d’un changement systémique et le changement systémique nécessite plus que de la peur. Il faut miser sur une volonté profonde d’y parvenir », a-t-elle commenté par visioconférence.

Le ministre Miller a résumé l’idée en parlant d’une stratégie favorisant « plus de carottes que de bâton » afin de parvenir à un changement profond et durable.

Encore une fois, on compte sur les ordres professionnels pour favoriser un changement de culture. Par exemple, sur l’enjeu précis des pratiques de stérilisation forcée ou imposée aux femmes autochtones, la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, a été catégorique : « Les gens devraient perdre leur droit de pratique pour ça ! Vous ne pouvez pas faire ça ! »

Bonne première étape

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, s’est dit satisfait de la tournure de cette première réunion virtuelle.

« L’objectif a été atteint. C’était de voir s’il y avait consensus à l’effet que oui, le racisme existe, qu’il faut le combattre et se donner des moyens pour l’enrayer », a-t-il commenté.

Selon lui, une plus grande rigueur des ordres professionnels à sanctionner les comportements racistes représente l’une des solutions, mais pas la seule.

« Il faut aussi que les gouvernements puissent se regarder dans le miroir et voir comment ils peuvent modifier leurs politiques. L’important ici, c’est qu’on a des systèmes de santé à l’échelle du pays et si les membres de nos communautés n’ont pas la confiance nécessaire pour aller chercher des soins, on a un gros problème », a résumé le chef Picard.

L’APNQL a soulevé la possibilité de créer une sorte d’ombudsman responsable de recevoir les plaintes de patients autochtones voulant dénoncer des préjudices ou de mauvais traitements subis dans le milieu de la santé.

Trudeau fait appel aux Canadiens

Plus tôt dans la journée, le premier ministre Justin Trudeau a commenté le dossier en affirmant avoir « beaucoup fait en tant que gouvernement fédéral », mais qu’il y a plus à faire « en tant que Canadiens ».

« Nous devons tous faire le travail difficile d’améliorer notre pays, de contrer le racisme systémique et de créer un pays réellement à l’image de ce qu’on imagine », a-t-il déclaré.

Il a rappelé que toutes les provinces et les territoires avaient reconnu l’importance de lutter contre le racisme et a dit s’attendre à ce qu’on améliore la situation vécue par les peuples autochtones dans le système de santé.

Justin Trudeau insiste aussi sur la nécessité de procéder de la bonne manière en écoutant d’abord les leaders autochtones et de créer avec eux les paramètres de travail pour obtenir des résultats.