(Montréal) Pas besoin de référendum pour changer le mode de scrutin au Québec, soutient la « Coalition pour la réforme électorale maintenant ! ». Mais si le gouvernement caquiste insiste, il doit le tenir avant la prochaine campagne électorale pour que cette réforme ne soit pas noyée dans l’élection.

C’est le message que la Coalition a tenu à lancer lundi matin en conférence de presse à Montréal, juste avant le début, mercredi, des consultations devant la commission parlementaire.

Cette commission va alors se pencher sur le projet de loi 39, qui détaille la proposition du gouvernement pour modifier le mode de scrutin. C’est aussi la concrétisation d’une promesse électorale de la CAQ.

Actuellement, le système est de type « uninominal à un tour ». Le candidat qui a le plus de voix dans une circonscription l’emporte. Et habituellement, par convention, le parti qui récolte le plus de circonscriptions gouverne. C’est le système qui existe aussi au niveau fédéral.

Le projet de loi 39 établirait un nouveau mode de scrutin mixte avec compensation régionale. Il prévoit des sièges de circonscription et des sièges de région. L’idée de base de la réforme consiste à faire en sorte que le nombre de sièges occupés par un parti à l’Assemblée nationale corresponde le plus près possible au pourcentage de votes qu’il a obtenu.

En décembre, la ministre de la Justice, Sonia LeBel, qui parraine le projet de loi, a déposé plusieurs amendements, incluant la nécessité d’un référendum, qui doit se dérouler en 2022, en même temps que la prochaine campagne électorale provinciale.

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La ministre de la Justice, Sonia LeBel

La Coalition juge qu’un tel référendum n’est pas nécessaire. Le gouvernement a la légitimité pour mener cette réforme, a soutenu l’un des porte-parole de la Coalition, Jacques Létourneau, président de la CSN. Et puis, il rappelle qu’au printemps 2018, la CAQ a signé, avec les trois autres formations politiques, hormis le Parti libéral, un pacte pour adopter un mode de scrutin proportionnel mixte, ce qui démontre leur appui, juge-t-il.

« La réforme du mode de scrutin est un enjeu beaucoup trop important pour être abandonné aux aléas partisans d’une campagne électorale », a-t-il martelé en point de presse.

La Coalition salue toutefois le gouvernement de François Legault : c’est la première fois dans l’histoire politique du Québec qu’un gouvernement décide de mettre en application une promesse de réforme de scrutin, poursuit M. Létourneau.

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Le président de la CSN, Jacques Létourneau

Mais le projet de loi 39 doit être bonifié, a ajouté l’autre porte-parole de la Coalition, Marie-Andrée Gauthier, aussi coordonnatrice générale des Tables régionales de groupes de femmes du Québec. Il ne contient rien de concret pour assurer une représentation paritaire, pas plus qu’une représentation équitable pour les régions, entre autres lacunes, a-t-elle expliqué.

Ça prend des mesures concrètes pour qu’il y ait plus de femmes en politique, et ça doit être traité dans le cadre de cette réforme, sinon quand sera-t-il fait ? demande-t-elle.

La vice-présidente du Mouvement Démocratie Nouvelle (MDN), Françoise David, estime qu’une réelle réforme profiterait aux citoyens.

« L’intérêt c’est qu’on obtient d’avoir une Assemblée nationale qui développe une nouvelle culture politique. On a des gouvernements de coalition, ce qui veut dire une culture, un peu obligée, mais de collaboration, et moi je pense que les Québécois veulent ça. Chaque fois qu’à l’Assemblée nationale du travail transpartisan s’est fait, il y a un très haut niveau de satisfaction de la population du Québec. »

Mais le gouvernement caquiste souhaite-t-il réellement une réforme ?

Selon M. Létourneau, le projet de loi tel que déposé ne propose pas une grande transformation, et il permettrait aux principaux partis de se maintenir. Et puis, en vertu des amendements suggérés en décembre par la ministre LeBel, un élu de l’Assemblée nationale ne pourrait être administrateur, dirigeant ou représentant financier du camp du OUI ni du camp du NON.

Pour Alain Marois de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), « c’est un manque de courage politique. Quand tu déposes un projet de loi, tu devrais le défendre », est-il intervenu.

« Il ne faut pas leur prêter de mauvaises intentions, a toutefois rétorqué M. Létourneau lorsque questionné à ce sujet. Il y a une volonté, ils ont déposé un projet de loi. Mais il doit y avoir des gens à l’intérieur de la CAQ qui font de la pression », convient-il.

Différents groupes défileront en commission parlementaire pour présenter leurs critiques comme leurs suggestions cette semaine et au début du mois de février.

La Coalition regroupe plus de 70 organismes et réseaux de la société civile et affirme représenter plus de deux millions de Québécois.