(Ottawa) L’incohérence du gouvernement fédéral est montrée du doigt depuis qu’il s’est joint à des démarches internationales contre le Myanmar pour génocide, un crime pourtant perpétré en sol canadien aussi, selon l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Le Canada et les Pays-Bas ont annoncé en grande pompe cette semaine qu’ils se joignaient en tant qu’intervenants à la procédure contre le Myanmar devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye.

La Gambie a déposé cette plainte l’automne dernier, au nom des 57 pays musulmans de l’Organisation de la coopération islamique, en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.

Plus de 850 000 musulmans rohingya ont fui l’État de Rakhine après avoir été pris pour cible par les forces de sécurité birmanes, qui se sont livrées à des viols collectifs, tué des milliers de personnes et incendié des villages dans une volonté de nettoyage ethnique.

Selon Bruno Gelinas-Faucher, un expert en droit international de l’Université de Montréal qui a travaillé à la CIJ, la présence du Canada pourrait entraîner des délais et des complications dans cette cause en raison d’un principe connu sous le nom de la théorie des « mains propres ».

Le Canada risque de donner l’impression d’« adopter une position contradictoire » en s’impliquant activement dans la prévention du génocide à l’étranger, sans toutefois répondre pleinement aux appels à la justice lancés sur son propre territoire, relève M. Gelinas-Faucher.

En juin 2019, le rapport historique de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées affirmait que la violence contre ces dernières était une forme de génocide résultant de plusieurs siècles de colonialisme.

En entrevue, le ministre des Affaires étrangères a dit ne pas s’inquiéter de la position du Canada sur les enjeux autochtones domestiques. François-Philippe Champagne a dit se satisfaire de laisser « des experts juridiques débattre des questions juridiques ».

Selon un autre éminent spécialiste en la matière, le Canada n’a pas à s’inquiéter et a bien fait d’appuyer la plainte contre le Myanmar.

« J’espère que nos nombreuses tentatives de réconciliation avec nos peuples autochtones nous distingueront du type d’actions vues au Myanmar, des actions que nous n’avions pas vues depuis le régime nazi, le génocide au Rwanda et le génocide bosniaque », avance Errol Mendes, un expert en droit international de l’Université d’Ottawa.

« Nous sommes loin d’être des anges, mais j’espère que nous ne sommes pas dans la même ligue que ceux qui ont été impliqués dans ces génocides », enchaîne celui qui a été conseiller aux Nations Unies.

Le Canada apporte également une grande expertise internationale dans cette affaire, car il avait contribué à la création du Statut de Rome qui a institué la Cour pénale internationale, souligne M. Mendes.

Pour Bruno Gelinas-Faucher, Ottawa devra néanmoins répondre concrètement aux allégations de génocide en sol canadien et sérieusement s’atteler aux plus de 200 recommandations de l’ENFFADA.