(Ottawa) Des dirigeants du monde des affaires canadien estiment que la visite du premier ministre Justin Trudeau à Washington la semaine prochaine pourrait être plus productive s’il pouvait ajouter à son calendrier une rencontre avec la dirigeante démocrate Nancy Pelosi.

Le voyage de M. Trudeau en sol américain est présenté comme un effort pour accélérer la ratification du nouvel ALENA.

Le processus de ratification du traité de libre-échange nord-américain suit lentement son cours à la Chambre des communes, tandis que le Sénat mexicain s’apprête à donner son approbation finale au début de la semaine prochaine. Mais la Chambre des représentants des États-Unis, à majorité démocrate, tarde à leur emboîter le pas.

Brian Kingston, du Conseil canadien des affaires, souligne qu’en tant que présidente de la Chambre des représentants, c’est Nancy Pelosi qui décidera si le projet de ratification du président Trump sera présenté à la chambre basse du Congrès américain.

Les démocrates voudraient empêcher M. Trump de remporter une victoire sur le front commercial. De plus, ils ont des préoccupations spécifiques concernant les dispositions du nouvel accord Canada-États-Unis-Mexique relatives au travail et à l’environnement.

À l’approche de l’ajournement du Congrès, à la fin du mois de juillet, l’espoir de Donald Trump de voir le nouvel ALENA ratifié cet été — tel que promis par le vice-président Mike Pence lors de son passage à Ottawa, le mois dernier — s’amenuise.

M. Kingston, qui est responsable des affaires internationales pour le Conseil canadien des affaires, estime qu’une rencontre avec Mme Pelosi « pourrait être bénéfique parce qu’en ce moment, la balle est complètement dans son camp ».

Perrin Beatty, le président de la Chambre de commerce du Canada, affirme qu’une réunion entre M. Trudeau et Mme Pelosi ne devrait avoir lieu que si le président invitait M. Trudeau à en tenir une. Mais un tel entretien pourrait selon lui être utile.

Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces automobiles du Canada (APMA), ajoute que cette rencontre prendrait tout son sens grâce au contexte dans lequel elle s’inscrirait.

« Le premier ministre canadien qui apparaît publiquement dans le même camp que le président américain pourrait permettre aux démocrates de couvrir leurs arrières en soutenant le nouvel AEUMC », fait-il valoir.

Le cabinet du premier ministre s’est engagé à tenir les médias au courant de l’itinéraire de M. Trudeau, mais il n’a pas voulu en dire davantage sur le sujet.

Un rencontre est prévue jeudi avec le président Donald Trump pour discuter notamment du nouvel accord commercial, ainsi que de leurs préoccupations communes vis-à-vis de la Chine.

Une urgence à géométrie variable

Des regroupements d’entreprises réclament une ratification rapide du nouvel accord dans les trois pays, puisque l’incertitude créée par la longue et tumultueuse renégociation de l’ALENA, ainsi que les délais avant son entrée en vigueur, nuisent selon eux aux plans d’investissement à long terme.

Les députés canadiens doivent ajourner leurs travaux d’ici vendredi prochain pour l’été. Il s’agit donc de leurs derniers jours de séance prévus avant les élections fédérales d’octobre, mais ils pourraient être rappelés cet été pour procéder à la ratification.

Lors de son voyage à Washington cette semaine, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, s’est abstenue de préciser la façon dont le Canada agirait « en tandem » avec les législateurs américains si ceux-ci ne ratifient pas l’accord avant leurs propres vacances estivales.

Dans le milieu des affaires canadien, les points de vue divergent sur l’urgence de ratifier le nouvel accord.

« Leur stratégie consistant à suivre le processus américain est logique, mais il faudra un jour ratifier cet accord avant les élections », soutient M. Kingston.

« Notre plus grande préoccupation à l’heure actuelle est que si le président estime que les démocrates n’avancent pas assez vite, il se retirera de l’ALENA […], ce qui serait absolument désastreux pour l’économie canadienne. »

L’ALENA demeure pour l’instant en vigueur, mais permet à ses trois signataires de s’en retirer avec un préavis de six mois. M. Kingston craint que Donald Trump ne se serve de cette disposition pour faire monter la pression sur les législateurs américains.

Mais pour M. Beatty, il n’est pas impératif que le gouvernement libéral ratifie l’accord avant les élections fédérales à l’automne.

« Ce serait préférable, mais je ne pense pas que ce soit essentiel. Les libéraux et les conservateurs sont en faveur de la ratification. Je pense que, que ce soit avant ou après les élections fédérales, il n’y a pas d’obstacle sérieux à la ratification au Canada. »