C’est la victoire du converti.

Paul St-Pierre Plamondon dirige maintenant le parti qui le rebutait il n’y a pas si longtemps.

En 2014, cet « orphelin politique » critiquait l’obsession référendaire du Parti québécois. Deux années plus tard, il ralliait cette famille. Et maintenant, il en est le chef.

Durant la course, ses adversaires dénonçaient son parcours sinueux. Fédéraliste, il est devenu indépendantiste. Partisan du nationalisme civique et inclusif en 2017, il prône maintenant le retour à un nationalisme identitaire. Après avoir promis de reporter un référendum à un deuxième mandat, il est maintenant pressé d’enclencher la mécanique.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Paul St-Pierre Plamondon a été élu vendredi à la tête du Parti québécois.

Les militants péquistes ne lui en ont pas tenu rigueur. Ils y ont moins vu de l’opportunisme qu’un modèle de conversion à reproduire.

Après tout, M. St-Pierre Plamondon (PSPP) a beaucoup sacrifié pour la cause. Cet avocat gagnait très bien sa vie quand il a abandonné son boulot pour se porter candidat à la direction du PQ en 2016.

Après sa défaite, il est resté dans le parti. Il a même déménagé dans les Basses-Laurentides pour s’y porter candidat aux élections de 2018.

À nouveau défait, il est retourné au droit. Puis, à l’hiver 2020, ce jeune père de 43 ans quittait un poste de direction dans un cabinet pour tenter à nouveau sa chance. Son deuxième enfant est né au début de la course.

Ce n’est pas le parcours du confort et de l’indifférence.

Dans le folklore péquiste, une phrase est restée célèbre : « Que le dernier entré laisse la porte ouverte », disait Jacques Parizeau en 1994. PSPP l’a reprise vendredi dans son discours. Avec raison, car elle résume sa victoire.

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Beaucoup prédisaient que Sylvain Gaudreault mènerait au premier tour puis que PSPP se faufilerait par la suite, comme l’ont fait Erin O’Toole, Andrew Scheer et Doug Ford. M. Plamondon a finalement pris l’avance dès le début.

Pour Sylvain Gaudreault, la défaite est amère. Militant depuis la fin des années 1980, il a été député, ministre détenant simultanément deux portefeuilles (Transports et Affaires municipales) et chef intérimaire. Son tour semblait arrivé.

M. Gaudreault représentait la continuité. Aux yeux des militants, cette continuité les menait vers un lent naufrage.

La course a démontré une fracture entre l’aile parlementaire et les militants. Les députés se démènent pour talonner le gouvernement et améliorer les lois, mais les membres du parti avaient soif d’autre chose. De parler du pays au lieu de la gestion d’une province.

Le nouveau chef n’est pas un homme de la rupture comme Guy Nantel, ni un patriote croisé comme Frédéric Bastien. Mais il était bel et bien le candidat de la reconstruction.

PSPP a gagné en martelant qu’il fallait « rebâtir » le PQ. Pour se consacrer à cette tâche, il n’a pas l’intention de chercher à se faire élire à l’Assemblée nationale.

Pour un politicien plutôt méconnu, c’est un pari. Certes, rebâtir le parti est une mission cruciale. Mais il se prive de la meilleure tribune pour se faire connaître par le reste de la population. Homme d’idées, il a publié au moins trois essais politiques. Avec son ton rapide et nerveux, il est toutefois plus doué pour l’argumentation que pour l’émotion. Un rodage parlementaire ne lui nuirait pas.

Même s’il promet de se rendre souvent à Québec, maintenir l’unité avec le caucus ne sera pas facile non plus. Trois des quatre députés qui pouvaient prendre position ont appuyé M. Gaudreault. L’autre, Véronique Hivon, est restée neutre.

Dans les prochains jours, M. St-Pierre Plamondon devra trouver un chef parlementaire. Pascal Bérubé, le chef intérimaire sortant, était déjà en train de faire ses boîtes cette semaine. Malgré son excellent travail, il n’a manifesté aucune intention de rester en poste.

Dans son discours de victoire, le nouveau chef a longuement salué le travail de M. Gaudreault. Le nommer chef parlementaire serait toutefois risqué. Leurs positions sur le « racisme systémique » et les seuils d’immigration se contredisent. M. Gaudreault ne pourrait les défendre sans perdre la face.

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Dans la course, les idées semblent avoir suivi les chiffres.

Au début 2019, le PQ comptait environ 65 000 membres. Il en a désormais moins de 40 000. On peut présumer que ceux qui restent sont les plus pressés. Et qu’ils sont donc encore moins représentatifs de la population.

Cela explique sans doute pourquoi, à l’exception de Frédéric Bastien, tous les candidats promettaient un référendum dans le prochain mandat.

Paradoxalement, il semble que plus le pays s’éloigne, plus les militants perdent patience et souhaitent que la démarche s’accélère.

Mais avant de déclencher un référendum, il faut prendre le pouvoir, et ce qui séduit les militants péquistes n’est pas forcément ce qui plaît au reste des électeurs.

Aucun péquiste ne se plaindrait d’un triomphe en 2022, mais de façon plus réaliste, le parti a besoin d’une victoire morale. Il récolte en ce moment 17 % des intentions de vote, soit le résultat obtenu lors de la raclée de 2018. Si le PQ pouvait garder son avance sur Québec solidaire et rattraper le Parti libéral d’ici les prochaines élections, ce serait déjà un petit exploit.