(Ottawa) La voie se dégage de plus en plus pour que l’ancien ministre de la Justice Peter MacKay soit couronné chef du Parti conservateur.

Après le désistement de l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest, mardi, et celui de l’ancienne leader intérimaire Rona Ambrose, mercredi, voilà que le député conservateur Pierre Poilievre renonce à son tour à briguer la direction du Parti conservateur.

Cette cascade de désistements fait poindre à l’horizon le scénario d’une victoire sans anicroche de Peter MacKay, voire de son couronnement, alors que la course à la succession d’Andrew Scheer se met à peine à branle.

M. MacKay, qui a aussi été ministre de la Défense et ministre des Affaires étrangères dans l’ancien gouvernement de Stephen Harper, a d’ailleurs obtenu jeudi l’appui de deux députés du Québec, Pierre Paul-Hus et Luc Berthold, ce qui porte à huit le nombre de députés qui soutiennent officiellement sa candidature.

Résultat : Peter MacKay est en passe d’obtenir la direction du Parti conservateur « sur un pont d’or », a laissé tomber jeudi soir une source conservatrice.

Reconnu dans les rangs conservateurs pour être un parlementaire redoutable, M. Poilievre a confirmé sa décision dans un message publié sur Facebook. Il a invoqué des raisons familiales pour expliquer cette décision inattendue. La veille, il avait pourtant annoncé son intention de donner le coup d’envoi à sa campagne à Ottawa dimanche.

« Depuis quelques semaines, je forme une équipe et gagne un soutien pour une possible course à la direction du Parti conservateur. En sillonnant le pays, je suis ravi par la réponse favorable. Je savais que ce serait difficile pour ma vie familiale. Mais je n’imaginais pas combien. C’est encore plus difficile parce que je venais de passer les 18 mois précédents à faire campagne pour regagner mon siège à la récente élection fédérale, au cours de laquelle j’ai raté la majeure partie de la première année de notre bébé », a-t-il écrit.

« C’est pourquoi je ne suis pas pleinement engagé dans cette course à la direction, et il ne sert à rien de ne pas être pleinement engagé. J’ai donc décidé de ne pas briguer la direction du parti cette fois. Je vais continuer à servir les gens de Carleton au Parlement. Pour le moment, je ne soutiens aucun autre candidat. Mais je vais rechercher un solide conservateur financier qui va libérer la libre entreprise pour que les gens puissent réaliser leurs rêves par le travail assidu », a-t-il ajouté.

Peter MacKay devient donc le candidat de tête dans cette course qui s’amorce et qui a déjà connu plusieurs rebondissements. M. MacKay doit lancer officiellement sa campagne samedi en Nouvelle-Écosse.

Malgré les pressions du premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, et de l’ancien premier ministre de la Saskatchewan Brad Wall, Rona Ambrose a pour sa part écarté mercredi un retour en politique.

« J’ai vraiment réfléchi à la possibilité d’un retour à la vie politique. […] Mais à l’heure actuelle, je me concentre sur la contribution que je peux apporter par le truchement du secteur privé », a écrit Mme Ambrose dans un message sur les réseaux sociaux.

DES PROPOS CONTROVERSÉS CONDAMNÉS

D’autres candidats devraient être sur les rangs. La députée conservatrice du sud de l’Ontario Marilyn Gladu a indiqué qu’elle briguerait la direction du parti, tout comme l’homme d’affaires Rick Peterson, qui était également candidat dans la course à la direction en 2017. Le député conservateur Erin O’Toole, qui a aussi été candidat en 2017, a multiplié les signaux selon lesquels il entend tenter de nouveau sa chance. L’ancien proche collaborateur de Stephen Harper Richard Décarie a indiqué qu’il voulait être sur les rangs afin de défendre les valeurs des « conservateurs sociaux ».

Il s’est d’ailleurs attiré les foudres de membres influents du parti jeudi après avoir affirmé la veille dans une entrevue à CTV News Channel que l’homosexualité était « un choix de vie » et que l’accès à l’avortement ne devrait pas être financé par l’État.

« Nous sommes tous mêlés. Nos enfants sont mêlés », a affirmé M. Décarie, ajoutant que le sigle LGBTQ pour décrire les membres de la communauté gaie était un concept inventé par les libéraux. « Je ne parle pas des gens de cette manière », a-t-il déclaré à l’animateur Evan Solomon.

Lorsqu’on lui a demandé s’il croyait que l’homosexualité était un choix, il a répondu : « Je crois que c’est un choix. La manière dont les gens se comportent est une chose. Je crois que le gouvernement a la responsabilité d’encourager les valeurs traditionnelles que nous avons eues au cours des dernières années. »

C’est le genre de valeurs conservatrices sociales que je veux défendre en tant que leader.

Richard Décarie

Au congrès national de 2016, les membres du Parti conservateur ont pourtant tourné la page sur un des enjeux évoqués par M. Décarie en entérinant par une forte majorité une résolution reconnaissant les mariages gais.

Les propos de M. Décarie ont été furieusement dénoncés. « Être homosexuel n’est pas un choix et personne ne devrait se présenter aux élections en ayant une plateforme pour faire reculer des droits acquis durement gagnés », a affirmé sur Twitter Peter MacKay.

Un autre candidat potentiel, le député Erin O’Toole, a également mis son grain de sel. « Ce commentaire est ridicule. Le Parti conservateur du Canada est ouvert à TOUS les Canadiens. Nos membres ont été clairs quand ils ont voté pour reconnaître le mariage entre conjoints de même sexe. »

Le premier député conservateur ouvertement gai à avoir été élu à la Chambre des communes l’automne dernier, Eric Duncan, a invité M. Décarie à le rencontrer.

« Bonjour, monsieur Décarie. Je ne vous connais pas du tout. Mais je suis un nouveau député conservateur d’une région rurale de l’est de l’Ontario et fier de l’être. Nous devrions probablement nous entretenir au sujet de mes “choix” de vie », a-t-il écrit sur son compte Twitter.

Aux dernières élections, les tergiversations du chef démissionnaire Andrew Scheer sur les questions morales ont fait dérailler la campagne des conservateurs.