(Québec) Le président de la Manitoba Metis Federation (MMF), David Chartrand, demande au premier ministre manitobain, Brian Pallister, de « se regarder dans le miroir » avant de « partager sa sagesse » concernant la loi québécoise sur la laïcité.

« Clairement, la façon qu’il traite les Métis au Manitoba est différente de ce qu’il dit au Québec de faire avec ses propres citoyens », a dénoncé M. Chartrand vendredi en entrevue avec La Presse.  

Cette position fait écho aux propos du chef parlementaire du Parti québécois (PQ), Pascal Bérubé, qui a invité en matinée les Manitobains à « regarder [leur] passé » et à se rappeler la pendaison de Louis Riel avant de critiquer le Québec.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé.

« Brian Pallister qui vient nous faire la leçon, […] moi, j’ai deux mots pour [lui] : Louis Riel. Alors avant de nous faire la leçon, je les invite à replonger dans l’histoire », a-t-il déclaré à l’Assemblée nationale.

« Le Canada, est-ce qu’il reconnaît Louis Riel ? Est-ce qu’il reconnaît l’apport de Louis Riel ? Je ne croirais pas », a poursuivi M. Bérubé.

Jeudi, le gouvernement manitobain a acheté des publicités dans des médias québécois pour rappeler « 21 raisons de se sentir chez soi au Manitoba ». Depuis plusieurs semaines, M.  Pallister est critique de la loi 21 du Québec qui interdit le port de signes religieux aux fonctionnaires en position d’autorité et aux enseignants.

Dans sa publicité, le Manitoba écrit notamment « la francophonie manitobaine est la plus grande communauté francophone à l’ouest de l’Ontario. »

CAPTURE D'ÉCRAN

Dans sa publicité, le Manitoba écrit notamment « la francophonie manitobaine est la plus grande communauté francophone à l’ouest de l’Ontario. »

« Le Manitoba, en matière de protection des francophones et d’ouverture, peut regarder son passé », a dit vendredi Pascal Bérubé.  

De « l’hypocrisie à son meilleur »

David Chartrand de la Manitoba Metis Federation juge que l’attitude de Brian Pallister envers le Québec est de « l’hypocrisie à son meilleur ». La MMF entretient des liens tendus avec le premier ministre manitobain qui les a déjà qualifiés de « groupe d’intérêt » et contre qui la province a des dossiers devant les tribunaux.  

« Je ne vois pas comment M. Pallister peut dire au Québec comment agir avec ses minorités religieuses quand il nous traite avec tant d’hostilité », a dit M. Chartrand vendredi.  

Selon « tout ce que j’ai lu de Louis Riel, a-t-il ajouté, s’il était confronté aujourd’hui [à l’enjeu de loi 21 au Québec], il aurait été clair que ça doit être réglé au Québec, entre ses frontières. Ensuite, Riel aurait aussi dit qu’il fallait respecter toutes les religions, toutes les cultures, et prendre un pas de recul pour trouver un compromis ».  

L’histoire de Louis Riel 

Louis Riel, pendu le 16  novembre 1885 à Regina, en Saskatchewan, était un chef métis et le fondateur du Manitoba. Il est enterré au cimetière de la cathédrale de Saint-Boniface, à Winnipeg.  

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Louis Riel

« [Il] a dirigé deux gouvernements métis populaires, a joué un rôle central dans l’entrée du Manitoba dans la Confédération et a été exécuté pour haute trahison pour sa participation à la résistance de 1885 contre l’empiétement canadien sur les terres métisses » dans l’actuelle Saskatchewan, rappelle l’Encyclopédie canadienne.

« Bien que Louis Riel ait d’abord été décrit comme un rebelle par les historiens canadiens, nombreux sont ceux qui aujourd’hui se rangent de son côté et le perçoivent comme un chef métis qui s’est battu pour protéger son peuple du gouvernement canadien », poursuit-on.

« Plusieurs statues rendent hommage à Louis Riel dans sa province d’origine. En 2007, le Manitoba désigne un jour férié annuel en son honneur au mois de février. Aussi, les Métis du pays commémorent publiquement la vie et les luttes historiques de Louis Riel le 16  novembre, jour de son exécution », indique aussi l’encyclopédie.

Les Franco-Manitobains réagissent 

La communauté franco-manitobaine a pour sa part rappelé vendredi au chef péquiste, Pascal Bérubé, qu’on parlait toujours le français au Manitoba grâce à la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège les droits linguistiques. C’est justement pour se protéger de certaines dispositions de cette charte que le gouvernement Legault a invoqué la clause dérogatoire, qui doit être renouvelée tous les cinq ans.  

« Quand on vit en situation minoritaire comme les francophones au Manitoba, on reconnaît l’importance des protections de la Charte des droits. C’est à cause de cette charte qu’on a pu défendre nos droits [devant les tribunaux] », a affirmé à La Presse Angela Cassie, vice-présidente du conseil d’administration de la Société de la francophonie manitobaine.  

« Et le fait que Louis Riel a été pendu, ce n’est pas juste une histoire manitobaine. C’est une histoire canadienne. Il a lutté au nom des peuples autochtones, des métis et des francophones », a-t-elle ajouté.