(Québec) L’avenir est incertain pour la ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours, alors que François Legault a affirmé jeudi matin qu’il était « en train de regarder la situation » quant à son maintien en poste. Interrogé à trois reprises sur la question, il n’a pas voulu lui réitérer sa confiance.

Empêtré dans une crise depuis la mort tragique de Joyce Echaquan, le premier ministre Legault n’a pas volé au secours de sa ministre, cette fois, alors qu’il était talonné par les journalistes sur le bilan de celle-ci.

Mme D’Amours est-elle toujours la bonne personne pour occuper les fonctions de ministre responsable des Affaires autochtones ? « Je suis en train de regarder la situation », a-t-il répondu lors d’un point de presse, jeudi matin.

A-t-il toujours confiance en sa ministre ? « Je trouve que ça n’avance pas assez vite », a-t-il précisé, évitant de répondre directement à la question. Il a révélé qu’il allait désormais « s’impliquer très personnellement » dans la mise en œuvre des appels à l’action du rapport de la commission Viens, déposé il y a un an.

Son gouvernement fait face à la critique depuis la mort d’une mère de famille atikamekw de 37 ans sous les insultes racistes du personnel infirmier à l’hôpital de Joliette. Jeudi, d’anciens membres de la commission Viens ont pris la plume pour dénoncer l’inaction et le manque de transparence du gouvernement.

Le premier ministre a affirmé qu’il y a un « ensemble de raisons » qui expliquent « pourquoi ça n’avance pas plus vite ».

Quelques minutes après la sortie pour le moins étonnante de François Legault, la ministre D’Amours a eu à se lever en Chambre pour défendre à nouveau son bilan. « J’ai voulu travailler d’une façon différente, qui prend peut-être un peu plus de temps, mais qui va être faite par et pour les autochtones », a-t-elle lancé.

Interrogée à savoir combien de recommandations – du rapport Viens et de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées – elle avait mises en œuvre, elle a réaffirmé : « Je vais continuer. »

À sa sortie du Salon bleu, Mme D’Amours n’a pas offert de commentaires sur les propos de son premier ministre.

Chez les autochtones, deux noms circulent : Ian Lafrenière et Denis Lamothe. Les deux députés de la CAQ font d’ailleurs partie du groupe d’action contre le racisme formé dans la foulée de la mort de Georges Floyd, en juin dernier, et qui doit livrer dès cet automne un plan de match « concret » pour lutter contre le racisme.

M. Lamothe, député d’Ungava, est l’actuel adjoint parlementaire de Mme D’Amours. Il est réputé pour avoir une bonne connaissance des communautés du Nord-du-Québec. L’ex-policier du Service de police la Ville de Montréal, M. Lafrenière, est apprécié pour sa sensibilité à une autre réalité, celle des autochtones en milieu urbain.

Il a aussi livré un plaidoyer remarqué sur sa page Facebook après la mort de Joyce Echaquan.

« Ce n'est pas simple »

Le premier ministre a néanmoins admis à nouveau que la mise en œuvre des conclusions du rapport Viens n’était « pas simple ».

« Il y a des nations qui demandent beaucoup d’argent, et évidemment, on a une capacité limitée de payer. On a mis 200 millions de côté [pour les appels à l’action du rapport Viens], mais ce n’est pas simple avec les 11 nations », a-t-il ajouté.

Pas un sou de ces 200 millions n’a encore été dépensé. Mme D’Amours affirmait dans un entretien précédent à La Presse que certaines des recommandations de la commission Viens ne nécessitaient aucun investissement. « Oui, mais ça ne veut pas dire que ces recommandations-là sont les plus faciles », a répondu jeudi M. Legault. En anglais, il a ajouté : « Je veux savoir pourquoi c’est si difficile de dépenser ces 200 millions. »

Il a rappelé le refus du chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, de participer à une rencontre avec lui vendredi dernier.

« Je veux dire, on ne peut pas négocier tout seul. Il faut avoir quelqu’un de l’autre côté de la table », a-t-il dit.