À moins d’une semaine du discours du Trône à Ottawa, les provinces font monter la pression sur le gouvernement Trudeau. Elles réclament une augmentation de 28 milliards de dollars des transferts en santé, afin de faire passer de 22 % à 35 % la part d’Ottawa dans le financement des dépenses en santé.

« Il est temps que le gouvernement fédéral fasse sa juste part », a plaidé le premier ministre François Legault aux côtés de ses homologues Doug Ford (Ontario), Jason Kenney (Alberta) et Brian Pallister (Manitoba), lors d’une conférence de presse à Ottawa vendredi. Ils se sont exprimés au nom de l’ensemble des provinces et des territoires.

Doug Ford a fait valoir que la priorité unanime des provinces est le financement des soins de santé et que le litige avec Ottawa sur cet enjeu a assez duré. « Il faut que le gouvernement fédéral devienne un vrai partenaire […]. Nous avons désespérément besoin de son appui », a-t-il insisté. Selon lui, « le système est brisé et il faut le réparer ».

Brian Pallister a convenu que ce discours de la part des provinces n’est pas nouveau, mais il a insisté sur son importance : le manque de fonds fédéraux a un impact direct sur les citoyens, qui, par exemple, se retrouvent souvent sur des listes d’attente pour obtenir un service en raison d’un manque de personnel.

Ce n’est pas une autre « chicane fédérale-provinciale », c’est un enjeu qui touche directement la population, a renchéri Jason Kenney. Selon lui, « il faut avoir une entente pour assurer le futur du système de santé ». Il a rappelé qu’à la création du système canadien, le fédéral finançait 50 % des dépenses.

« Ça fait plusieurs années qu’on a des discussions sur le financement des soins de santé, mais chaque année la situation empire. Le financement diminue », a souligné François Legault. La part du fédéral représente maintenant 22 % des dépenses en santé des provinces.

« Ce qu’on demande, c’est raisonnable », a-t-il soutenu. Les provinces veulent que la contribution du fédéral dans le financement des dépenses en santé atteigne à 35 %. Les transferts en santé devraient ainsi passer de 42 à 70 milliards de dollars par année, une augmentation de 28 milliards. Sans conditions, ont-ils précisé.

Comme l’a expliqué M. Legault, les dépenses et les revenus des gouvernements augmentent d’environ 3 % par année, alors que les dépenses en santé grimpent en moyenne de 5 ou 6 %, notamment en raison des avancées technologiques et du vieillissement de la population. Les transferts n’augmentent que de 3 % environ à l’heure actuelle.

Pour faire face à la pandémie de COVID-29, Ottawa et les provinces viennent à peine de conclure un « accord sur la relance sécuritaire » qui prévoit le versement de 19 milliards de dollars par le fédéral. Or, cet accord vise le financement de mesures qui seront mises en œuvre « au cours des six à huit prochains mois ». Il ne s’agit donc pas de fonds récurrents, ont expliqué les premiers ministres.

Ils réclament une rencontre cet automne avec Justin Trudeau pour conclure une entente à long terme. Ils veulent que les transferts soient bonifiés dès le prochain budget.

Les provinces souhaitent également que le fédéral ajoute 10 milliards par année pendant 10 ans pour les infrastructures. Le programme de stabilisation fiscale doit aussi être revu, selon elles.

Ottawa ouvert à discuter, assure LeBlanc

Le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a offert la réplique aux premiers ministres peu après, assurant que le gouvernement Trudeau était ouvert à une discussion avec les provinces et les territoires en ce qui a trait au Transfert canadien en matière de santé (TCS).

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Le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc

« Si les premiers ministres veulent discuter le transfert en santé, comme nous le disons depuis plusieurs semaines, c’est un sujet qui nous intéresse, et nous sommes ouverts à avoir une rencontre précisément sur cette question-là dans les prochaines semaines, cet automne », a-t-il offert en conférence de presse.

Il a cependant plaidé qu’Ottawa a « été, à date, très présent dans les mesures pour appuyer et protéger les Canadiens ». Le gouvernement a transféré aux provinces et territoires 19 milliards de dollars pour soutenir les systèmes de soins de santé dans le cadre de la lutte contre la COVID-19.

Le ministre LeBlanc n’a toutefois pas voulu s’avancer sur la capacité fiscale du fédéral à allonger les sommes réclamées par les premiers ministres. Il s’est permis une pique en faisant valoir que « contrairement à l’approche du premier ministre conservateur Stephen Harper », le sien était ouvert à la discussion.

Sans vouloir ouvrir davantage son jeu ou prendre d’engagement précis, il a laissé entendre qu’il y avait tout de même des limites. « Je ne sous-estime jamais l’appétit des premiers ministres des provinces pour des transferts illimités du gouvernement fédéral dans tous les domaines; ça, ça ne me surprend pas », a-t-il offert.