(Québec) Victime collatérale de la pandémie de COVID-19, l’Assemblée nationale du Québec « ne sera plus la même », constate le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette.

La pandémie forcera la noble institution à s’adapter et à changer en profondeur ses façons de faire.

Heureusement, il y a la technologie, qui viendra plus que jamais à la rescousse des élus, à compter de maintenant.

Car c’est surtout grâce aux moyens technologiques que les élus pourront à l’avenir continuer à représenter les citoyens de leur circonscription et à effectuer leur travail de législateur, a soutenu M. Jolin-Barrette, en entrevue téléphonique à La Presse canadienne, lundi.

« Nécessité fait loi », commente le ministre, qui ne semblait pas nostalgique en annonçant lundi son plan de réouverture graduelle du parlement, le 13 mai, après une éclipse de près de deux mois.

PHOTO PATRICK SANFACON, ARCHIVES LA PRESSE

Le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette

Le plan stipule les nouvelles façons de faire en vigueur au parlement jusqu’au terme de la session parlementaire, le 12 juin, en conformité avec la consigne de distanciation sociale, qui va à l’encontre de la nature même du parlement, lieu de rassemblement par excellence.

Loin d’y voir une contrainte, le ministre Jolin-Barrette préfère considérer la situation comme une « opportunité » de faire « évoluer » l’institution, qu’il qualifie « d’un peu archaïque ».

Drôle de coïncidence, il avait déposé en février un projet de réforme des règles parlementaires, visant à dépoussiérer certaines façons de faire, en les adaptant au goût du jour pour rendre la joute parlementaire « plus efficace ».

Les changements dictés par la pandémie vont s’inscrire dans ce vent de changement annoncé, en « intégrant davantage » que prévu la dimension technologique, qui permet notamment les votes à distance et les commissions parlementaires virtuelles.

Confirmé lundi, le nouveau calendrier des travaux parlementaires prévoit que l’Assemblée nationale va reprendre ses activités graduellement le mercredi 13 mai avec deux périodes de questions consécutives plutôt qu’une, avec des députés présents en chair et en os au Salon bleu.

Le flot normal d’activités reprendra durant la semaine du 25 mai, avec trois périodes de questions, soit les mardi, mercredi et jeudi.

Les deux premières semaines de juin seront consacrées à la période de session intensive, alors que les élus seront appelés à siéger pendant quatre jours au lieu de trois, du mardi au vendredi.

La semaine de relâche parlementaire du 18 mai sera maintenue.

Le menu législatif de cette portion de session bien particulière s’annonce très allégé et ramené au strict minimum, avec trois projets de loi dont l’étude est pratiquement terminée : le projet de loi 15 sur la mise en valeur du Parc olympique, le projet de loi 18, qui vise à mieux protéger les personnes inaptes, et le projet de loi 32, destiné à accroître l’efficacité du système de justice pénale, notamment en réduisant les délais et en évitant aux personnes vulnérables, comme les itinérants, de devoir se présenter devant les tribunaux.

Le gouvernement envisage aussi de faire progresser l’étude détaillée du projet de loi 44, qui mise sur l’électrification et donnerait au ministre responsable du dossier, Benoit Charette, un droit de regard sur la gestion du Fonds vert, qui portera un nouveau nom.

Normalement, les 125 députés élus par les Québécois réussissent à s’entasser dans l’espace exigu du Salon bleu, leurs pupitres collés les uns contre les autres.

Avec la COVID-19 et la consigne de distanciation, ce temps est révolu et un maximum de 40 personnes pourra prendre place en même temps au Salon bleu désormais, soit 36 élus, plus le président de l’Assemblée nationale, le secrétaire général et un minimum de personnel de soutien.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Normalement, les 125 députés élus par les Québécois réussissent à s’entasser dans l’espace exigu du Salon bleu, leurs pupitres collés les uns contre les autres.

Du côté des banquettes gouvernementales, on comptera au maximum entre 16 et 20 élus (même si le caucus caquiste compte 76 députés), en donnant la priorité aux ministres et au premier ministre François Legault, qui devrait en principe être présent chaque jour.

De l’autre côté, l’opposition officielle, formée par le Parti libéral du Québec, aura droit à huit représentants, Québec solidaire, trois, tout comme le Parti québécois.

Le nouveau calendrier a été confectionné en collaboration avec les partis d’opposition.

« Ce retour partiel à nos travaux parlementaires permettra, quoique de manière incomplète, un minimum de débats démocratiques », a commenté lundi le leader parlementaire de l’opposition officielle, le libéral Marc Tanguay.

« Aujourd’hui, nous faisons un pas de plus pour déconfiner la démocratie », a ajouté le leader parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, soucieux de voir le gouvernement rendre des comptes sur sa gestion de la crise.

« Les députés doivent donner l’exemple : si on demande au personnel des écoles primaires, des services de garde et de secteurs importants de notre économie de retourner sur leur lieu de travail, nous devons le faire aussi », a estimé de son côté le leader parlementaire de l’opposition péquiste, Martin Ouellet.

Réforme parlementaire

Le projet de réforme parlementaire que souhaite faire adopter le ministre Jolin-Barrette avant la fin de l’année ratisse très large.

On songe notamment à ajourner les travaux parlementaires à 18 heures, à ouvrir une halte-garderie au parlement, à prévoir un congé parental d’un an pour les élues enceintes.

Le président de l’Assemblée nationale aurait plus de pouvoir pour faire respecter le règlement et assurer la discipline.

Les ministres ne seraient plus requis de superviser l’étude détaillée de leurs projets de loi, la tâche étant laissée aux législateurs.

Les sous-ministres et présidents d’organismes seraient tenus régulièrement de rendre des comptes sur leur gestion.

L’étude des crédits budgétaires alloués aux différents ministères serait resserrée.

Un poste de directeur parlementaire du budget serait créé.

Une nouvelle Chambre des affaires citoyennes verrait le jour, lieu parallèle de débats à ceux tenus au Salon bleu, où les élus pourraient discuter de propositions émanant des citoyens ou étudier des projets de loi d’initiative parlementaire.

Les pétitions des citoyens seraient étudiées par cette Chambre des affaires citoyennes.

On veut aussi permettre aux élus de s’absenter du parlement lors des votes en Chambre, en exerçant leur droit de vote à distance, par voie électronique.

On envisage aussi de réduire la distribution des documents en papier.

Même la configuration du Salon bleu ferait peau neuve : les sièges des élus seraient désormais disposés en hémicycle.

Le serment d’allégeance à la reine Élizabeth II deviendrait optionnel pour les nouveaux députés et ministres.