(Ottawa) Le Canada prépare « une réponse musclée » pour venir en aide à la population du Liban à la suite de la déflagration qui a ravagé une bonne partie de la capitale du pays mardi et qui a provoqué une grave crise humanitaire, promet le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne.

Cette « réponse musclée » prendra la forme d’une aide financière et d’un appel aux dons du secteur privé, mais inclura aussi l’acheminement de produits médicaux et de denrées alimentaires, a indiqué le chef de la diplomatie canadienne dans une entrevue avec La Presse, jeudi.

Cela dit, le gouvernement canadien promet de faire preuve d’une grande prudence dans la distribution de toute aide financière. Aucune aide directe ne sera fournie au gouvernement du Liban, d’autant que les Libanais sont nombreux à réclamer sa démission, jugeant qu’il est directement responsable de cette catastrophe. Le gouvernement est aussi visé par des allégations de corruption. Dans les coulisses, on assure être « très, très prudent » avec la distribution de l’argent.

Mardi soir, près de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium ont explosé dans le port de la capitale libanaise, soufflant une grande partie de la ville. Le pays était déjà fortement ébranlé par sa pire crise économique.

Liste de priorités

L’aide humanitaire de 5 millions de dollars annoncée mardi soir « n’est qu’un début », a insisté M. Champagne, qui s’est entretenu à deux reprises avec son homologue du Liban au cours des 24 dernières heures afin d’obtenir la liste des besoins prioritaires des autorités.

Le ministère des Affaires étrangères passe au peigne fin cette liste et fait l’examen des équipements que les différents ministères et différentes agences du gouvernement canadien peuvent offrir pour contribuer à la mobilisation internationale au Liban.

« Nous offrons évidemment nos condoléances aux familles des victimes », a lancé d’emblée le ministre. « Nous avons toujours été là pour le Liban et nous serons toujours là pour le Liban. Nous allons répondre à l’appel historique du Liban », a indiqué M. Champagne.

Nous sommes en train de regarder comment on peut travailler avec le secteur privé pour ramasser des dons et faciliter la reconstruction et l’aide humanitaire dont le Liban aura besoin.

François-Philippe Champagne. ministre des Affaires étrangères

Tout indique que l’ONU lancera au cours des prochains jours un appel à la contribution des pays membres de l’organisation, et le Canada a la ferme intention de répondre « présent », a-t-il dit.

Déjà, le ministre s’est entretenu avec les représentants des producteurs céréaliers du Canada afin de déterminer s’il serait possible de réacheminer d’urgence des exportations de grains vers le Liban.

« Le Canada veut faire une différence au niveau de la sécurité alimentaire. On sait qu’il reste peu de grains dans les silos qui ont été détruits au port de Beyrouth. Il en reste pour environ un mois. J’ai parlé hier au président de Cereals Canada pour voir comment les exportateurs canadiens pourraient venir en aide au peuple libanais. C’est en train de se discuter. Il y a donc beaucoup de choses qui sont en branle. Nous sommes en train de coordonner la réponse avec nos différents partenaires pour nous assurer qu’on ait une aide rapide, mais aussi une aide ciblée. C’est important durant ce genre de crise », a-t-il indiqué.

« Les 5 millions de dollars, ce n’est qu’un début », a dit M. Champagne, rappelant que le Canada verse annuellement une aide humanitaire de 47 millions au Liban.

Un employé de l'ambassade blessé

Par ailleurs, le ministre a précisé que l’ambassade du Canada à Beyrouth n’avait pas subi de dommages majeurs et que la structure demeurait solide. « Au niveau structurel, la chancellerie est utilisable. » Mais les appartements d’une vingtaine d’employés de l’ambassade ont été complètement détruits par la déflagration. Un employé aurait subi des blessures, selon le ministère des Affaires étrangères.

L’ambassade devrait rouvrir ses portes lundi prochain afin d’offrir toute assistance aux Canadiens qui se trouvent dans la région.

Le hasard a voulu que le gouvernement canadien doive nommer un nouvel ambassadeur ou une nouvelle ambassadrice au Liban au cours des prochains mois. La crise actuelle va accélérer la décision. « Cela faisait partie du processus. Maintenant, vous comprendrez qu’on va accélérer tout cela », a dit le ministre, se félicitant du travail du chargé d’affaires actuellement en poste.

Selon le chef de la diplomatie canadienne, les édifices abritant plusieurs ministères du gouvernement libanais ont été lourdement endommagés par l’explosion, ce qui rend le travail de reconstruction plus complexe dans la capitale.

Les images de la déflagration ont choqué l’esprit de tous les Canadiens. On se rend compte avec les reportages de l’ampleur de la situation, et évidemment des dégâts et de la crise humanitaire.

François-Philippe Champagne. ministre des Affaires étrangères

Pour sa part, la ministre du Développement international, Karina Gould, a aussi indiqué qu’il pourrait y avoir une autre contribution canadienne, qui serait également remise à des « partenaires de confiance ».

« Le plus important pour le gouvernement du Canada est d’assurer que notre aide humanitaire […] va aux personnes à qui elle est destinée. Alors, nous travaillons avec des partenaires fiables, soit les ONG avec lesquelles nous avons des relations de longue durée […], soit les partenaires multilatéraux comme l’ONU », a assuré la ministre.

Le gouvernement canadien estime tout de même utile d’avoir « des conversations » avec le gouvernement libanais. « Les conversations que nous avons avec le gouvernement du Liban, c’est vraiment la façon de répondre à la crise actuelle, immédiate », a dit Mme Gould.

— Avec La Presse canadienne