(Ottawa) Justin Trudeau assure que le Parti libéral actuel n’accepterait pas de contributions politiques comme celles qui ont plongé SNC-Lavalin dans l’embarras à la fin des années 2000.

Le premier ministre a déclaré mardi que cette affaire de prête-noms s’est déroulée il y a plus de 10 ans, bien avant que son équipe soit élue et procède à une réforme du financement des partis politiques fédéraux.

Si une infraction à la Loi électorale est commise, le Commissaire aux élections fédérales, « bras juridique » du Directeur général des élections, peut conclure avec l’intéressé une transaction, assortie de diverses conditions, ce qui évite au contrevenant une poursuite pénale.

La firme d’ingénierie montréalaise a conclu en 2016 une telle transaction avec le Commissaire aux élections. L’entreprise reconnaissait alors que d’anciens dirigeants avaient convaincu des employés de verser de l’argent aux partis libéral et conservateur, afin de contourner les plafonds fixés par la Loi électorale pour les contributions aux partis politiques. Ces prête-noms étaient ensuite remboursés par leur employeur, sous forme de fausses primes ou allocations.

Cette transaction avec SNC-Lavalin était publique à l’époque, mais un reportage de Radio-Canada/CBC révèle aujourd’hui l’identité des employés de SNC-Lavalin qui, selon le Commissaire aux élections, ont été impliqués dans ce stratagème de prête-noms. Sur cette liste, obtenue par les émissions « Enquête » et « The Fifth Estate », on retrouve notamment le nom de l’ex-ministre libérale de la Justice du Québec Kathleen Weil, qui aurait versé 5000 $. La députée de Notre-Dame-de-Grâce assure qu’il s’agit là d’une erreur : « Je n’aurais jamais et je n’ai jamais agi comme prête-nom », a-t-elle soutenu mardi matin.

Son mari, Michael Novak, était alors un dirigeant de SNC-Lavalin.

Neil Bruce, l’actuel président-directeur général de SNC-Lavalin, déclarait en 2016 que l’accord conclu avec le Commissaire aux élections démontrait bien que la firme avait tourné la page.

Le Parti libéral du Canada aussi, a soutenu M. Trudeau mardi, avant la réunion hebdomadaire du cabinet. « La réalité, c’est que c’est un enjeu qui date de plus de 10 ans au parti — c’est bien avant que nous arrivions pour faire les changements importants à la façon que la collecte de fonds se fait pour les partis fédéraux, a-t-il dit. On reconnaît qu’il y a eu des arrangements dans le temps, mais ce n’est plus quelque chose qui dure dans notre parti. »

Les contributions couvertes par la transaction entre le Commissaire aux élections et SNC-Lavalin avaient été versées entre 2004 et 2011 ; M. Trudeau est devenu chef libéral en 2013.

« Chien de poche libéral »

Les libéraux fédéraux ont reçu de SNC-Lavalin près de 118 000 $ dans le cadre de ce stratagème, et les conservateurs 8000 $.

Le porte-parole conservateur en matière de finances, Pierre Poilièvre, a sévèrement mis en doute, mardi, la neutralité du Commissaire aux élections fédérales, Yves Côté, qu’il traite de « chien de poche libéral ».

« C’est clair que le Commissaire aux élections doit s’expliquer, a-t-il soutenu à l’extérieur de la Chambre. Je ne sais pas pourquoi cet officier a permis à SNC de ne pas aller en procès. »

Poursuivant en anglais, M. Poilievre a soutenu qu’il « est de plus en plus clair que le soi-disant chien de garde (de la Loi électorale) est en réalité le chien de poche libéral ».

« Un Commissaire qui conclut une telle entente avec une entreprise qui, systématiquement, produit de fausses réclamations, de fausses primes, de faux documents afin de verser des contributions illégales de 100 000 $ — et ce Commissaire n’amène pas l’affaire devant les tribunaux ? C’est insensé ! Il doit s’expliquer publiquement », a estimé le député conservateur.

« On veut aussi savoir si, d’une façon ou d’une autre, le gouvernement libéral ou le Parti libéral s’est ingéré dans les affaires d’Élections Canada ou du Commissaire aux élections. »

M. Poilievre admet que de telles ententes sont prévues par la Loi électorale, mais ces transactions devraient être conclues selon lui pour des infractions mineures, pas dans ce cas-ci, alors que « SNC-Lavalin a admis avoir versé plus de 100 000 $ en contributions illégales à essentiellement un seul parti politique ».