(Ottawa) Les libéraux poursuivent leur offensive préélectorale contre Andrew Scheer, en faisant circuler une vidéo concernant ses intentions en matière de législation sur l’avortement. Cette nouvelle fronde fait dire au chef conservateur que les libéraux cherchent à détourner l’attention de leur bilan.

La ministre Mélanie Joly a publié jeudi sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle le cofondateur d’un groupe anti-avortement dit avoir obtenu l’assurance du chef qu’un éventuel projet de loi qui rouvrirait le débat ferait l’objet d’un vote libre, même pour les ministres.

« Andrew nous a promis […] dans une entrevue avec nous que le vote serait libre non seulement pour le caucus conservateur, mais aussi pour les membres du cabinet », soutient Scott Hayward, de l’organisation Right Now, dans ce segment daté du 19 août dernier.

« Notre but, pour Right Now et le mouvement, est de bâtir dans les prochains cycles électoraux une majorité “pro-vie” qui, nous le savons, sous le leadership d’Andrew Scheer, pourront déposer des projets de loi (contre l’avortement) et que ceux-ci fassent l’objet d’un vote libre », poursuit-il.

En entrevue avec La Presse, M. Hayward a spécifié que l’entretien s’est tenu dans le cadre de la course à la chefferie du Parti conservateur, en 2017, et qu’« Andrew Scheer a assuré qu’il ne ferait rien pour empêcher un député de présenter un projet de loi sur l’avortement ».

Selon les calculs de son organisation, 58 des 95 actuels députés conservateurs sont « pro-vie ». Et l’effort pour en recruter encore davantage se poursuit, fait-il remarquer. « C’est un processus qui s’échelonne sur deux ans et demi. Nous en sommes à l’étape d’envoyer des gens cogner aux portes dans les circonscriptions où le candidat que nous avons appuyé a remporté l’investiture », relate-t-il au téléphone.

Une tactique de diversion, dit Scheer

Après s’être fait discret ces derniers jours, le leader conservateur a été confronté à un barrage de questions lors d’une disponibilité média à Toronto. Il a accusé les libéraux de chercher à détourner l’attention de leur bilan en ramenant sur le tapis « des enjeux sociaux conflictuels ».

Sans jamais vouloir dire s’il empêcherait un élu d’arrière-ban de déposer une mesure législative, il a martelé que « rien n’a changé » au parti, que « les députés ont le droit de s’exprimer sur des questions de conscience », et qu’un « gouvernement conservateur va toujours s’assurer que le débat ne serait pas rouvert ».

Un député qui déposerait un projet de loi d’initiative parlementaire s’exposerait-il à des sanctions ? « Les libéraux tentent de créer une situation hypothétique. J’ai travaillé avec mon caucus ces dernières années, et je sais que nous sommes tous concentrés sur ce qui nous unit », a offert le chef, qui est lui-même opposé à l’avortement.

Le leader du Parti conservateur s’est de nouveau retrouvé empêtré cette semaine dans le débat sur le droit à l’avortement après que le HuffPost eut révélé que son lieutenant québécois, Alain Rayes, a assuré à des candidats qu’un élu d’arrière-ban ne pourrait déposer un projet de loi d’initiative parlementaire.

Les libéraux, qui attaquent sans ménagement Andrew Scheer sur cette question depuis des mois, y ont vu une nouvelle opportunité. « Certains conservateurs prétendent que le débat sur l’avortement est clos, mais (cette) vidéo prouve que Scheer dit le contraire aux activistes anti-choix », a écrit la ministre Joly sur Twitter, jeudi.

La salve de la ministre survenait exactement une semaine après que son collègue Ralph Goodale eut publié une vidéo dans laquelle Andrew Scheer, alors député d’arrière-ban, livre un plaidoyer contre le mariage entre personnes du même sexe lors d’un débat sur un projet de loi qui allait légaliser ces unions à travers le pays.

Il a refusé jeudi de préciser si sa position sur cet enjeu spécifique avait évolué depuis. « Mon point de vue personnel, c’est que tous les Canadiens ont une dignité intrinsèque […] et je vais toujours appuyer l’égalité des droits humains pour tous les Canadiens, incluant les LGBTQ Canadiens », s’est-il contenté d’offrir.

« Ce dossier a été réglé il y a longtemps […] Aujourd’hui, c’est la loi, et je vais toujours maintenir cette loi », a conclu le chef conservateur.