(Ottawa) Justin Trudeau veut moins se faire voir en 2020. Le premier ministre, qui a pris si souvent la pose lors de son premier mandat, estime que cette visibilité a fait ombrage aux réalisations de son gouvernement.

C’est le message qu’il a choisi de livrer à chacune des entrevues de fin d’année accordées ces derniers jours.

L’entrevue avec La Presse canadienne a eu lieu mercredi. Sa réflexion sur le sujet s’est alors présentée, bien rodée.

« Peut-être que si on réduit un petit peu l’intensité de cette image, les gens vont un peu plus remarquer qu’effectivement on est en train de faire de grandes choses pour eux », a-t-il offert.

« On a des adversaires qui disent tout le temps, “oh, ce gouvernement n’est qu’image”, nous on le savait très bien qu’on n’était pas juste image, qu’on a fait d’énormes choses pour le pays », a-t-il affirmé.

Il en est ainsi venu à conclure qu’il devait lui-même être moins visible pour contrer l’impression « que s’il y a une image forte, c’est parce qu’il ne doit pas y avoir de la substance ».

Il dit avoir constaté, pendant la campagne électorale, que sa présence trop grande dans les médias avait empêché les Canadiens d’apprécier les initiatives du gouvernement libéral.

« Je me retrouvais à dire “est-ce que vous avez remarqué ces centaines de dollars de plus que vous recevez avec l’allocation canadienne aux enfants ? ». Il y en a qui disaient “ah oui ? c’est vous qui avez fait ça ? ” », a-t-il relaté, citant d’autres exemples de programmes fédéraux méconnus par les électeurs.

La correction est nécessaire, selon lui, non seulement pour que son gouvernement soit mieux apprécié, mais aussi pour que les citoyens continuent de croire dans les institutions et que soit préservée ainsi la démocratie.

« Ce n’est pas une question de vouloir vendre ce qu’on fait comme gouvernement ; c’est une question de confiance que les citoyens ont dans notre système, dans notre démocratie », a-t-il insisté.

« Si les gens ne pensent réellement pas qu’un gouvernement est là pour livrer concrètement pour eux, en train de les aider de façon mesurable dans leur vie, c’est très tentant de voter tout simplement contre les institutions », a-t-il calculé.

« On a vu dans d’autres pays des gens qui vont dire “OK, je vais complètement chambarder le système” », a-t-il souligné.

« Si on veut que les gens fassent des choix raisonnés et raisonnables dans une démocratie, il faut qu’ils aient au moins l’impression que leurs institutions peuvent bien travailler pour eux », a-t-il conclu.

Est-ce que ce sont ses images peu flatteuses — les blackfaces ressurgis en pleine campagne — qui ont fait germer cette réflexion ?

« C’est surtout le fait que nous avons une équipe extraordinaire de ministres qui n’obtenaient pas toujours l’attention ou la visibilité qui nous auraient tous servis », a-t-il répondu avec quelques hésitations, signes d’un certain embarras.

M. Trudeau laisse entendre que la réflexion qui l’a conduit là a commencé pendant les remous de l’épisode SNC-Lavalin, « des moments difficiles à l’interne », alors que deux ministres ont claqué la porte avant d’être expulsées du caucus libéral.

Tout de même, conscient de « l’engouement » qu’il suscite encore chez certains, il ne compte pas s’effacer complètement. Il estime que cette « connexion » avec les gens demeure « quelque chose de très important ».

Et puis pas question d’imiter François Legault et de préparer déjà sa sortie. « Oui », il sera là pour un autre mandat… s’il est réélu la prochaine fois.